Chapitre Dix-Huit.

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18. Prendre sur soi.

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(Point de vue Opaline)

J’observe Jace ouvrir la porte aux garçons. Ils entrent et retirent leurs manteaux d’hivers, pour les poser par-dessus les nôtres. Les yeux de Ryk se posent sur moi et j’hésite à aller le voir. Son costume anthracite fait encore plus ressortir ses yeux de la même couleur. J’ose un petit sourire en me rendant compte que nous sommes habillés de la même teinte. Coraline prends l’initiative de rejoindre Lévy et lui fait la bise, ensuite le jeune homme s’approche de moi et me fait un petit sourire, son costume sombre lui va à ravir.

— On se fait la bise ? questionne-t-il doucement.

J’acquiesce en m’approchant et lui fait avant d’aller vers Ryk et de lui faire aussi. « Aller Opaline, tu en est capable. » me motivé-je. Il m’offre un petit sourire en coin avant de rejoindre Cora et Lévy autour de la table. Ils se lancent dans une conversation que je n’écoute que d’une oreille et je décide donc de retrouver Jace dans la cuisine.

— Besoin d’aide ? proposé-je.

— Non, va plutôt t’amuser, dit-il en souriant.

— Ce serait plus drôle avec toi, grimacé-je.

— Ope, tu pourrais faire un effort, gronde-t-il doucement.

— J’essaie, regarde je suis allée leur faire la bise, me défends-je.

— Je te l’accorde, avoue-t-il. Alors apporte ce plateau de toast sur la table tu veux bien ? demande-t-il doucement.

J’acquiesce et prends le plateau pour retourner au salon. Dans l’encadrement de porte je tombe sur Ryk, dont le sourire est toujours présent.

— Tu es très belle chuchote-t-il à mon oreille.

— Je te retourne le compliment, murmuré en m’empourprant.

Son sourire s’agrandit. Il est si proche de moi que les nuances de son parfum viennent chatouiller mon nez. C’est un parfum boisé et délicat, un parfum que je prends le temps d’apprécier.

— Ce n’est pas que votre petit tête-à-tête ne m’intrigue pas, mais vous gênez le passage, remarque Jace dans mon dos.

Ryk effectue un pas de côté tandis que j’avance et sens sa main effleurée doucement mon bras. Mes poils se hérissent et mes joues prennent une teinte pivoine. Je dépose le plateau et me tourne vers lui, tandis qu’il m’offre un nouveau sourire en coin. Je secoue la tête et observe Coraline qui semble parfaitement à l’aise. Elle rit, taquine Lévy et se permet même de faire quelques pas de danse. Je souris en la voyant être si libre et elle-même, sans se poser de question. J’aimerais tellement pouvoir faire la même chose, mais j’ai affreusement peur du regard des autres. S’il n’y avait eu que Jace, cela n’aurait sûrement posé aucun problème. Celui-ci s’occupe de préparer les cocktails en riant à une blague de Coraline. Ryk se pose face à moi et je sens son regard brûler ma peau. Je fais mon maximum pour ne pas l’observer lui aussi.

— Et toi Opaline ? questionne-t-il. Tu ne connais pas de blague ?

Mes yeux se pose sur lui et je remarque ses yeux rieurs. Il cherche à tout faire pour me mettre mal à l’aise. Mais dans la luminosité du salon, j’aperçois quelque chose que je n’avais pas vu.

— Vous vous êtes battus, tous les deux ? questionné-je en le désignant lui et Jace.

— Non, répondent-ils d’une même voix.

— Pourtant, vous avez tous les deux de beaux cocards, souligné-je.

— Ce n’est pas tes affaires, se renfrogne Ryk.

— Doucement, je n’ai rien dit de mal, répliqué-je.

Il se détourne et je peux enfin souffler. Je n’ai même pas vu que depuis qu’il s’est mis face à moi, je ne respirais plus. Olympe reviens dans la pièce et quand il passe près de lui, fais un dos rond et crache.

— Olympe ! grondé-je.

Le chat s’éloigne avant de venir se frotter à mes jambes.

— Aussi sauvage que sa maîtresse, ricane Ryk.

Je lui réponds par un majeur et prends mon chaton dans mes bras. Il ronronne de plaisir. Je le pose au sol et il retourne gambader en évitant soigneusement le jeune homme.

— Allez, trinquons à cette belle soirée, lance Jace pour briser l’ambiance lourde.

J’attrape un verre et le lève avant de trinquer avec tout le monde.

— Je suis désolé, s’excuse doucement Ryk.

— C’est bon, répliqué-je en buvant.

— Quoi de prévu pour cette semaine de congé ? reprends Lévy.

— Rien de spécial, du repos et encore du repos, ris-je.

— C’est un excellent choix, s’amuse Coraline.

— Ouais sauf que tu es chez moi, blagué-je.

— Vous habitez ensemble ? s’étonne Ryk.

— Non ma mère est en déplacement, explique la jeune femme. Ope m’as proposé de cohabiter comme je déteste la solitude, avoue-t-elle.

— Tu peux venir chez moi, propose Jace taquin.

— Non, tu sais bien que j’ai un petit faible pour les belles femmes, s’amuse Coraline.

J’éclate de rire devant l’air ahuri des garçons avant de la prendre dans mes bras.

— Tu es trop douée, ris-je.

— Je sais, je sais, se vante-t-elle.

Ryk hausse un sourcil interrogateur auquel je réponds par un sourire en coin.

— D’ailleurs Cora a raison, tu es vraiment belle ce soir Opaline, cette couleur te va bien, déclare Lévy.

— Merci, dis-je en rougissant et mordant ma lèvre inférieure.

— Mon Opaline est toujours belle, souligne Jace en me prenant dans ses bras.

— Et toi, tu es toujours le pire menteur au monde, remarqué-je.

Il m’offre un regard courroucé auquel je réponds par un petit sourire.

— Ça viendra, chuchoté-je à son oreille.

— De quoi ? reprend-t-il sur le même ton.

— Un jour, j’arriverai à avoir confiance en moi, approuvé-je.

Il m’offre un sourire avant de me serrer contre lui.

— Je l’espère, murmure-t-il.

Nous nous détachons l’un de l’autre et commençons à grignoter des toasts. Il y a du choix : crevettes, saumon, saucisson, terrines. Jace c’est vraiment donné un mal fou pour faire plaisir à tout le monde. Je goûte le saumon ainsi que les terrines, ils sont à tomber à la renverse. Mes papilles semblent danser dans ma bouche et je prends plaisir à manger. Ryk s’approche de moi et prends quelques toasts. Je fais attention à ce que nous ne nous touchions pas, mais il semble vouloir faire exprès de le faire.

— À quoi tu joues ? chuchoté-je.

— Rien, fait-il innocemment.

— Arrêtes, râlé-je.

— Donc tes mains ont le droit de parcourir mon corps, tes yeux de le dévorer et je n’ai pas le droit de faire la même chose ? questionne-t-il taquin.

— Je n’ai jamais… rougis-je.

— Voilà, j’ai ce que je voulais, dit-il en s’éloignant avec son sourire en coin.

S’il ose de nouveau me sourire de cette façon, je jure par Helgener de l’étriper sur place. Je lui offre un regard noir mais cela l’amuse encore plus. Je secoue la tête et décide de me calmer en allant fumer. J’enfile ma veste et Cora s’alerte.

— Tu vas où ? questionne-t-elle surprise.

— Juste fumer, la rassuré-je en riant.

— Je viens, s’incruste Ryk.

J’ai envie de me frapper la tête contre les murs. Si je sortais fumer c’était pour l’éviter, mais non, il faut qu’il vienne. Je sors avant même qu’il n’arrive et allume ma cigarette.

— Tu me fuis ? s’amuse-t-il.

— J’aimerai, mais apparemment tu en as décidé autrement, souligné-je.

— Tu m’amuses, rit-il. C’est si simple de te faire sortir de tes gonds.

— La ferme, je ne suis pas un jouet.

— Non, c’est vrai, approuve-t-il. Tu es une sorte d’énigme très captivante, remarque-t-il.

— Captivante ? répété-je un sourcil relevé.

— Oui, tu n’imagines pas un seul instant à quel point tu l’es, fait-il énigmatique.

Je pose enfin mes yeux sur lui, intriguée. À la faible luminosité de la lune, son regard parait plus brillant et intense. Les traits angulaires de son visage ressortent plus, sa carrure est plus épaisse. Il est à son tour captivant. Je ne perçois que la fumée de cigarette qui franchit ses lèvres de temps à autre, prouvant qu’il est bien réel et devant moi. J’éteins mon mégot dans le cendrier avant de sentir son parfum et sa chaleur m’entourer. J’avais oublié à quel point son corps pouvait être chaud. J’ai l’impression qu’il ne ressent pas le froid glacial qui nous entoure. Son bras droit frôle le mien et il éteint son mégot en rapprochant son torse de mon dos. Je me tends, évite de faire le moindre mouvement et attends qu’il finisse pour lui demander de partir. Mais il ne bouge pas d’un millimètre et je me retrouve prise entre le chaud et le froid. C’est un coup frappé au carreau qui nous fait sursauter et revenir à l’instant présent. Ryk s’écarte et je prends une grande inspiration avant de rentrer d’un pas rapide.

J’enlève mon manteau et jette un dernier regard à l’extérieur où il se trouve toujours. Son regard ne me quitte pas et je me dépêche de rejoindre la place à côté de Coraline.

— Ça va ? chuchote-t-elle.

— Pas vraiment, avoué-je.

C’est Lévy qui se place en face de moi, il relève un sourcil intrigué.

— Opaline, tu es bien pâle, remarque-t-il.

— Ce n’est rien, sûrement un coup de froid, mens-je.

Ryk entre, dépose son manteau et vient prendre place en face de Coraline. Il ne prononce aucun mot, mais tous les regards se tournent vers lui. Il hausse simplement les épaules pour répondre silencieusement aux yeux questionneurs de nos amis. Jace revient de la cuisine avec le plat principal et nous mangeons avec joie. La dinde est parfaite, les haricots qui l’accompagnent aussi.

— Vous savez que c’est un jour de fête ? questionne Jace dont le silence commence à le peser.

— J’ai eu ma mère au téléphone, elle nous souhaite à tous un joyeux Noël, lance Cora.

— Elle va bien ? questionné-je entre deux bouchées.

— Oui, elle m’a dit être entre amies, mais je sais que ce ne doit pas être évident pour elle de ne pas être avec moi, avoue-t-elle.

— Demain, on fera un visio avec elle, ça te dit ? proposé-je avec un fin sourire.

— Pourquoi pas, sourit-elle à son tour.

— Elle reviens quand ? s’intéresse Lévy.

— Vers le quinze janvier, ce qui l’embêtait le plus c’est de ne pas pouvoir faire mon anniversaire, se confie-t-elle.

— Et c’est quand ? renchérit le jeune homme.

— Le dix, d’ailleurs c’est drôle car Opaline aussi, s’amuse Coraline.

— Mais oui, c’est vrai, dit Jace en se frappant la tête. Comment ai-je pu oublier un détail pareil…

— Parce que tu as une mémoire de poisson rouge ? tenté-je.

— Ahah très drôle, grimace-t-il.

— Vous êtes nées le dix, toutes les deux ? interroge Ryk.

— Oui, si tu suis la conversation c’est ce que Cora a dit, répliqué-je.

— Et vous, vous êtes nés quand ? reprends Cora en secouant la tête après ma réplique.

— Le neuf, réponds Ryk.

— Le neuf quoi ? repris-je en haussant un sourcil.

— Janvier, annonce Lévy.

— Oh il nous faut une super fête ensemble dans ce cas ! lance Coraline enjouée.

— Sans moi, murmuré-je.

Pour réponse je reçois un coup de coude de la part de Jace dans les côtes. Je grimace et me tourne vers lui, le regard plus que noir.

— Quoi ? murmuré-je froidement.

— Tu ne vas quand même pas refuser une fête pour ton anniversaire ? s’agace-t-il en murmurant.

— Je n’ai simplement pas envie de le fêter, expliqué-je.

— Mais ce sont tes trente ans Ope, souligne Jace.

Je hausse simplement les épaules et clos la conversation en mangeant et évitant son regard. Je ne veux pas fêter mes trente ans avec eux, je veux pouvoir me retrouver seule ou bien auprès de ma famille, même si je sais que la seconde option ne risque pas d’arriver. Je continue de manger tandis que les conversations autour de nos anniversaires reprennent de bon train. Je ne veux pas décevoir Coraline mais je sais qu’il va falloir que je trouve une raison en béton pour ne pas participer à cela avec eux. Peut-être que je devrais partir sur le week-end rejoindre mes parents finalement. J’aviserai lorsque je verrai si l’engouement de ce soir tiens sur la durée ou bien s’évanouit dans quelques jours.

J’aide Jace à débarrasser, avant de sortir pour fumer. J’entends Coraline lancé une partie de jeu musical sur l’écran de mon meilleur ami. J’allume ma cigarette et en profite pour marcher dans le petit jardin de Jace. La neige craque sous mes pas brisant le silence ambiant, mais j’apprécie ce son. J’entends la porte vitrée s’ouvrir puis se fermer mais reste dans mon petit coin à l’abri du visiteur. Mais il a très vite fait de me retrouver et se place à mes côtés.

— C’est calme, n’est-ce pas ? murmure-t-il.

— Ça l’était, le taquiné-je.

J’imagine la tête qu’il fait, car il s’est mis dans l’ombre ce qui m’empêche de le voir distinctement.

— Mais c’est qu’elle connaît l’humour, reprend-t-il en riant doucement.

— Mais c’est qu’il sait rire, renchérit-je.

— Ça y est, le vin t’est monté à la tête ? s’amuse Ryk.

— Même pas, dis-je en secouant la tête.

Le silence revient entre nous, mais comparé à ceux que nous avons déjà connu, celui-ci n’est ni lourd, ni tendu. Non, c’est un calme apaisant. C’est presque étonnant.

— Dis Ryk, est-ce que tu sens qu’il fait froid ? questionné-je doucement.

— Tu me demande cela à cause de ma température que tu juges étrange ? répond-t-il calmement.

— Oui, avoué-je sans détour.

— Pas vraiment, je sens bien entendu l’air frais, mais je suis sûr que comparé à toi ça n’a rien à voir. J’ai bien senti tout à l’heure que tu frissonnais, explique-t-il. À moins que ce fût dû à notre proximité ? tente-t-il innocemment.

— Non, c’était le froid, repris-je rapidement.

— Ouais, on dira cela, taquine-t-il.

Je ne relève pas. J’ai peur que si j’ajoute quelque chose, il le retourne une fois de plus à son avantage. Et je déteste quand il fait cela. Il me rend mal à l’aise. J’entends la neige craquer, avant de sentir la chaleur de son bras contre le mien. Il n’y a pas à dire, il a vraiment de la chance de ne pas ressentir le froid. Je le jalouserai presque. Mais j’aurai aussi peur de ne plus sentir mon corps réagir, de ne plus apprécier le vent, la pluie et même le soleil caresser ma peau. Ces sensations, même celle de la neige, sont ce qui nous font prendre conscience que nous sommes vivants. Que nous avons des émotions, des besoins et des envies, différentes des uns des autres, et qui sont je trouve essentielles à nous épanouir. Je me demande quelles sont les sensations de Ryk. Je secoue la tête après avoir eu cette pensée et éteins mon mégot, qui s’est presque consumé seul avant de retourner vers le cendrier pour le jeter. Ryk suit mon mouvement, mais me laisse entrer, s’allumant une nouvelle cigarette.

Quand j’entre, ce que je vois me fais sourire. Coraline est en train de se déhancher sur une musique en essayant de respecter les paroles. Lévy l’observe une étrange lueur au fond des yeux. Je me demande ce que lui aussi pense. C’est difficile de faire face à des personnes qui sont aussi peu sociales que nous-mêmes. Heureusement que mes meilleurs amis sont là pour animer, sinon je n’imagine pas le désastre que serait nos soirées. La musique change et Jace sort de la cuisine en trombe.

— Ope ! C’est notre musique celle-ci ! crie-t-il en approchant.

— Hors de question, dis-je d’une voix froide et ferme.

— Allez, s’il te plaît, tu dois me faire cet honneur ! renchérit-il.

— Je dois ? repris-je.

— Les efforts ? Tu l’as promis, dit-il avec des yeux doux.

Par Helgener pas ce regard, il sait que je ne peux pas lui dire non. Je coince ma lèvre inférieure entre mes dents et essaie de résister de toutes mes forces.

— Au pire si tu ne veux pas danser avec Jace, je veux bien le faire avec toi, annonce Ryk dans mon dos me faisant sursauter.

— C’est encore pire, refusé-je en m’approchant de Jace.

Ryk s’approche, un sourire en coin et se penche près de mon oreille.

— Tu ne pourras pas toujours me fuir, Opaline.

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