#1 Ma petite sœur- Cali

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— Je m'appelle Cali. Cali Langerson. Je viens signaler la disparition de ma petite sœur, Cléa, me débite rapidement une jeune femme, arrivée à l'instant.

Elle est paniquée, essoufflée.
Calmement, je la laisse reprendre ses esprits puis lui demande de plus amples informations, heure, âge, contexte, lieu...

Enfin, sa respiration s'apaise et elle commence à m'expliquer :

— Hier, pour rendre service à mon copain qui est coursier, j'ai fait son travail à sa place. Et ce jour là, il devait livrer une pochette dans chaque bâtiment du quartier industriel.

J'hausse les sourcils. Je ne saisis pas le rapport entre ce fait et la disparition. Mais dans ce métier, chaque détail a son importance, alors j'essaie de ne pas perdre le fil de son récit, malgré ma fatigue et le débit très rapide de ses paroles.

— Bref. Ce matin, je suis allé récupérer les pochettes. Il y en avait beaucoup et, comme je devais aussi garder ma petite sœur, elle m'a accompagnée. Elle n'a que dix ans, mais peut souvent être utile, vous savez. C'était dans, vous connaissez probablement, les vieux bâtiments presque délabrés dans le Nord du quartier, ceux qu'on surnomme les Blocs. Il y en a cinquante au total et chacun est numéroté.

Oui, je connais, bien sûr que je connais. Les Blocs. Ces longs bâtiments sinistres dans lesquels mon père a bossé pendant cinquante ans, durant lesquels il a couru après une chimérique retraite. Cette retraite, il l'a connu. Une semaine. Avant de se faire emporter par une crise cardiaque, en revenant des courses. Mais enfin, ceci n'est pas son affaire et je préfère ne pas l'interrompre.

— On avait déjà passé une bonne heure à entrer dans chaque bâtiment, posé la pochette sur le bureau principal et il ne nous restait plus qu'une quinzaine de Blocs. Nous sommes entrées dans l'un d'eux, Cléa a déposé les documents et on est sorties rapidement. Un moment, très court, je me suis détournée d'elle pour fermer la porte à clef, et, en me retournant, elle n'était plus derrière moi. Je n'avais pourtant rien entendu de suspect. J'ai cherché partout, et je ne la trouve nulle part !

Je me frotte les yeux. Depuis que ma femme m'a quitté pour mon ancien patron, je ne dors plus vraiment et j'ai du mal à rester éveillé durant la journée. Mais il faut que je me secoue ! Depuis tout à l'heure, je l'écoute d'une oreille, les yeux dans le vague. Je me reconnecte aussitôt sur son discours, l'examine, et un détail me fait tiquer, m'exaspérant au plus haut point:

— Vous voulez dire que vous vous êtes rendue dans un des quartiers les plus dangereux et les moins fréquentables de la ville, avec une gamine de dix ans, juste pour votre copain éclopé ?

— C'est que, me répond-t-elle, un peu effrayée par mon ton accusateur, on parle pas mal mariage en ce moment et je veux pas le perdre...

Je soupire, mon irritation retombée. Ah, l'amour, quelle utopie... J'aimerais la prévenir des dangers de ce sentiment si attrayant, mais je ne suis pas payé pour ça. Je réfléchis. Si la fille dit vrai, le cas semble assez important et à régler au plus vite.
Je lui pose donc quelques questions, histoire de remplir au plus vite la paperasse obligatoire et de lancer les recherches.

— Pourquoi gardiez vous votre sœur ce jour-là ?

— Ma mère est au boulot, et je n'ai pas de père, déclare-t-elle avec un calme surprenant.

Une situation pas très drôle, visiblement. Je me souviens bien de ma mère. Elle ne travaillait pas, mon père ne voulait pas. Elle était si contente quand il a pris sa retraite ! Son ennui allait enfin se terminer. Elle avait des rêves plein la tête... Pour que tout valse et se brise quelques jours plus tard, brusquement. Elle n'avait pas tardé à rejoindre mon père, une lettre derrière elle. Et un fils aussi, mais ça, ça ne comptait pas. Ça n'avait jamais compté.

Enfin... On ne vas pas faire un concours de vies pourries non plus.

— Vous souvenez-vous avoir croisé des gens là bas ?

— Non, personne. Quand j'y pense, c'était plutôt flippant tout ce silence. Mais je suppose que personne ne vient ici si ce n'est pas un jour de travail.

C'est sûr que mon père n'aurait jamais fichu un pied là bas un dimanche.

Il préférait partir dépenser son maigre salaire chez les prostituées du coin, ou dans des paris stupides. Sans compter l'argent qu'il mettait de côté, pour sa retraite, bien sûr.

— A quoi ressemble votre soeur ?

— Elle est petite, blonde avec des yeux marrons. Très pâle. Attendez, ajoute-t-elle en fouillant dans sa poche. J'ai une photo d'elle dans mon portefeuille... voilà, regardez.

C'est une belle petite. Son teint très clair et ses grands yeux interrogatifs lui donnent un air presque mélancolique. Elle ne ressemble pas vraiment à sa soeur, ce qui est assez fréquent dans les fratries.

— Une dernière question, lui demandais-je rapidement, pour pouvoir lancer les recherches sans tarder. Vous souvenez-vous du numéro du dernier bâtiment duquel vous êtes sortie, avant de réaliser la disparition de votre sœur ?

— Bien sûr ! S'exclame-t-elle, je l'ai mémorisé, au cas où... Elle marque une pause, comme si elle attendait une félicitation, puis, un peu déçue, finit par déclarer, l'air sérieux :

— C'était le Bâtiment Douze.

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