Del 3

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Lättare sagt än gjort.

 Je peux vous jurer avec toute la meilleure foi du monde que je faisais de mon mieux pour me concentrer sur je ne sais quelle merde administrative qu’on avait reçu par la poste ce matin. Manque de bol, je n’y arrivais pas. Après la cinquième relecture sans retenir aucune information, je me suis levé pour aller regarder à la fenêtre. Dehors, il faisait ce qu’on appelle dans le langage mondain « un temps magnifique ». Quelle connerie. Ça m’a agacé, alors je suis allé m’assoir sur mon bureau.

- Je te sens tendu » m’a signalé Elodie.

 Elle était assise à son bureau, penchée sur une feuille, une loupe dans une main et un outil bizarre dans l’autre. J’ignorais si elle était en train de disséquer une saloperie volante ou de faire de la microsoudure, mais je n’en avais rien à battre. Son calme m’énervait. Le fait qu’elle puisse effectuer un travail de précision quand je n’arrivais même pas à lire trois lignes m’énervait. Mon état de stress m’énervait. A ce moment-là, j’ai fait une bourde : je lui ai jeté un sale regard.

 Bien évidemment, par je ne sais quelle sorcellerie à la con, elle l’a senti. Elle a posé ses trucs et a croisé les bras.

- Je te le dis sans aucune malice : je ne pensais pas que cette histoire de stage te mettrait dans un état pareil.

- Moi non plus… Je te donne le droit de te foutre de ma gueule.

- Je n’ai pas besoin de ton autorisation pour le faire, mais si ça peut te rassurer, ce n’est pas mon intention.

 J’ai grommelé que ce serait bien la première fois. Elle a levé les yeux au ciel puis s’est levée pour me rejoindre. Elle a pris du mieux qu’elle a pu mes mains dans les siennes et m’a regardé droit dans les yeux.

- Allez, on va prendre une grande inspiration.

- Parle pour toi…

- Ha, ha. Allez, je te dis… Inspire.

 Je me suis exécuté.

- Et on expire.

 Respiration après respiration, mon rythme cardiaque s’est finalement calmé. J’ai lâché les mains d’Elodie et ai croisé les bras.

- Ça va mieux ?

- Ça va…

- Maintenant, est-ce que tu peux m’expliquer ce qui te stresse autant ?

- Facile… Le stagiaire.

- J’avais deviné. Ma question, c’est qu’est-ce qui te fait stresser dans l’idée d’avoir un stagiaire ?

 Facile aussi : les responsabilités… D’habitude, je n’avais pas à répondre de mes actes. Je pouvais faire n’importe quelle connerie, c’était mon problème. Du moment que ça n’impliquait pas les autres, j’étais libre. Là, j’allais être responsable de quelqu’un ; j’allais devoir prendre des décisions pour une autre personne et rendre des comptes. Non pas que j’avais des plans dans les cinq mois qui suivraient mais la simple existence d’un boulet, aussi minime soit-il, suffisait à faire disparaitre toute impression de liberté.

 Plus j’y réfléchissais, plus je me disais que j’aurais dû refuser cette foutue demande il y a quatre mois, comme je pensais le faire. Toujours suivre son intuition. Cependant, le mal était fait et Raphaël devait arriver dans une dizaine de minutes. Ce détail fit remonter en flèche mon niveau d’anxiété.

- Rien de rationnel, t’inquiète.

- C’est pas parce c’est irrationnel que tu ne dois pas en parler.

- Ça ira, je te dis…

 Et comme je n’avais pas envie de finir sur un mensonge générique à la con, j’ai ajouté :

- Ça va passer. Et puis sinon, je sais que tu me tomberas dessus en me disant que tu avais raison.

 Elodie n’insista pas. Elle n’était clairement pas convaincue mais je pense qu’elle n’avait pas envie de me mettre encore plus à cran.

- Je lâche l’affaire… Mais sache qu’entre ton bonheur et avoir raison, je préfèrerai toujours ton bonheur.

 Elle le pensait vraiment ; ça m’a fait me sentir assez mal. Je n’arrivais pas à comprendre ce qu’elle voyait en moi qui justifiait ses efforts et son soutien. Déjà quand on était petits, elle s’occupait de moi quand les parents étaient en mission. Et aujourd’hui encore, malgré le fait que j’étais devenu un connard, elle continuait de faire preuve de plus de gentillesse envers moi que n’en aurais jamais été digne.

 En fait, Elodie aurait mérité d’avoir un frère mille fois mieux que moi. Un frère pour lequel elle n’aurait pas à s’inquiéter à chaque putain de seconde, qui n’aurait pas un caractère de merde et qui accepterait son aide au lieu de fuir. Ma poitrine s’est serrée. Il fallait que je sorte.

- Je vais en griller une avant que l’autre soit là.

 J’ai enfilé ma veste pendant qu’Elodie retournait à son bureau. Avant que je ne passe la porte, elle m’a lancé :

- Te prends pas trop la tête quand même, ok ?

- J’essaierai…

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