Chapitre Onze.

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11. Pas si différentes.

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(Point de vue Opaline)

Je marche au bord de la plage, hésitant à rentrer chez moi ou rester encore un peu et profiter de l’air pur de l’océan. Même si je n’y vois rien à cause de la nuit noire, je devine au loin, le son des rouleaux venant s’échouer sur le sable, je sens au vent qui caresse mes cheveux, que l’eau doit être plus glaciale que lui. Et plus les vagues s’éloignent, plus je laisse partir avec elles mes questions et mes doutes. Mes peurs et mes faiblesses. Ma force et mon courage. Ma tristesse et ma colère. À cet instant, le regarde braqué vers les étoiles, je prie pour ne plus rien ressentir, pour ne plus avoir de sentiment, pour ne plus avoir de cœur. J’ai l’impression d’être revenue quelques années en arrière, à cette époque où j’étais faible. Un frisson parcourt mon échine, un frisson de dégoût. De moi, de ma naïveté et de lui. J’essaie de fermer les yeux, mais si les actes peuvent être oublié, les mots eux, restent gravés. Et ceux-ci tournent en boucle dans ma tête. Je savais que rester dans ma bulle, dans mon coin, m’éviterai de replonger. Mais j’ai suivi Jace et ses belles promesses sur ses amis, si exceptionnels. J’ai voulu y croire, mais je vois que peu importe où j’irais, ce sujet reviendra forcément se heurter à moi. Il faut que j’apprenne à m’armer et bloquer mes sentiments. Parce que je sais, au fond de moi, que je n’arriverais pas à vivre seule, toute ma vie.

Le vent commence à se faire plus fort, mais je ne bouge pas. Je veux profiter de ces quelques minutes où le calme règne en moi. Où mes pensées dévient vers le large, pour se noyer dans l’océan. Où j’essaie d’effacer ces mauvais souvenirs et les laisser ici, pour toujours. J’ai besoin de me vider l’esprit. Je me suis jeté trop vite dans la gueule du loup, sans m’y préparer et voilà le résultat. Je n’en veux même pas personnellement à Ryk. Je sais qu’il n’est qu’un homme parmi d’autres qui ont les mêmes a priori. Et je sais aussi que je ne dois rien à personne. Que celui qui désire me connaître le fera, en allant au-delà de mon physique. Et que celui qui ne souhaite pas le faire n’est pas digne de rester dans ma vie. Je ne ressens pas l’obligation d’être entourée de milliers de personnes. Je n’ai besoin que de proche en qui je peux avoir entièrement confiance. Lorsque je sens la pluie commencer à tomber sur moi, je décide qu’il est temps pour moi de rentrer. Je reste néanmoins sur la plage et me laisser bercer par le bruit des vagues.

Quand j’arrive au troisième étage, je suis surprise de trouver Jace devant ma porte d’entrée.

— Comment es-tu monté jusqu’ici ? demandé-je.

— Tu étais où, par Helgener ? s’énerve-t-il.

— Calme-toi Jace, qu’est-ce qu’il se passe ?

— Tu étais où ? insiste-t-il froidement.

— Dehors, au bord de la plage, pourquoi ? questionné-je d’une petite voix.

— J’ai essayé de t’appeler, je me suis inquiété ! hurle Jace. Pourquoi tu ne m’as pas répondu ?

— Je… Je, hésité-je devant son regard froid, je n’ai plus de batterie… murmuré-je.

Je l’entends souffler et tenir fermement ses cheveux entre ses mains. Je n’avais jamais vu cette facette de lui. Enfin si une fois, mais ce n’était pas contre moi à ce moment-là. Et de le retrouver dans cet état par ma faute me pétrifie sur place. Je le laisse calmer sa respiration, tandis que la mienne semble s’être totalement arrêtée. Lorsque ses yeux de jade se posent sur moi, je n’arrive pas à retenir mes larmes.

— Ope, non pleure pas, dit-il en me prenant dans ses bras. Je suis désolé, s’excuse-t-il dans mes cheveux.

Mais les mots restent bloqués dans ma gorge. J’entends son cœur cogner rapidement dans sa cage thoracique et m’en veux de lui faire subir cela.

— Calme-toi, respire, chuchote-t-il en caressant mes cheveux.

— Je… Je… hoqueté-je.

— Chut, je n’aurais pas dû m’énerver contre toi… Viens entrons.

Je lui tends les clés de l’appartement, sachant en voyant mes mains tremblées que je n’y arriverai pas. Il ouvre et me prend la main pour m’aider à entrer et m’installer sur le canapé. Il s’assied à mes côtés et me serre contre lui.

— Ce n’était pas de la colère, c’était de la peur, avoue-t-il. Je suis désolé.

— Ce n’est rien… Je ne t’avais jamais vu comme cela, reniflé-je.

— Je sais… Mais après avoir ouvert ton cadeau, je me suis mis à paniquer… déclare Jace. Comment as-tu deviné ? questionne-t-il doucement.

— De quoi ? demandé-je perdue.

Il m’observe un instant, essuyant les larmes au bord de mes yeux et me souris.

— Que cela me ferait plaisir…

— En fait, c’est tout bête, commencé-je. J’ai cauchemardé il n’y a pas si longtemps, et dedans j’ai vu un lynx avec de magnifiques pupilles vertes, et si je me souviens bien, il m’a sauvé, haussé je les épaule. Le plus bizarre c’est le lendemain en passant devant la boutique de la rue Öde, j’ai trouvé ce pendentif et instinctivement, j’ai senti qu’il était parfait pour toi, conclus-je.

Je remarque qu’il détend immédiatement et hausse un sourcil pour lui demander silencieusement ce que cela signifie.

— Rien, ne t’inquiète pas, ment-il.

— Jace, tu sais qu’en vingt-six ans d’amitié, j’ai pu voir ce petit toc que tu as lorsque tu me caches la vérité, n’est-ce pas ? commenté-je.

— Je n’ai pas de toc, se défend-il. Mais c’est juste que pendant un instant… Non, j’ai eu peur pour rien, sourit-il.

Je sais qu’il vient encore de me mentir, mais n’insiste pas plus. Je suis bien trop soulagée de ne plus le sentir en colère contre moi, pour oser dire quelque chose de plus. Il caresse mes cheveux tendrement et soupir d’aise.

— Je suis aussi désolé pour Ryk, j’ignore ce qui lui est passé par la tête. D’habitude, il est très calme et ne parle presque jamais, reprend-il.

— Ce n’est pas grave, dis-je doucement. Après tout, il n’a pas tort, regarde-moi, murmuré-je.

— Ope, dit-il en levant mon visage vers le sien. Ne prononce plus jamais cela, tu m’entends ? menace-t-il. Je sais que ça a dû faire remonter d’affreux souvenirs, et plus jamais, plus jamais tu ne dois y penser, finit-il durement.

— Plus facile à dire qu’à faire…

— Écoute-moi bien, Viktor était un gros connard, il… Ce qu’il a fait, ce qu’il a dit, rien n’était vrai dans ses mots, et si tu m’avais laissé faire, je lui aurais arrangé le portrait, s’emporte Jace.

Je remarque la rapidité de son pouls, ses pupilles dilatées et qu’il se retient de se lever pour exécuter les cent pas, ou bien exploser quelque chose contre le sol ou le mur.

— Il n’avait pas le droit, il ne devrait même plus exister, ce sale con, Ope, dit-il en prenant ma main dans la sienne, promet-moi de ne pas t’enfermer, promet-moi d’essayé de pardonner Ryk et promet-moi surtout de ne pas redevenir l’ombre de celle que tu étais il y a six ans, supplie-t-il ses yeux criant rage et désespoir.

— Je vais essayer, murmuré-je.

— Je t’aiderai, affirme-t-il avec un petit sourire.

Je le remercie silencieusement, d’être encore une fois, celui sur qui je peux compter. Celui qui contre vents et marées se battra pour me défendre. Celui qui m’a toujours protégée. L’évidence du cadeau que je lui ai offert me fait sourire, je sais que c’est peut-être le meilleur que je lui ai jamais fait. Il sort le pendentif de la boîte et l’observe les yeux rieurs.

— Va falloir que je fasse aussi bien pour ton anniversaire, taquine-t-il. Et que je me venge, pour la petite fête de ce matin, renchérit-il.

— Pitié, tout ce que tu voudras, mais pas une fête surprise, j’ai horreur de cela, supplié-je.

— J’ai un mois et demi pour y réfléchir, ça me laisse de quoi prévoir, s’amuse-t-il.

— Cora, je te maudis à jamais, plaisanté-je.

— D’ailleurs, je viens d’y penser, tu connais sa date d’anniversaire ? me demande-t-il.

— Absolument pas, avoué-je.

— On lui demandera lundi alors, là il est temps d’aller au lit.

— Tu restes dormir ? questionné-je poliment.

— Parce que tu croyais me foutre à la porte peut-être ? s’amuse-t-il.

Je ris devant son faux air troublé et l’invite à me suivre dans ma chambre. Avant, je passe dans la salle de bain, pour enfiler un pyjama confortable — Jace a l’habitude de me voir mal habillée – et le rejoins, où Olympe s’est déjà installé.

— Il ne perd pas de temps celui-ci, s’amuse Jace.

— C’est dingue comment il t’a vite adopté, remarqué-je.

— On se comprend lui et moi, murmure-t-il avec un petit sourire énigmatique.

J’éteins la lumière et me glisse sous les draps. Je cale ma respiration sur celle apaisée de Jace et finis par rapidement m’endormir.

***

Nous sommes le deux décembre et la neige commence déjà à recouvrir les rues pavées de Freihet. Elle ne tient pas encore, mais cela ne devrait pas tarder. J’enfile une paire de bottes sans talons et fais très attention à ne pas me casser une jambe lors de mon chemin pour rejoindre le cabinet. En route, je m’arrête dans une petite boulangerie pour apporter des skolebrød, que l’on dégustera avec le thé. J’arrive la première, en profite pour allumer le chauffage, ouvrir les volets, mettre de la musique et préparer la bouilloire. Je vais dans ma salle et démarre mon ordinateur pour aviser mes mails et répondre aux plus importants. Le carillon résonne et je devine donc l’arrivée d’un de mes deux amis. Mais lorsque leurs deux têtes passent dans l’entrebâillement, je suis surprise.

— Salut, vous êtes venus ensemble ? demandé-je en haussant un sourcil suggestif.

— Bonjour à toi aussi, me charrie Jace. Et oui, nous sommes arrivés ensemble enfin devant la porte d’entrée, rit-il après s’être pris une petite claque de la part de Cora.

— Tu as passé un bon week-end ? s’intéresse Cora.

— Relativement calme, répondis-je. Et toi ?

— Pareil, sourit-elle.

Je quitte mon poste de travail pour les rejoindre et déposer une bise sur leurs joues, avant que nous allions dans la salle de pause pour nous détendre. Le thé chauffé à la température idéale nous dégustons les petites gourmandises que j’ai apportées en riant. Je remarque néanmoins le visage très fatigué de Coraline et m’inquiète pour elle. Lorsque Jace s’absente pour préparer ses espaces privés, j’en profite.

— Cora, je te trouve bien pâle, souligné-je doucement. Est-ce que tu vas bien ?

— Je suis épuisée, ce temps ne m’aide pas du tout, grimace-t-elle.

— Tu voudras qu’on aille marcher au bord de la plage ? proposé-je. Peut-être que l’air marin te fera du bien ?

— Je ne sais pas, merci de t’inquiéter, j’espère que je ne vais pas trop te causer de soucis… s’excuse-t-elle.

— Ce n’est rien, nous sommes amies, non ? souris-je.

Elle se lève et me prend dans ses bras en me remerciant doucement. Je la regarde déposer ensuite sa tasse dans l’évier et sortir de la pièce en se motivant. Je regagne mon bureau, installe la table de massage, vérifie mon stock de pommade, et me prépare à accueillir mon premier patient. J’espère vraiment pour nous trois que la journée se déroulera calmement. J’ai peur que Cora ne termine dans le même état qu’un mois plus tôt. Et je crains qu’avec la mauvaise mine qu’elle affiche, elle doive rester clouée au lit au minimum deux semaines. Mais j’arrête vite d’y penser pour pouvoir me consacrer pleinement à Monsieur Gurl et ses rhumatismes.

Jace a terminé de s’occuper de sa dernière patiente et la raccompagne à la sortie, le temps que je discute avec Cora dans la salle de pause. Sa mine est encore plus pâle et j’ai même l’impression de voir ses mains tremblées.

— Tu as froid ? questionné-je.

— Un peu, mais je me sens assez fébrile, j’espère que cela ne t’ennuie pas que je ne vienne pas marcher avec toi ? demande-t-elle doucement.

— Pas le moins du monde, tu dois te reposer avant tout, souris-je.

— Tu te sens encore mal ? questionne Jace surpris.

— Légèrement, j’ai peut-être pris froid dans le week-end sans m’en rendre compte, répond-elle.

— Allez une bonne tasse de thé avec du gingembre et du miel et demain tu seras en forme, l’encouragé-je.

— J’espère, sourit-elle faiblement.

— Tu veux peut-être que je te tienne chaud cette nuit ? lui propose Jace taquin.

— Même pas en rêve, dit Cora en secouant la tête.

— Vous n’êtes pas drôle, râle le jeune homme.

— Si, juste pas avec toi, m’amusé-je.

— Bon aller, moi j’y vais, j’ai entraînement ce soir, dit-il en nous embrassant sur la joue, Cora va te reposer et Ope… Va aussi dormir, rit-il.

Je grimace et après qu’il soit sorti, j’enfile mon manteau et ferme la porte derrière nous.

— Je t’accompagne ? proposé-je à Cora.

— C’est à l’opposé de ta direction, dit-elle.

— Et alors ? Au lieu de me balader au bord de la plage seule, je raccompagne mon amie en sécurité chez elle, la ville ne me fera pas de mal, souris-je.

Elle acquiesce et nous marchons donc en direction de son appartement.

— Comment va ta mère ? questionné-je.

— Bien, apparemment son entreprise planifie un nouveau déplacement, ce serait pour un mois cette fois-ci, grimace-t-elle.

— Et elle ne veut pas s’y rendre ? m’intéressé-je.

— Non, ce n’est pas cela… C’est juste qu’elle hésite, car elle s’absenterait pendant mon anniversaire et que ce serait la première fois en trente ans, avoue-t-elle.

— Oh, remarqué-je. Et c’est quand ton anniversaire ? Tu désires venir chez moi pendant ce temps-là ? Cela me ferait plaisir d’avoir ta compagnie, Olympe est très câlin, mais peu bavard… déblatéré-je.

Elle rit en secouant la tête.

— J’imagine… C’est au mois de janvier et je ne veux pas t’encombrer de ma présence…

— Pardon ? m’étonné-je. Si je t’invite, c’est que cela ne me dérange pas, affirmé-je.

— Je vais donc dire à ma mère de partir voyager tranquillement, et que je m’installerai provisoirement chez toi, sourit-elle.

— Et donc quand aura lieu ce grand jour d’anniversaire ?

— Le dix, répond-elle.

J’arrête d’avancer, ce qui l’oblige à faire de même. Je l’observe les yeux écarquillés tandis qu’elle hausse un sourcil.

— Attends, repris-je. Tu es née le dix janvier ? articulé-je.

— Oui, pourquoi ? s’étonne-t-elle.

— Nous sommes nées le même jour, dis-je doucement.

C’est au tour de Coraline d’ouvrir de grands yeux ronds et de rester la bouche grande ouverte de surprise.

— Ah ben ça alors, murmure-t-elle après quelques secondes de silence.

— Je ne te le fais pas dire, chuchoté-je à mon tour.

Nous reprenons notre marche, toutes les deux légèrement perdues dans nos pensées. C’est tellement étonnant de rencontrer une personne née le même jour que soi. Mais je suis heureuse que cette personne soit Cora, après tout, au fond, nous ne sommes pas si différentes l’une de l’autre.

***

Hello!

Voici le chapitre Onze :)

Aloooors? Quelles sont vos réactions?

Je veux tout savoir, qu'est-ce que vous avez aimé? Et les points négatifs?

Bises et à mercredi pour le prochain chapitre :)

Tynah.

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