Chapitre 7

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 — Votre apprenti ? demanda Ysangrin, surpris.

 — Oui ! Vous reprendriez l'affaire de mon défunt mari et vous perpétueriez l'héritage et son savoir. Je n'ai malheureusement pas eu la chance d'avoir d'enfants et...

 Ysangrin ne répondit pas. Il ne l'écoutait qu'à moitié. Il s'était muré dans un silence de plomb qui semblait le protéger des attaques extérieures. Les idées se bousculaient dans sa tête et créaient un chaos ingérable, ses mœurs se battant violemment contre la promesse d'un avenir prospère. Il sentait ses joues chauffer et son cerveau fulminer, comme un cœur battant à un rythme beaucoup trop rapide et soutenu.

 Ses mains se posèrent sur ses yeux et les frottèrent vivement dans le but de se calmer et de réparer les dégâts causés par ces luttes acharnées.

 Derrière ses paupières closes se dessinait la silhouette de sa douce fiancée. Les traits du visage de Céleste apparurent et il ne voyait que son sourire : deux fines lèvres qui se courbaient pour laisser apparaître une rangée de dents inégales et jaunis. Beaucoup de personnes auraient pu être répugnées par ce spectacle qui fascinait tant le jeune homme.

 Céleste était une jeune femme de treize ans. Sa chevelure semblable au plumage d'un corbeau ne la rendait pas attirante au premier regard. Ses grands yeux d'un bleu océan étaient pleins de malice et reflétaient sans filtres le moindre de ses sentiments. Elle n'était pas très grande pour son âge. Toutes les filles qu'elle voyait courir dans les prés étaient plus grandes d'au moins une tête. Ses formes étaient un peu trop développées, elles attiraient les vieillards en manque de contact humain. La fillette avait donc vite appris à ne jamais se balader seule pour ne pas être confrontée à un pervers.

 Elle n'avait pas eu un début de vie des plus facile et des plus joyeux. Céleste vivait seule avec Mélusine, sa mère. Elle avait perdu son père à l'âge de onze ans. Ils avaient été séparés lors d'une attaque dans le village et ils n'avaient jamais réussi à se retrouver. Depuis, sa mère gagnait sa vie en servant une famille de la ville qui avait gentiment accepté de l'aider.

 Le destin avait voulu que cette maison se trouvât à côté de celle du jeune rouquin.

 Les deux enfants avaient passé leur enfance et avaient grandit ensemble. Lorsque Mélusine était occupé à réaliser les tâches ménagères, les deux bambins couraient dans les rues et faisaient peur aux animaux. Ils étaient deux âmes que rien n'aurait su séparer, comme s'ils étaient liés par une force qu'aucun d'eux n'aurait pu expliquer. Lorsque le jeune garçon eu atteint l'âge adulte, il n'avait pas perdu de temps pour demander sa douce en mariage.

 Ysangrin se souvenait parfaitement bien du jour où ils s'étaient rencontrés pour la première fois.

 Il pleuvait à torrent ce jour-là, Ysangrin était resté caché derrière la fenêtre de sa chambre et admirait les gouttes qui s'écrasaient contre la vitre. Il observait Céleste qui était en train de ramasser quelques légumes avant qu'ils ne soient tous abîmé par les flux d'eau. C'était lorsqu'elle eu relevé la tête que leur regard s'étaient croisés. L'alchimie avait immédiatement fait effet pour ces deux âmes. Le rouquin eu un haut-le-cœur et avait senti ses joues s'empourprer.

Heureusement que je suis loin et qu'elle ne peut pas me voir, avait-il pensé.

 Un sourire en coin, pleins de sentiments, se dessinait doucement sur les lèvres du rouquin alors qu'il repensait à sa compagne. Cette vision lui redonna un peu de courage et de force.

 Il ôta ses mains pour observer la boulangère qui s'impatientait, elle attendait une réponse qu'il n'était pas en mesure de lui donner immédiatement. Il essaya de trouver du réconfort chez sa génitrice, il l'implora de ses yeux verts, mais elle était tout aussi chamboulée que lui. Son sourire s'était enfui et son visage rond reflétait l'inquiétude et la confusion.

 Après quelques minutes de réflexion intense, il inspira profondément et ouvrit la bouche ; il fallait prendre une décision avant que cette opportunité ne lui passe sous le nez.

 — Ce que vous me proposez là... commença-t-il tout en cherchant ses mots. Vous comprendrez que je ne peux pas prendre une décision aussi importante sans en parler à ma Céleste.

 — Bien entendu, dit-elle avec un brin de déception dans la voix.

 Gersande sentait que son fils était mal à l'aise et perturbé, elle passa un bras autour de ses épaules et le serra contre elle pour essayer de le rassurer. Il la remercia silencieusement de son geste. Ils saluèrent tous les deux la boulangère avant de s'en aller vers leur domicile.

 Le soleil et ses rayons laissaient, petit à petit, leur place à la lune. Le ciel s'était assombri et était rempli d'une multitude d'étoiles qui éclairaient les rues de leur douce lumière. Celles-ci étaient calmes et désertes, tous les villageois étaient rentrés chez eux pour se reposer avant la journée qui les attendait le lendemain.

 Althéïs marchait encore paisiblement dans les rues, elle appréciait l'air frais du soir et le calme de la nuit. C'était toujours dans ces moments-là qu'elle aimait repenser à la vie et à la place que Dieu lui avait offert sur terre.

 Elle se dirigeait vers le pont où les reclus étaient enfermés tout en réfléchissant aux conséquences de sa demande et de sa potentielle admission. Elle se retrouverait enfermée dans cette petite cabane et serait à jamais auprès de Dieu. C'était avec une grande impatience et pleine d'excitation qu'elle attendait ce moment. La vie sur terre ne lui apportait plus rien, tout ce qu'elle avait de plus cher se trouvait parmi les cieux et auprès de Dieu.

 Un sentiment désagréable la sortie brusquement de sa réflexion, un souffle chaud se frayait un chemin sur la peau frissonnante de la jeune femme, n'épargnant aucune parcelle de ce bout de chair.

 — Tu as pris la bonne décision... chuchota une voix au timbre grave, diabolique.

 Un sentiment douloureux et oppressant s'empara du corps de la jeune femme, la pétrifiant, comme si quelqu'un était sur le point de s'en prendre à elle et qu'elle ne pourrait, malheureusement, rien y faire. Une vague de frissons désagréable la parcourait des pieds à la tête, semblable à une brise glacial venant l'entourer.

 Lorsqu'elle eu repris ses esprits, elle se retourna vivement pour découvrir l'origine de son angoisse, pour savoir qui venait de lui chuchoter aux oreilles. Elle ne vit qu'une ombre floue, intégralement vêtue de noir, courant au loin, sortant du village et s'engouffrant dans la forêt.

Suis-je en train de perdre la tête ? pensa-t-elle.

 Elle haussait les épaules tout en reprenant un rythme respiratoire normal. Elle ne s'inquiétait pas plus que ça, oubliant presque ce qu'il venait de se passer. Son volontariat devait attiser la jalousie et les foudres de certains habitants. Persuadée qu'il ne s'agissait que d'une personne qui voulait l'effrayer pour qu'elle renonce à son envie d'être recluse, elle reprit ses activités oubliant cette silhouette noire qui venait tout droit des enfers.

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