XI. La Chaine d'Augustine

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Ils étaient derrière lui, Jean-Thomas en était certain, les gendarmes avaient dû le voir quitter le cimetière. Il se retournait constamment, se sentait épié. Il voulut en avoir le coeur net, il n'était pas encore un fuyard de toute façon, pas encore. Il avait fait tamponer ses papiers à la mairie hier.

Le coeur battant, les mains moites il avait la trouille. Une trouile qui lui tordait le ventre, une peur infondée, une peur bleue; des gendarmes, de ne plus jamais être libre de ses gestes, d'aller de venir à sa guise et de ne plus pouvoir revenir se receuillir sur le tombeau de ses parents qui lui manquaient déjà. Et ces larmes qui coulaient coulaient sans plus vouloir s'arrêter il en avait assez de pleurer comme un gosse, comme une fillette. Il ne voulait pas que ceux qui étaient à ses trousses puissent se moquer de lui. Il tenta de se cacher de leur échapper, il s'imaginait déjà tant de choses. Lorqu'il sentit qu'on lui touchait le bras il crut s'évanouir de terreur. Quelle ne fût pas sa surprise lorsqu'il se retournat brusquement et vit cette pauvre petite vieille au visage ridé comme une pomme de noël

  • Ho, pitcho ! n'ai pas peur, ce n'est qu'une pauvre vieille ! lui dit elle en Provençal.
  • Vous m'avez foutu une de ces trouilles Clémence, je pensais que c'était cette saloperie de Jean-Clotaire qui m'avait déjà envoyé les argousins .
  • Alors c'est vrai ce que m'a dit ta soeur, tu t'en vas, tu vas nous ramener ton frère qui serait en Amérique ?
  • Mais, mais...

Déscidément, il avait été bien naïf, Combien de personne avaient donc lu cette lettre, mais il est vrai Clémence faisait presque parti de la famille !

  • Tout d'abord je te présente mes condoléances... contina t'elle. Non, non, je le sais, tu veux mettre, le plus vite possible de la distance entre toi et le village, je te comprend, elle m'a tout raconté ta soeur, n'ai crainte, Je ne te tiendrais pas la grappe pendant cent cinq ans . Je voulais juste te donner quelque chose. Peut être le sais tu, ou pas ! de toute façon, tu as le droit de savoir et l'âge aussi !
  • Allez droit au but la mère !
  • Oui, oui, j'y arrive, tu sais, ou tu ne sais pas
  • Vous l'avez déjà dit non, ce serait bien si ce soir j'avais quitté le département.
  • Ma fille, que Dieux la garde prés de lui, elle était fiancée avec Auguste- César avant d'épouser Victorin... Victorine sa fille, ce neserait pas sa fille...
  • Oui, ne vous fatiguez pas la mère, mon frère m'en a parlé, il le sait que sa fille n'est pas de lui ! mais ça ne change rien, Il l'aime comme si elle était de lui
  • Oui, de ça je n'en doute pas, Victorin à toujours été un brave petit, de ça je lui en serait éternellement reconnaissant, mais c'est pas ça... Tiens, je te confie, la chaine de baptême de mon Aurélie avec le médaillon de saint Sébastien, car elle était née un vingt janvier, tu le donneras à ton crétin de frére qui ne le mérite pas, je ne sais si... Je pense qu'il a le droit de savoir. Enfin si cet enfant de put...Non, ta mére n'est pas responsable, pécaïre, elle a fabriquée le pire et le meilleur...
  • Oh P...vierge ! la mère, avec tout le respect que je vous dois... j'ai de la route !
  • Il y a aussi autre chose... reprit elle comme si elle ne l'avait pas entendu, Je l'ai appris par hasard, ne me demande pas comment, je le sais, je le sais, c'est tout. Auguste, ce fumier entretenait des relations avec une femme mariée, une bourgeoise de Varage il l'a engrossée également, il lui a fait une fille avant de s'enfuir, ce lâche a elle aussi ! le mari de la belle l'a reconnue, mais ça ne fait guère de doute que le cornard n'est pas le père, la gamine est née, huit jours après ma petite fille, elle s'appelle Césarine, t u parles d' une coïncidence... Allez, je le sais, je suis une vieille bique qui parle trop... je vous attendrais tous les deux, je lui dirais ce que je me pense, mais malgrés ce qu'il m'en coute, la vérité doit toujours être dite, les non dit font trop de mal, ils ont surement tués ta mére, et puis surtout les fils doivent êtres tendus entre un père et ses filles...je me sauve, bonne route petit. Quand tu verras ce salaud, ne le salue pas de ma part, il ira en enfer quand il mourra, c'est là ou pourrissent tous les salopards de son éspéce .

Comme elle était arrivée, la vieille dame, à travers bois, par des sentes connues d'elle seule, elle s'évanouit dans la nature, sans un bruit. On disait au village qu'elle était un peu sorciére, elle était surtout une fameuse braconniére, Tous à Saint-Martin savaient, pour caver les truffes et étrangler les lapins au collet, elle n'était pas la plus mauvaise.

Longtemps aprés son départ, Jean-Thomas n'avait pas bougé de place. Comme s'il s'attendait à ce qu'elle revienne et lui fasse une nouvelle révélation sur ce frére qu' il connaissait si mal et qu'il avait adulé enfant.

A travers ses dents sérrées il marmonna:

  • Quel Salopard tout de même ! deux gamines ! je ne suis pas fier d'être son frére ! Elle a raison il finira en enfer, si je n'avais promis à mére...

Il fût tenté de prendre une pierre, un baton et de se venger sur la végétation aux alentour, il s'en abstint, il voulait rester discret, enfin pour la discretion, il y avait à redire tout de même, la moindre vieillarde, le rattrappait, il lui faudra apprendre à devenir sinon invisible, du moins prudent, la frontiére était encore loin .

Il regrettait maintenant d'avoir fait cette promesse à sa mére. Auguste-César s'était vraiment conduit comme le dernier des laches, avec une femme mariée qui plus est. Son frére le dégouttait. Mais avait il eu vraiment le choix, au chevet d'une mére mourrante, il ne pouvait pas faire autrement. Il se le jura, il le rettrouveras, où qu'il se cache, quoiqu'il lui en coute, il lui dira ses quatres vérités avant de le ramener à Saint-Martin.

Il s'ébroua enfin et d'un revers de ses manches sécha ses yeux humides, quand perdra t'il cette manie de pleurer comme un gosse à la premiére émotion.

Juste avant de se remettre en route, il se remémorra le chemin à prendre, Plein nord jusqu'à Saint julien, en ligne droite, à travers bois jusqu'à Comps , traverser le Verdon de nuit de préférence et ensuite prendre la directionde Saint Benoit à coté d'Annot. Normalement à Comps, un contrebandier repenti, ayant servi sous les ordres de son oncle, lui fera traverser la frontiére. Son oncle avait réussi à lui glisser le nom au cimetiére, juste avant qu' un gendarme l'éloigne du vieux Montagnard. Il pensa briévement à lui à cette occasion, Son oncle, accompagné de sa tante bien entendu devra quitter son village. Mélanie, sa soeur se trouvera bien seule ce soir.

D'un pas descidé il se mis en marche, c'était drôle, les derniéres pensées avant de traverser le grand Vallat, de bifurquer à droite derriére le grand Adret et d' entrer sur la commune de la Verdiére fut pour Fernand Bidouré. Non il ne le voyait pas allongé dans l'herbe le corp en sang, il se le remémorait fierement monté sur sa pouliche quittant Saint Martin . Il s'en rappellait, il n'avait pas eu un regard en arriére cet héros au grand coeur, il allait, affrontant son destin, il avait eu la même posture en quittant le village de Tourtour. Un héros, ça ne regarde pas en arriére, jamais !

Alors fier comme un prince, Jean-Thomas s'élançat à la conquête de l'Amérique .

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