6ème partie

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Cela ne dure que quelques minutes, mais Basile n’est plus là. Je voudrais hurler, mais les cris restent coincés dans ma gorge. Hélas, je vais vite devoir prendre sur moi et réaliser le concret de la situation. Je remarque avec stupeur que la potion ne fait plus effet, et que mon corps réapparaît lentement, comme si après la disparition de mon amant, la magie n’opérait plus. Le regard de la sorcière est fixé sur moi, comme si elle avait toujours connu ma présence. Lui tournant le dos je me mets à courir, étant trop apeurée pour réaliser et pleurer la mort de celui que j’aime. Je me précipite, trébuchant, sans savoir où je vais, quittant le château, passant devant les gardes dehors, filant à perdre haleine, espérant me réveiller, ou que Basile apparaisse, le sourire aux lèvres… vivant.

Mais Amélia est toujours derrière moi.

Je cours pour sauver ma vie, arrivant aux abords d’une forêt que je reconnais pour y être passée plus tôt avec mon amoureux.

Soudain, je sens une onde de choc parcourir mon corps, et m’écroule en tremblant sur le sol, touchée par le sceptre.

À demi inconsciente, je devine Amélia penchée sur moi. Ses longs cheveux carmin effleurent mon visage.

Je l’entends s’exclamer : « Ce n’est pas possible, quel est ce sortilège ? »

Respirant difficilement, j’ai la désagréable impression de vivre une de ces expériences où approchant de la mort, on s'observe partir, sauf que là, c’est une autre ayant mes yeux qui me dévisage.

- Qui es-tu ? D’où viens-tu ? demande-t-elle d’une voix nasillarde.

Je ne vois aucun intérêt à lui cacher la vérité et parviens à articuler :

- Amy… Terre .

Je vois le regard de mon ennemie qui s’éclaire sous la compréhension. Elle répète pour elle-même.

- La Terre… c’est là que Basile t’a rencontré.

Je ne nie pas, de toute façon elle ne fait que confirmer ce qu’elle sait déjà.

Un mauvais sourire nait sur ses lèvres rouge sang.

- Dis-moi tout, jolie Amy. Comment Basile a réussi à te faire venir jusqu’ici ?

- Non.

- Allons, ne me fâche pas, crois-moi ça ne te plairait pas de me voir en colère.

Alors ça, j’en suis aussi certaine qu’elle, pourtant je continue à lui répondre.

- Non.

- Pourquoi ne veux-tu rien me révéler ?

- Pourquoi voulez-vous savoir ça ?

Son regard se fait fuyant. Pour une raison que j’ignore, elle veut quitter sa planète natale, elle se dit que la Terre pourrait être son nouveau territoire… un jouet entre ses mains puissantes.

Je répète d’une voix plus forte :

- Je ne dirais rien.

- Ce n’est pas grave, ma chérie… je n’ai pas besoin de ton accord pour avoir ce que je veux. »

Et effectivement, posant le sceptre sur mon front, elle ferme les yeux et balbutie une litanie de mots incompréhensibles. Devinant qu’elle lit dans mes pensées, je fulmine, mais ne peux rien faire. Lorsqu’elle a fini, sa voix est plus douce.

- Dodo, petite Amy », me murmure-t-elle.

Devinant ce qui m’attend, je tente vainement de me relever et chuchote :

- Non, s’il vous plaît, non.

Trop faible, je ne réussis qu’à faire ricaner mon ennemie. Je ne peux éviter le coup sur ma tempe et m’évanouit. Je ne sais pas combien de temps j’ai passé inconsciente. Lorsque je me réveille, j’ai mal à la tête et envie de vomir. Je regarde au loin. Amélia a disparu et il fait nuit. Je pense aux derniers évènements, à Basile… je laisse enfin couler mes larmes, mais retiens le cri de bête vaincu qui me monte aux lèvres. Qui sait quel démon répondrait à ma détresse ? Des tas de questions défilent dans ma tête :

- Que vais-je devenir ? Comment quitter ce monde ? Vais-je revoir ma planète ? Que compte-faire Amélia ?

Je ne peux pas rester plus longtemps inactive, il faut que je me reprenne et fasse quelque chose. Toujours étendue sur le sol, je me lève difficilement, me soutenant à l’aide de l’objet que serre instinctivement ma main gauche. Le regardant de plus près, je suis muette d’horreur… entre mes doigts, c’est le sceptre que je tiens. Je le jette au loin, il tombe sur le sol avec un bruit métallique. J’envisage l’affreuse possibilité qu’Amélia ait voulu échanger nos identités. N’ayant pas la moindre envie de passer ma vie dans la peau d’une autre, je me mets à courir, suivant le chemin emprunté quelques heures plus tôt avec Basile. J’espère me souvenir et pouvoir retrouver la direction m’amenant vers l’arbre permettant de retourner sur la Terre. Il me semble marcher durant des heures alors que cela ne doit pas faire plus de trente minutes. Je m’égare plusieurs fois, je continue pourtant. Des bruits étranges résonnent dans les bois que je traverse. J’ignore s’il s’agit d’animaux ou de monstres aux noms inconnus. Une odeur de fumée se répand dans l’air. Incommodée, je toussote. En haut d’un arbre centenaire, les branches s’agitent et des oiseaux s’en échappent, s’envolant dans le ciel. Mon corps fatigué, commence à trembler, je trébuche sur une pierre et tombe. Je ralentis mes pas, on dirait que je pressens le cataclysme à venir. Une lumière vive aveugle la clairière que je traverse. J’accélère ma marche. Je sais être proche du portail. Et puis je m’arrête net, le cœur battant, la peur au ventre. Je laisse échapper un gémissement. Au loin, éclairant la nuit sombre, un feu rougeoyant dévore le ciel.

C’est terminé, je suis bloqué ici. Je ne pourrais plus jamais partir… Amélia a tout prévu. Je n’ai plus de porte de sortie.Cet incendie qui ravage tout, c’est l’orme qui brûle.


Fin

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