Mais il faut en arriver à l’expérience concrète
Mais il faut en arriver à l’expérience concrète et tâcher, sinon de dévoiler ce qui ne peut l’être, à savoir la source du langage, son lieu de jaillissement, du moins en décrire quelques unes de ses lignes d’apparition. Je dois avoir dix ans en ce printemps qui manifeste son impatience de floraison, de la même manière que je vis au rythme de mes propres fébrilités, l’écriture logée quelque part au creux de l’ombilic et qui demande à se déplier, à voir le jour. Car le bouton germinal n’entre dans la signification qu’à se déployer. Sinon, fantasmé, il se referme sur une mutité qui le reconduit à l’ombre du langage, ce non-savoir qui occulte toutes les ressources expressives et reconduit l’homme à une sorte de geôle. A l’école primaire, Monsieur Chaliès nous fait travailler intensivement « La lecture littéraire et le français » dans le manuel de Souché. Immense révélation de ce que la littérature peut apporter d’ouverture, de fascination, de rêves, de possibilités d’accomplissement. Lectures fiévreuses des grands auteurs, depuis la prose et les tableaux quasiment bibliques de Georges Sand dans « La Mare au Diable », jusqu’aux fresques lyriques de Chateaubriand dans « Le Génie du Christianisme », en passant par le langage utilitaire et rustique d’un Ernest Perrochon dans « La Parcelle 32 ». Beauté des textes pour l’enfant que je suis, qui découvre non seulement les fondements d’une esthétique mais l’outil, le médiateur pour dilater l’œil de l’imaginaire, l’alchimiste qui transformera le plomb du réel, sa naturelle densité, en or pour l’esprit, en platine pour la méditation, la contemplation. Déjà, sans doute, naissaient les prémices d’un immense intérêt pour le romantisme, l’idéalisme et sa plus belle déclinaison, le platonisme dont, encore aujourd’hui, la lecture demeure une délectation pour la connaissance.
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