Comme tout le monde, j’en avais assez du collège, j’étais heureuse d’enfin passer du côté des « grands » : le lycée. Tout le monde en parlait comme le début de la liberté, les amis à la pelle parce que tout le monde avait muri... Mes résultats scolaires étant plutôt médiocres, j’atterris au lycée Jean-Baptiste Poquelin qui était l’établissement pour les élèves les moins doués de Saint Germain en Laye, c’était un lycée technique. Tous les élèves avaient l’air cool, j’avais l’impression d’atterrir dans la série Sauvé par le Gong ou Hartley Cœur à vif. J’avais le cœur gonflé à bloc et je me disais que j’allais vivre les plus belles années de ma vie… Et pourtant… Vous allez croire que vous avez déjà lu cete scène... Mais je promets que j'ai bien vécu ces deux situations à quinze ans d'écart.

Me voilà en seconde, ne connaissant personne de ma classe, j'ai fait connaissance avec Claudia et Anne, la première étant plutôt extravertie et l’autre extrêmement timide. Le courant est passé aussitôt, surtout avec Claudia avec qui nous riions énormément. Nous étions trois élèves plutôt sérieuses en apparence, même si notre travail personnel à la maison laissait quelque peu à désirer et nos résultats aussi. Notre préoccupation principale à l’époque… Les garçons…

Nous passions nos récréations à scruter la cour afin de trouver le garçon sur lequel nous allions jeter notre dévolu. Je misais sur un garçon de première appelé Clément et Claudia sur un de ses copains, prénommé José. Le mien était petit, brun et riait tout le temps, le sien était grand, teint mat avec un grand sourire plein de dents blanches. Nous passions notre temps à trouver des plans pour les aborder mais nous étions beaucoup trop timides et pas assez sûres de nous pour le faire. Entre temps, Anne se rapprochait d’Assia, une fille que je n’appréciais pas vraiment, qui semblait très jalouse de ma relation avec Claudia comme semblait l’être Anne aussi.

Quoiqu’il en soit, Claudia et moi continuions à être très proche, nous passions des moments extras, s’invitant régulièrement l’une chez l’autre.

Chaque année le BDE de notre lycée organisait une fête sur une péniche pour tous les élèves du lycée. Le rêve !!! Les filles et moi rêvions d’y aller. Nous réussissions à convaincre nos parents de nous laisser y participer. Nous dormirons toutes les quatre chez Claudia. Pensant que la péniche resterait à quai, nos parents nous ont donné la permission de 0h30. Nous nous sommes préparées chez Claudia, robes de soirée, maquillage, bijoux, nous étions fin prêtes pour cette nouvelle expérience. Excitées et transies de bonheur.

Le père de Claudia nous a déposé sur le quai, la file d’attente était longue, ils vérifiaient les cartons d’invitation, les personnes étrangères au lycée n'étaient pas les bienvenues.

Tout d’un coup mon cœur s’emballa, Clément était là, plus beau que jamais, jean blanc, chemise et petit pull noué autour du coup. Chic et élégant, exactement comme j’aime, ce soir c'est certain, je vais me lancer.

Claudia me donna un coup de coude :

- Regarde, José est là.

Très chic aussi, José s’approchait de Clément, toutes dents dehors, il lui serra la main et ils se mirent à discuter. Ils tournèrent la tête dans notre direction, s’arrêtèrent de discuter, José donna un coup de coude à Clément et hocha la tête pour nous dire bonjour.

Ricanement du côté des filles, mais nous lui avons retourné son hochement de tête tandis que Clément se contentait de sourire.

On avançait petit à petit, les garçons étaient un peu devant nous, quelques groupes de lycéens nous séparaient.

Nous avons enfin réussi à rentrer dans la péniche qui faisait office de boîte de nuit. La déco était superbe, ambiance Amérique du sud, mélange du Brésil et de Cuba. Des cocktails sans alcool de toutes les couleurs, ornés de parapluies et de bonbons de toutes sortes, étaient à disposition, nous étions directement allées au bar afin de nous procurer ces petites merveilles. Il n’y avait pas encore grand monde mais l’ambiance était déjà très festive.

Les garçons étaient au fond de la salle, un verre à la main avec leur groupe d’amis, ils étaient une dizaine.

Au fur et à mesure de la soirée, la péniche se remplissait. Tout le monde était à bord. Les filles et moi nous éclations, on dansait, on discutait, on buvait des supers cocktails. Tout d’un coup, Claudia me dit :

- Isa, j’ai l’impression qu’on bouge…

- Oui c’est vrai, il n’y a pas d’alcool dans les verres pourtant.

- Viens, on sort sur le pont pour voir.

Et là, stupéfaction, la péniche était en train de quitter le quai, on partait pour une croisière sur la Seine, mais jusqu’à quelle heure ? Les parents vont nous attendre sur le quai...

Fou rire, les gens nous regardaient, ils nous prenaient pour des folles (ce que nous étions sûrement un peu d’ailleurs).

- Faut qu’on trouve un organisateur, on va lui demander à quelle heure la péniche sera à quai.

Un des garçons du BDE est accoudé au bar :

- Salut Vincent, on n’avait pas vraiment prévu que la péniche irait se balader, tu sais à quelle heure on reviendra à quai ?

- Ah mince, on avait prévenu pourtant, c’était écrit sur l’invitation,

- Oups, on a dû lire en diagonale…

- On sera de retour à 3h30

- Wouahhh… (Re- fou-rire)

- - Bon ben on n’a plus qu’à profiter de la soirée parce qu’après ça on sera privées de sortie à vie !

- Oui allez direction la piste !

Dès ce moment, on n’a pas cessé de danser. José et Clément dansaient aussi avec leurs copains. On s’est approchées le plus possible d’eux jusqu’à atterrir dans leur cercle de danse.

Claudia s’approchait de plus en plus de José et moi de Clément. Mais José se rapprochait de plus en plus de moi et Clément me poussait de plus en plus vers son pote… Non, non, non, ce n’est pas le plan !!! Lorsque Clément eut terminé ce qui semblait être sa mission, il s’écarta et rejoignit leur groupe d’amis. Je me retrouvais avec José qui dansait avec moi et Claudia que je poussais vers lui. Plus je m’écartais de lui et plus il se rapprochait pour finalement me prendre par la taille. Je me libérai de son étreinte et décidai donc de quitter la piste et de laisser le champ libre à Claudia. Il dansa quelques minutes avec elle gardant ses distances et souriant d’un joli sourire poli et quitta la piste pour retrouver ses amis.

Je me suis réfugiée auprès d’Anne et Assia qui étaient en train de discuter dans un coin de la salle, elles avaient quitté la piste un peu avant moi, voyant la scène tourner au cauchemar. Elles se parlaient à l’oreille, me regardant avec un œil noir et ne m’adressaient pas la parole. Claudia finit par nous rejoindre, la mine dépitée et les yeux embués.

- Oh là là je suis désolée Claudia… J’ai essayé de m’approcher de Clément mais il me poussait vers José.

- Tu n’y es pour rien Isa, José doit avoir envie de sortir avec toi et il en a parlé à Clément qui a voulu lui arranger le coup…

- Oui j’ai bien peur que ce soit ça. J’étais tellement près de Clément, je pensais vraiment réussir à parler et danser avec lui.

- Quand tu as quitté la piste, José est resté par politesse, mais il est parti presque aussitôt après.

- Je vais aux toilettes, tu viens avec moi ?

- Non je vais rester avec les filles, Anne vient de me dire qu’elle voulait me parler.

- Ok à tout de suite. Je suis vraiment désolée Claudia.