La main

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La main

Bizarre, ce matin, j’ai mal à la main.

Pourquoi cette main gauche me fait-elle souffrir autant aujourd’hui ?

Je ne comprends pas bien d’où vient cette douleur, je ne me rappelle pourtant pas m’être blessé, ni même cogné. Bizarre …

J’ai sûrement dû m’endormir dessus et la plier négligemment durant la nuit.

C’est curieux et même un peu étonnant, mais ça va passer et se calmer dans la journée.

Deux ou trois calmants là-dessus et passons à autre chose.

La journée s’est passée, mais pas cet élancement et cela, malgré la prise d’une boite complète d’antalgiques. La mort dans l’âme, je suis parti me coucher, espérant pouvoir tout de même m’endormir. Demain est un autre jour.

Jour 2

Inutile de dire que je n’ai pas fermé l’œil de la nuit !

Que m’arrive-t-il ? Cette maudite main ne semble pas décidée à me laisser en paix. C’est fou !

J’ai beau me torturer les méninges, je ne comprends pas ce qui m’arrive.

J’ai dû me casser quelque chose, y’a pas de doute !

La journée s’est passée entre massages et prises de cachets. Incroyable, le mal ne passe pas, je commence à avoir vraiment peur !

Finalement, afin d’avoir un peu de répit, j’ai placé ma main sous le robinet.

L’eau froide finit par me soulager et c’est dans cette position inconfortable que je réussis à m’endormir.

Jour 3

Je me réveille en sursaut vers deux heures du matin.

La douleur est de retour, et cela malgré l’eau glaciale qui coule en permanence le long de mon bras. En plus je suis courbaturé comme pas possible, je n’ai jamais été si mal de ma vie !

En tremblant, je ferme le robinet, et comme je le crains, le supplice repart de plus belle. À mesure que ma main se réchauffe, la souffrance se fait plus aigüe.

Désormais, je tourne en rond dans ma cuisine en me tenant l’avant-bras. Comme un animal en cage, je me sens pris au piège. Si je ne trouve pas une solution rapidement, je vais devenir fou !

J’enrage ! Si je n’avais pas autant de dettes à droite et à gauche, j’irais voir ce charlatan de docteur. Mais c’est inutile, avant même de regarder ma main il me tendrait les quatre chèques impayés dont je l’avais gratifié le mois dernier. Cet escroc exigerait sûrement du liquide avant de lever le petit doigt. Fumier !

Complètement désemparé, j’ai fini par vider une boite complète de somnifères. Et comme une masse, je me suis écroulé dans le canapé.

Jour 4

J’émerge lentement du brouillard qui m’englobe. La seule chose bien réelle dans cet univers de coton est ma main et la douleur qui l’accompagne. Tel un phare au milieu de ma nuit, il n’existe plus pour moi qu’une seule réalité, ce supplice.

À nouveau, je tourne en rond dans mon appartement.

Lamentablement, je me traîne à même le sol ; je suis aux abois !

Couvert de sueur, je ne supporte plus ce calvaire. Au bord des larmes, je me résous à ouvrir le réfrigérateur et y glisse ma main.

Une sensation de bien-être m’envahit au fur et à mesure que ma main se refroidit. Finalement, elle devient insensible et à nouveau je sombre dans un sommeil sans rêve.

Jour 5

Je m’éveille lentement, je suis frigorifié. Comme un imbécile, je me suis endormi devant la porte ouverte du frigo. Mais avais-je vraiment le choix ?

Je n’ose plus bouger, en aucun cas je ne souhaite réveiller ma main. La retirer du bac à légumes n’est pas envisageable. Mais que vais-je devenir ?

La matinée se passe ainsi, je reste prostré dans ma cuisine. La main dans le réfrigérateur, mais je sens que la douleur revient petit à petit. À nouveau, cette solution s’avère inefficace.

Que faire ? Qui peut m’aider ?

Finalement, j’ouvre avec ma main valide le placard sous l’évier et saisis une bouteille de whisky. Sans état d’âme, je la vide d’un trait. Une bouteille de cognac subira le même sort et c’est ivre mort que je m’écroule au sol.

Jour 6

Je m’éveille vers cinq heures du matin, j’ai mal à en chialer. C’est sûr je vais crever ! Je ne vois pas d’autre issue. Je suis cuit !

Lentement, je retire ma main du frigo et sans même m’en rendre compte, j’ouvre le freezeur. Sans état d’âme, j’y place ma main gauche.

Je suis en larmes, que vais-je devenir ?

Lentement, mon avant-bras se couvre de givre, mais la douleur ne s’estompe pas !

Je suis maudit ! Oui, c’est ça, j’ai commis une ignominie et je la paie. J’ai dû faire quelque chose de terrible et c’est ma punition.

Tout en laissant ma main dans le congélateur, je m’agenouille et récite une prière, puis sans cesse des ‘Notre Père’ s’enchainent.

La journée passe ainsi et épuisé, je finis par somnoler dans cette position.

Jour 7

Je m’éveille en sursaut, un mince filet d’eau coule du freezer qui commence à dégivrer.

Je suis tétanisé, si le congélateur lâche je suis foutu !

Je vide les dernières bouteilles d’alcool à ma disposition et me précipite vers toutes les boites de médicaments encore disponibles dans l’appartement.

Et c’est en courant que je remets ma main dans le congélateur, soulagé d’avoir survécu au simple fait de quitter le frigo un instant.

La tête me tourne, j’ai des nausées, je me sens mal !

Mais tout cela n’est rien au regard des souffrances que j’endure. Cette maudite main veut ma mort. Cette constatation s’impose d’elle-même !

Jour 8

Je ne me suis pas endormi !

Cela fait plusieurs heures que je sanglote dans mon coin. Je n’ai plus le choix, je ne peux plus subir davantage cette situation. Je vais devoir agir et j’ai peur.

Lentement, je saisis le large hachoir sur la table de la cuisine et je reste ainsi à maudire cette main, puis je laisse éclater ma colère :

- Nous y voilà, sale pute de main !

- Tu croyais pouvoir me rendre dingue ? Mais tu vas vite comprendre que je ne suis pas un lâche ! et je ne rigole plus ! si je dois te butter, je ne vais pas me gêner !

- On ne joue pas au plus con avec moi !

- Tu croies que je n’ai pas les couilles de le faire ?

- MOI !

- Tu te trompes ma vieille ! Je vais te faire la peau ! Prépare-toi à déguster !

Lentement, le ton est monté, en même temps que l’adrénaline, comme pour me donner du courage. Oui, il faut du courage pour se trancher la main. Le regard fiévreux, je cherche de l’alcool, oui il me faut de l’alcool, beaucoup d’alcool ! Mais les bouteilles sont toutes vides.

Il est hors de question de retirer la main du congélateur, même pour fouiller minutieusement l’appartement.

Ce n’est pas grave, je vais opérer à la dure, comme un soldat sur un champ de bataille. Oui c’est ça ! Dieu me lance un défi, c’est le prix de ma rédemption.

Je reste ainsi plusieurs minutes devant le fer à repasser qui lentement chauffe sur son support. Je me demande ce qui sera le plus douloureux, me trancher la main ou cautériser la plaie ?

Lentement, la semelle du fer rougit, cette folie va se finir par notre confrontation. Je prie Dieu de survivre à son baiser, mais je ne suis déjà plus en mesure de comprendre à quel point je joue avec ma vie.

Comme dans un rêve, je retire ma main du congélateur et la pose devant moi sur la table. Insidieuse et sournoise la douleur s’éveille aussitôt, il faut agir vite.

D’un coup sec, je me tranche la main.

Une gerbe de sang s’est rependue dans toute la pièce, mais je suis libéré !

À l’aide de plusieurs chiffons, j’ai stoppé l’hémorragie. Je suis heureux, j’ai mal oui, mais cela n’a plus rien à voir avec la souffrance insidieuse qui me torturait depuis une semaine. Sans même réfléchir, j’attrape le fer à repasser et en hurlant de douleur j’ai cautérisé la plaie.

Épuisé et en sueur, je prends une cigarette et m’écroule dans le canapé. Je suis soulagé.

Après avoir allumé la télévision, je ris … je ris aux éclats !

Et dire que j’ai failli devenir dingue ou crever comme un con avec ma main dans le frigo.

On est bien peu de chose !

Je m’en suis assez bien sorti tout compte fait, une main, ce n’est pas si cher payé ! Je suis mal en point, mais vivant ! Quelle épreuve, j’en suis encore sur le cul !

Libéré et assez fier de moi, je me suis endormi heureux.

Jour 9

Bizarre, ce matin, j’ai mal au pied …

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