Le Dollhouse - Pont Principal

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Vous connaissez Primo Humanis. Depuis trente ans, nous représentons les intérêts de chacun d'entre vous auprès des différents groupes de la galaxie. Nous avons lutté contre les Sinariens, qui ont créé la technologie des Vaisseaux. Nous avons mené la première grande armée sous la bannière de Terre, contre les Zuûlgo qui envahissaient Io. Nos efforts ont permis d'ouvrir des places aux étudiants humains dans les meilleures écoles galactiques. Pourtant, malgré tous ces efforts, malgré tous ces sacrifices, les Kondo-Bandaloriens continuent de nous chasser ! Le nombre de Vaisseaux n'a jamais été aussi important ! On en recense près d'un million au service d'extraterrestres qui ne nous considèrent que comme des outils. L'espérance de vie n'a jamais été aussi bas. Nos statisticiens ont mené un important travail de fond. L'être humain a désormais une espérance de vie de quarante-deux ans. Si l'on ne garde que les ExEarther, celle-ci tombe à trente-cinq ! Le nombre total d'êtres humains est en chute libre, ce qui n'était jamais arrivé dans une période d'expansion telle que nous connaissons aujourd'hui ! Toutes ces espèces extraterrestres se sont liguées contre nous. Par peur de notre force, de notre humanité. Depuis trente ans, Primo Humanis lutte avec tout l'arsenal légal pour le bien fondé de l'espèce humaine. Depuis trente ans, tous ces extraterrestres se moquent de nous. Primo Humanis va changer. Primo Humanis devient une armée. Primo Humanis a besoin de vous !

Le capitaine Clothilde repensait à ce vieux message qu'il avait reçu vingt-cinq ans plus tôt. Il avait besoin de retourner aux racines de son combat, étant responsable de la mort de l'ensemble de l'équipage du Dollhouse. Tout le monde autour de lui fêtait la victoire. L'alcool coulait à flots. Les pilules de RoExta étaient gobées à des vitesses alarmantes. Les racines DoOolies étaient fumées sans penser au lendemain. Des musiciens amateurs avaient sorti leurs instruments. D'habitude, Clothilde adorait ce genre d'ambiance, mais cette fois, il avait le regard perdu dans le vide. Il y avait eu beaucoup de morts, et il avait l'impression d'être le seul à s'en rendre compte. Il sortit de son état de semi-conscience à cause d'Ed, qui claquait des doigts devant ses yeux.
« Putain, mais laisse-moi tranq... Oh ! »
Ed lui montrait de son autre main Marion Timont, qui le fixait avec insistance. Clothilde connaissait ce regard. Il avala d'un trait le fond de whisky chaud et rejoint la présidente actuelle de Primo Humanis. Alors qu'il s'approchait d'elle, elle le devança de quelques pas et se dirigea vers un bureau à l'écart. La porte se referma lourdement derrière le capitaine, l'isolant presque totalement des bruits de la fête. Seules quelques basses d'un quelconque hydrorock se faisaient encore sentir.

Au vu des bibelots qui ornaient les meubles et les peintures rituelles sur les murs, la pièce devait être occupée par un Noplock. Pourtant, la présence et le charisme naturel de Marion envahissaient la pièce. Elle s'installa dans le fauteuil principal et désigna à Chlothilde l'un des deux sièges en face d'elle. Devant n’importe quelle autre personne, Clothilde se serait avachi sur le fauteuil, les pieds posés nonchalamment sur le velours rouge qui recouvrait le bureau en bois blanc. Pas devant Marion. Il savait qu'elle avait déjà une nouvelle mission pour lui.
« Qu'est-ce que je peux faire pour vous, Madame Timont ?
D'un mouvement de son gant à réalité augmentée, elle fit apparaître au-dessus d'un projecteur les images de deux personnes montant dans une navette de secours, puis la fuite de celle-ci, peu après la prise du contrôle du Dollhouse par les membres de Primo Humanis.
— Je sors de trente minutes de réunion avec mes conseillers. Ce vaisseau que vous voyez fuir sur cette vidéo, c'est un danger pour nos futures opérations. Personne ne doit savoir que nous sommes capables de prendre le contrôle des Vaisseaux. Le succès de certaines d'entre elles serait compromis.
— Bien sûr. Je me lance tout de suite à leur poursuite. Envoyez-moi juste ce fichier, je m'occupe du reste. »

D'un pas décidé, Clothilde sortit de la pièce. Il tira une cigarette de la bouche du premier soûlard venu et se dirigea vers Ed et Mouss', qui savouraient la victoire en compagnie d'une femme qui se déhanchait sauvagement devant eux.
« On décolle, les Bastards.
— Mais, patron ? tenta vainement de négocier Mouss'.
— On décolle ! » tonna Clothilde.
Les deux hommes poussèrent un soupir d'exaspération à peine masqué. Ed glissa une pièce et son identifiant ComLink à la danseuse. Puis, en quelques secondes, les hommes retrouvèrent leur dégaine de mercenaires. Ils traversèrent la fête qui se déroulait sur le pont du Dollhouse, désormais insensibles aux différentes tentations.

Après deux années d'infiltration dans le Dollhouse, à piloter un vaisseau minier, le Quad, Clothilde était content de retrouver son fidèle Airedale. L'imposant vaisseau de chasse lui avait manqué. Adossée à une des trois mandibules mobiles, Nadia les attendait. Peu friande des ambiances festives, elle avait préféré s'occuper des préparatifs du prochain voyage.
« Vous êtes déjà là ?
Sa voix rocailleuse, abîmée par des années à fumer des racines DoOolies, résonnait dans l'entrepôt gigantesque.
— J'ai dû tout faire moi-même ! continua-t-elle sur un ton moins enjoué. Tous ces crétins sont en train de faire la fête là-haut, et il ne reste personne pour assurer un service minium sur ce putain de quai !
Elle rougit de colère. Nadia était une véritable force de la nature, du haut de ses deux mètres. Clothilde, Mouss' et Ed blêmirent.
— Je prends tes corvées pendant le prochain voyage ! » promit Ed pour tenter de la calmer.
Le visage de la colosse reprit sa teinte naturelle. Même si elle était clean depuis plusieurs années maintenant, Nadia avait toujours des problèmes de contrôle de ses émotions. Elle compensait ce problème par des aptitudes exceptionnelles en pilotage de Vaisseaux. Elle hocha d'un air satisfait la tête, passa sa main dans ses cheveux courts teints en rose, et ouvrit le sas de l’Airedale.

Clothilde les guida jusqu'au foutoir qui leur servait de salle de briefing / cafétéria / salle d'interrogatoire. D'un geste ample de la main, il dégagea les restes moisis de leur dernier repas.
« Nous avons une mission.
Il joua de son gant de réalité virtuelle pour afficher en hologramme les portraits de deux femmes.
— Je me souviens d'elles ! s'exclama Ed. La chauve, c'est Tanya. L'autre, avec ses petites cornes démodées... Rhaaa, elle avait un nom d'instrument de musique pourri...
Il claquait des doigts en fermant les yeux pour fouiller dans sa mémoire.
— Carillona... Non c'était pas ça... Cornemusa...
— Concentre-toi ! fit Clothilde d'un ton sec.
— Clarinetta ! Elles appartenaient à l'équipage du Cabriolet.
Clothilde tourna la tête vers Nadia mais celle-ci était déjà perdue dans son exovision.
— J'ai trouvé ces infos dans la base de données de R^lash. »
Elle cracha presque le nom du Kondo-Bandalorien, l'ancien propriétaire du Dollhouse. Des informations diverses les concernant - famille, amis, anciens emplois, lieu de résidence... s'affichèrent à côté de leur portrait respectif. D'un hochement de tête, Chlothilde la remercia. Il afficha ensuite l'image de la navette de secours qui prenait de la vitesse autour du coeur d'antimatière du Dollhouse avant de disparaître des capteurs.
« Mouss', je compte sur toi pour celle-là... »
Une étincelle d'intérêt illumina les yeux verts du jeune kabyle. Il activa un tableau blanc en réalité virtuelle et commença à tracer des formules mathématiques complexes, sous le regard impatient de son capitaine. Quelques minutes plus tard, le front en sueur, il s'exclama :
« Elles sont dans le secteur Ξπ-4 !
— Ξπ-4... Il n'y a pas grand-chose là-bas...
D'un geste de la main, Nadia afficha le système au centre de la pièce.
— Une vieille étoile orange, une géante gazeuse. Il y a une station spatiale et quelques colonies minières sur les lunes de la planète. Dernier recensement à douze mille humains, regroupés soit sur les colonies Drakken-1 ou Drakken-2. Il n'y a même pas de délégation de Primo Humanis là-bas, annonça-t-elle.
— Elles n'ont pas pu atteindre une vitesse trop importante, même avec l'accélération du noyau d'antimatière, assura Mouss'. Si nous partons maintenant, nous pourrions peut-être même arriver plusieurs jours avant elles !
— Parfait, dit Clothilde avec un sourire sur le visage. En route pour Ξπ-4 ! »
Il quitta la salle de réunion et se dirigea vers le poste de pilotage. Il retrouva avec bonheur son fauteuil en cuir de Broton, une espèce protégée, divine aux yeux des Noplock. D'un geste de son gant de réalité virtuelle, il fit apparaître l'interface de contrôle du vaisseau.
« Aaaah, enfin à la maison... » dit-il en posant les pieds sur la console devant lui. Il fouilla dans un rangement à sa droite, en sortit un paquet de cigarettes et alluma l'une d'elles. Il envoya l'ordre à l'ordinateur du quai d'ouvrir le sas de sortie devant l'Arendale. Il déclencha l'allumage du moteur à plasma. Les vibrations familières du vaisseau alors que les mandibules se mettaient en position de décollage tirèrent un sourire satisfait au capitaine.

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