Mauvaise langue

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Assise dans ce bar, je vois.

Cette maman exaspérée, entourée de trois gamins, hurlant des questions sans réponses, « MAMAAN ! Pourquoi elle est grosse elle ?! REGAAARDE ! ». La « grosse » en question les croise, vêtue de noir et baissant la tête, pointée du doigt par ce petit curieux, elle remet nerveusement son sac à main sur l’épaule en fermant un peu plus sa veste. Il fait pourtant une chaleur à mourir !

Je n’ai pas le temps d’entendre ce que la mère répond au petit, le bambin dans la poussette pleure trop pour qu’elle s’en soucie. Peut-être que je serais pareil, une fois maman… Non sûrement pas, je ne me laisserais jamais débordée à un tel point.

Prétentieuse.

Je vois. Mais je ne regarde pas, ce soir je ne m’en souviendrais plus. Je sirote mon jus de fraise. La « grosse », elle, s’en souviendra ce soir me dis-je.

Je vois aussi cette femme criant au téléphone, de toute évidence, sur son petit-ami « OK ! Bah t’sais quoi va la voir ELLE s’te grosse blondasse de merde ! Meilleure amie… Mon cul oui ! Demain matin tu t’réveilleras tout seul !! ». Demain il ne se réveillera pas tout seul.

C’est triste ce que je vois. Mais je ne regarde pas, je ne m’attarde pas. Aujourd’hui je vais bien, moi.

Egoïste.

On s’approche, « J’peux t’prendre la chaise s’teuplait ? ». Jolie petite rousse, j’aimerais bien lui ressembler… En moins bête. Elle a vraiment un peu l’air stupide, quel dommage. Je réponds avec un sourire « Oui oui, bien sûr prenez-la » « Oh trop cool, cimer ! ». Stupide disais-je. Je bois doucement mon jus de fraise. Il y a trop de glaçons, c’est vraiment mauvais.

Aigrie.

Je lève le nez, je ne vois rien, le soleil est trop haut, trop lumineux, trop fort. Je ferme les yeux et profite des picotements qu’il provoque sur ma peau.

Retour à la réalité. « J’ai oublié de vous encaisser Madame. » « Ah oui tenez ! » « Merci » « De rien ». J’aurais dû courir. Courir et me sentir un peu vivante ! Quatre euros pour des glaçons à la fraise !! Tant pis.

Râleuse.

Je vois ces deux enfants courir dans la rue en bousculant tout le monde sur leur passage. Je souris. Les passants râlent. L’un, tombe. L’autre, lui rit au nez. Pris de rage, le petit à terre se relève et ils reprennent leur course. Une citation d’un livre me revient alors « J’aimerais être comme les enfants, effacer avec du présent le chagrin, la peur, la colère, être dans ce qui est là et c’est tout. »

Suis-je vraiment là et c’est tout ? Dans le présent ?

Pensive.

Aller, je rentre. Les amoureux assis en face me donnent la gerbe.

Jalouse.

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