J’ai emporté un bloc-notes

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J’ai emporté un bloc-notes avec un crayon et, maintenant, nous sommes devant la source - je ne me souviens pas que Touguy se soit muni de quoi que ce soit, à l’exception de son évidente curiosité -, dans le but d’écrire un poème. Comment, du reste, pourrait-il en être autrement alors que la nature renaît, qu’un nouveau cycle de création se présente, qu’éclatent les premiers bourgeons semés de larmes de résine ? Là, au milieu de cette nature accueillante, manière de conque largement ouverte sur le champ des significations multiples, comment ne pas ressentir l’émotion d’être, comment ne pas vouloir la traduire en mots, en actes, peut-être, simplement, en mouvements de l’âme, fussent-ils infinitésimaux ! A vrai dire je ne sais plus le contenu de cette poésie, son rythme, sa façon de s’ouvrir au monde. Ce que je sais, cependant, c’est la trace qu’elle a déposée en moi, là au creux le plus secret de l’être alors que l’existence commence tout juste à faire son grésillement de flamme. Premier poème, comme l’on dirait « Premier amour », songeant à Tourgueniev, à cette nouvelle mettant en exergue le trouble des amours inachevées. « Amour inachevées », tout comme la création, jamais portée à son terme, constamment recommencée - vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage -, création qui fait votre siège et ne vous laisse en repos que le temps de l’écriture pour vous surprendre la nuit, au milieu de votre sommeil, avec la persistance d’une nuée d’abeilles. Jamais on n’en a fini avec une passion, c’est, du reste sa raison d’être et comme le langage est, par définition infini, le trouble qui y est attaché suit la même pente. Bien évidemment, de cette séquence déjà lointaine, ne restent ni la trace du poème, ni la feuille qui lui a servi de point d’envol. Seulement le désir d’en savoir plus sur le monde. Seulement le feu qui couve longuement et demande à être nourri. Et, tout naturellement me viennent à l’esprit les délicieux et pertinents vers de Nicolas Boileau dans « L’Art poétique » :

« Avant donc que d'écrire, apprenez à penser.

Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement,
Et les mots pour le dire arrivent aisément.

Hâtez-vous lentement, et sans perdre courage,
Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage,
Polissez-le sans cesse, et le repolissez,
Ajoutez quelquefois, et souvent effacez. »

Souvent, j’aurai effacé ces mots qui se montraient rebelles. Ce qui, jamais ne se sera effacé, cette envie née, là, au bord de la source, ce lieu chargé de symboles qui fait signe vers le site de son origine !

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