Chapitre 36

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Paris


Louis-Antoine referma la porte de son petit appartement sous les toits. Il avait grimpé les six étages quatre à quatre, considérant cet exercice comme un complément d’entrainement. Il laissait l’ascenseur aux vieux et aux dégénérés, ramollis par la société de consommation. Il lança son bomber noir sur le dossier d’une chaise et se laissa tomber sur le canapé défoncé pour dénouer ses rangers. Depuis son renvoi de l’école militaire et la rupture avec sa famille, dix ans plus tôt, il s’était reconverti dans la sécurité privée. Il avait débuté comme convoyeur de fonds puis avait pris de modestes responsabilités dans une société de gardiennage. Son salaire ne lui aurait jamais permis d’habiter ce logement, dans un immeuble haussmannien près de la République, mais un heureux héritage lui avait évité la honte de la banlieue populaire.

Il tenait ce bien d’un oncle célibataire, ancien militaire, qui l’avait pris sous son aile lorsque ses parents l’avaient rejeté. Après avoir débuté comme lieutenant en Algérie, où il avait côtoyé un certain Jean-Marie Le Pen, sa carrière s’était trouvée bloquée au rang de colonel, du fait de pratiques jugées douteuses dans les Balkans. Le colonel Blachère de Noirsac n’avait jamais fait mystère de ses penchants pour l’ordre et la discipline et c’est sous son parrainage que White Power avait peu à peu forgé ses théories suprémacistes.

Pour l’heure, le vigile avait débuté sa soirée comme à son habitude par une 8.6 Original, une bière qui fracasse. Ayant descendu les 50 centilitres en quelques gorgées, il alla en chercher une seconde avant de retourner vers le canapé et d’allumer son ordinateur. Le logement était une véritable tanière de célibataire, où il ne recevait jamais personne. Depuis qu’il habitait là, aucune femme n’en avait jamais franchi le seuil. La vaisselle sale était accumulée dans la cuisine, des vêtements, noirs, jonchaient le sol du séjour et de la petite chambre à coucher tandis que l’unique table croulait sous les tracts et les magazines. La lecture de l’homme se limitaient à des revues paramilitaires et des brochures de propagande extrémiste. L’essentiel de son temps libre, il le passait sur son portable, unique objet digne de respect dans son capharnaüm.

Il était plus de vingt-deux heures lorsque White Power se connecta sur sa messagerie. Il tria rapidement les nombreuses notifications de différents cercles et forums dont il était membre. Il avait du faire l’effort d’améliorer son anglais scolaire pour communiquer avec ses « camarades », mais devait utiliser Google pour traduire les sites originaires d’Europe de l’Est, les plus intéressants à ses yeux. Après avoir parcouru quelques articles, il lança le chat privé pour donner ses instructions à son groupe.

White Horse et Mad Dog étaient déjà en ligne, ainsi que Rommel. Il ne manquait plus que Croix de Feu.

Les quatre hommes échangèrent d’abord quelques propos haineux à l’égard du personnel politique, boucs-émissaires permanents de leur haine de la société, avant de s’inquiéter de l’absence de Croix de Feu.

— Il va se dégonfler, écrivit Rommel, première recrue de White Power.

— C’est le seul qui n’a pas fait son boulot, renchérit White Horse.

— Il est peut-être juste un peu en retard, hasarda Mad Dog.

— Tu es toujours prêt à le défendre, reprit le palefrenier. Vous seriez pas un peu pédés tous les deux ?

— Ça suffit, trancha White Power. On lui laisse encore dix minutes, après, je règlerai ça moi-même.

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