C'est quand tombe la pénombre que naissent les étoiles.

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 Alma ouvre un œil. Puis le referme. Elle grogne et s’entortille dans sa couette, la serre fort. Son duvet est un rempart de plumes contre le reste du monde. Aujourd’hui, elle va débuter un nouveau boulot. Celui qu’elle a toujours voulu. Elle devrait trottiner de joie vers ses nouveaux locaux pleins de promesses. Mais le cœur n’y est pas. Elle sait qu’une vie sous sa couette n’est pas envisageable cependant. Et que rater son premier jour de travail n’est pas tellement conseillé. Alors Alma met un pied à terre, puis l’autre. C’est comme si elle réapprenait à marcher. Douche. Ok. Brushing. Ok. Vêtements décents. Ok. Pschitt de parfum. Ok. Brossage de dents. Ok. Dans son miroir, elle voit une poupée en porcelaine. Prête à se briser sur le sol au moindre coup de vent.

 Après avoir voyagé au milieu de buffles ronchons, Alma quitte le troupeau et arrive au bureau. Elle met son plus beau masque et avance. Elle croise quelques personnes à l’accueil. Elle sourit. Dans l’ascenseur, elle croise un petit homme chauve en costard-cravate et une grande tige aux faux-airs de héron. Elle sourit. Elle serre la main de son nouveau patron en souriant. Il la présente à ses collègues flambants neufs. Du sourire en veux-tu en voilà. Mais avant d’atteindre le service Marketing, Alma bifurque et dévale les escaliers de secours. Petite sortie de route. On mesurera l’ampleur des dégâts plus tard.

 La veille, Léon a appelé. Après avoir raccroché, Alma a eu la sensation de manquer d’air. Ses poumons en réclamaient, mais elle ne savait plus comment respirer. Depuis, elle ressent une douleur vive dans sa poitrine. Avec Léon, Alma avait enfin compris le sens de l’expression « avoir quelqu’un dans la peau ». C’est bien au niveau de son épiderme que la fièvre s’était installée.

 Alma reprend le métro et sort quatre stations plus loin. Elle ne sait plus très bien où elle doit aller. Elle trimballe son enveloppe corporelle de rue en rue. Elle se cogne à quelques passants. Les insultes pleuvent. Elle ne les entend pas. Au coin d’une rue, un tatoueur. Elle doit se réapproprier son corps. Ça fait trop longtemps qu’il ne lui appartient plus. Elle entre et demande qu’on lui dessine une petite étoile sur le sein gauche. Quand on contemple une étoile, c’est le passé que l’on voit. Le temps que la lumière de l’astre nous parvienne, on se retrouve face à ce qu’il a été dix millénaires plus tôt. Et parfois il est déjà mort. Oui une étoile c’est bien.

 Un an et neuf jours, c’est le temps qu’il faudra à Alma pour ne plus aimer Léon. Soit la seconde où il s’est gravé en elle, fois trente-deux million trois-cent-trente-cinq mille deux-cent. Mais le tatouage restera. Comme le rappel de ce que fut sa première et terriblement belle histoire d’amour. Le conte cruel d’un insecte hypnotisé par la lumière.

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