Source secrète
Existe-t-il une source de l’écriture, secrète, inapparente, qui nous dépasserait, venant de si loin qu’elle apparaîtrait à la manière d’un simple filet d’eau se perdant dans un lieu indéfinissable ? L’écriture, ce bel ornement du langage, peut-être celui par lequel il signifie avec le plus de profondeur. Car, malgré tout, si les déclamations orales ont bien constitué, dans le monde grec antique, les fondements de la « polis », cette cité reposant sur les échanges de l’agora, ce centre de rayonnement unique, l’écriture déposée sur un parchemin en fixe les règles immuables. Les religions l’ont bien compris qui ont inscrit leurs dogmes dans la Bible, la Torah, le Coran. Si le calame des musulmans est censé être le vecteur de la parole divine, c’est bien qu’une prééminence de l’écrit s’impose au simple bavardage des places publiques. Car de la rencontre des hommes, de leurs passions, résulte vite un échange fondé sur les rumeurs, les invectives parfois, les polémiques sans fin dans lesquelles s’enlisent les vertus dialogiques. Ainsi se développe la rhétorique au détriment de la dialectique censée nous faire découvrir l’être vrai des choses. Ainsi naît le sophisme et son corollaire : la perte du sens dans des joutes sans fin et sans autre objet réel que de triompher de son adversaire.
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