Chapitre 9

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En-Calcat, Tarn

Il ne fallut pas longtemps pour rejoindre l’abbaye, par les petites routes ondulant entre les collines et les champs de tournesol. Philippe avait rapidement donné à son ami un aperçu sur l’ordre des Bénédictins auquel appartenait Frère Michel, son cousin. La journée des moines restait rythmée par les six prières quotidiennes, mais le reste du temps était consacré au travail, principalement des productions artistiques, vitraux et instruments de musique. Les frères ne vivaient pas totalement coupés du monde, et accueillaient de nombreux visiteurs dans leur hôtellerie, pour une période plus ou moins longue.

— Comment connais-tu tout cela, je te croyais agnostique.

— Oui, c’est vrai, mais j’ai tout de même grandi dans la tradition catholique et j’ai eu de longues conversations avec mon cousin, qui n’a pas réussi à me convaincre de l’existence d’un dieu.

— Et lui, qu’est-ce qui l’a conduit à entrer dans les ordres ?

— Michel a fait de brillantes études de lettres, il est diplômé de Normale Sup, mais au lieu de faire une carrière de prof de philo, il a préféré se retirer pour se consacrer à la prière. C’est en tout cas ce qu’il m’a dit. À cette époque, je connaissais déjà Brigitte et je menais une vie assez dévoyée de carabin. Nous nous sommes perdus de vue pendant un moment, mais depuis quelques années, nous avons repris contact et je m’efforce de lui rendre visite quand je viens passer quelques jours chez mes parents. Il sait comment je vis, mais ne me juge pas. Tu verras, c’est un homme charmant, et tout à fait informé de la vie du monde.

Située sur la via Tolosa, l’un des chemins menant à Saint Jacques de Compostelle, l’abbaye n’est pas très ancienne, bâtie à la fin du XIXe siècle. Ange se gara dans une zone ombragée, sous les arbres et Philippe le guida jusqu’à l’accueil où il demanda à voir le prieur. Michel arriva rapidement, et les emmena sous les voutes du cloître.

— Les frères sont au travail, et le prochain office, sexte, est dans deux heures. Nous avons un peu de temps devant nous.

Tout en marchant lentement dans la galerie, le moine leur donna les premiers éléments.

— J’ai été appelé ce matin par la mère supérieure de Sainte Scholastique, le couvent voisin. Lors des matines à cinq heures, l’une des sœurs était manquante. Elle ne s’en est pas trop inquiétée, pensant qu’elle était juste souffrante, mais quand elle a constaté qu’elle n’était pas présente pour les laudes, elle est allée voir dans sa chambre. Elle n’y était pas non plus. Les sœurs ont entrepris de la chercher dans tout le couvent, et elles ont fini par la retrouver, sans connaissance, sous le porche, à l’extérieur du couvent. Elle était nue, à l’exception de son voile, et ses vêtements avaient été entassés sur son corps. Elle était très sale, mais ne semblait pas sérieusement blessée, juste quelques égratignures et ecchymoses, m’a-t-elle dit. Elle l’ont transportée à l’infirmerie où on l’a lavée et on a soigné ses plaies. Elle a repris conscience, mais semblait complètement désorientée.

— Les sœurs n’ont pas appelé la gendarmerie et un médecin ? demanda Ange.

— Et bien, non, l’une d’elles est infirmière et elle a dispensé les premiers soins, puis elles m’ont prévenu, pour prendre mon avis. C’est à ce moment que j’ai pensé à toi, Philippe, vu que tu avais envisagé de passer et que tu es médecin…

— Oui, j’ai compris que vous ne souhaitiez pas donner trop de publicité à cette fâcheuse situation.

— C’est cela, nous autres moines, sommes assez implantés dans la population locale, mais les sœurs sont vraiment cloitrées. Retrouver l’une d’entre elles nue à l’extérieur pourrait faire beaucoup jaser.

— Oui, j’imagine, en effet. Et qu’attends-tu de moi, ou de nous plutôt ?

— D’abord, je pense que tu pourrais nous rassurer sur son état physique et mental. Ensuite, il faudra sans doute essayer de comprendre ce qui lui est arrivé. En temps normal, les sœurs ne sortent pas après le coucher du soleil.

— Espérons qu’elle sera en mesure de nous dire ce qui s’est passé cette nuit, dit Ange. Vous pouvez nous conduire là-bas ?

— Oui, bien entendu. Allons-y tout de suite.

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