#3 Plus rien à perdre...- Anastasia

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Il faisait trop chaud, aujourd'hui. Beaucoup, beaucoup trop chaud.

Hors de question de chanter sur la place avec cette température.

C'est dommage, ça gagnait bien, en général.

Mais personne n'aurait l'idée de sortir dehors, exceptés les suicidaires... Et puis, aucune envie de finir déshydratée au bout de quinze minutes.

Le problème, c'est qu'elle n'avait nulle part où aller. Chanter dans les transports en commun ?

Elle se ferait vite renvoyer, d'autant qu'elle n'avait aucun titre de transport. Mendier dans un endroit plus frais ? Elle y avait souvent pensé, ces derniers temps, mais ne parvenait pas à s'y résoudre. Pas encore.

Et puis, elle avait faim.

L'esprit encore engourdi, elle se leva doucement du banc sur lequel elle était allongée, et s'étira.

Il fallait qu'elle se dépêche. Le parc ouvrait tard, certes, mais l'heure approchait, et le gardien allait bientôt arriver.
Elle n'avait pas beaucoup d'affaires à rassembler : juste un petit sac de sport, qui contenait toutes les affaires qu'elle gardait précieusement depuis son départ, il y a trois mois.

Quand son fils, son petit garçon, était mort de maladie, l'année dernière, les choses avaient vite commencé à déraper. Jonathan s'était réfugié dans le silence, alors qu'elle tentait de se reconstruire, aidée non seulement part un psy compétent et une famille compatissante, mais aussi par son boulot de prof de chant, qui lui permettait de faire face.

Cependant, quand elle avait retrouvé son mari inanimé sur le lit conjugal, victime d'une overdose, elle avait craqué, fait ses affaires et, sans un adieu, avait tout quitté.

Et elle se retrouvait ici, à présent, seule et sale sur le banc crade de ce jardin public.

Une fois prête, elle prit sa décision.

Il était évident que peu de gens sortiraient aujourd'hui. D'autant que c'était dimanche, et les gens restent souvent chez eux, le dimanche. Du moins, c'est ce qu'elle faisait, avant...

Elle ne pouvait donc rien faire... autant aller, dans ce cas là, profiter de la fraîcheur qui régnait dans les Blocs. Bien sûr, une femme seule là-bas, il y avait des risques, de gros risques, mais elle n'avait plus rien à perdre.

Elle fronça les sourcils.
Plus rien à perdre ! Elle n'y avait jamais songé de la sorte, mais c'était la vérité, après tout. Elle avait touché le fond.

Cette idée faisait son chemin dans son esprit. Et, inévitablement, fut suivie par une autre, qui la fit aussitôt sourire.

Un sourire triste et fatigué, mais un sourire quand même.

Ragaillardie, elle enjamba les grilles du parc et marcha d'une allure tranquille. S'arrêta un bref instant en traversant le marché pour dérober quelques fruits qu'elle cacha dans son sac. Et, dépassant la maigre foule qui s'aventurait dans le coin, continua son chemin d'un pas léger.

Elle ne mit pas longtemps à arriver là-bas, dépassa un jeune couple visiblement trop occupé pour la remarquer et entra dans un bâtiment. Au cours de ses précédents passages, elle avait remarqué que certaines fenêtres n'étaient jamais vraiment fermées, au cas où l'un des travailleurs ait oublié ses clés.

Elle s'assit à même le sol et mangea voracement ce qu'elle avait volé.

La jeune femme se rendait bien compte que sans éclairage, et sans personne, les lieux étaient plutôt sinistres ici.

Mais, pensa-t-elle en haussant les épaules, il le serait bien plus encore dans quelques secondes.
L'idée qu'elle avait eue à son réveil n'en était désormais plus une. C'était une vérité, une certitude, un projet qu'elle allait réaliser à l'instant.

L'estomac désormais plein, elle se sentait prête. Elle regarda longuement cette photo avec Thomas et Jonathan, son fils et son mari, puis la posa juste à côté d'elle.

Fouillant à nouveau dans ses affaires, elle en sortit un autre objet, qu'elle mania avec précaution.

C'était un beau pistolet, d'apparence assez ancienne. Il était chargé et le cran de sécurité, retiré.
Elle le pressa contre sa tempe et commença à compter :

Trois...

Deux...

Un...

Le coup partit brusquement.

Il résonna un bref instant puis tout se tut.

Allongé sur le sol, une légère flaque de sang se déversant progressivement autour de lui, le cadavre avait conservé sur son visage un sourire heureux.

Elle n'avait plus rien à perdre, après tout...

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