Del 4.2

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Den som ger sig in i leken, får leken tåla.

- Je ferai de mon mieux pour que tout se passe bien. » promis-je.

- Excellente résolution. » répondit Matthias, apparemment revenu.

 Je sursautai sur ma chaise et tournai brusquement la tête vers la porte. Il était effectivement là, accrochant sa veste au porte-manteau d’une main brutale. Ceci fait, il se dirigea à pas rapides vers son bureau.

- Maintenant que vous avez fini de papoter, là, on va pouvoir parler de choses sérieuses.

- Bien. » soupira Elodie, et elle se tourna à nouveau vers moi. « Pour commencer, nous allons t’expliquer le fonctionnement de l’agence.

- Tu vas lui expliquer. » intervint Matthias en s’avachissant dans son fauteuil.

- J’essayais d’être subtile... Bref. Comme tu le sais sans doute déjà, notre but est de permettre aux esprits restés après la mort de se dissiper. Pour ce faire, il faut déjà comprendre ce qui les retient. Une fois que l’on a trouvé ce qui coince, on essaie de régler le problème. Bien souvent, il ne faut pas chercher très loin, la majorité des esprits sont retenus par des soucis du quotidien.

- Remplir sa fiche d’impôts, par exemple ? » fit remarquer Matthias, alors occupé à triturer un stylo.

- Cette histoire a dû te traumatiser pour que tu la remettes sur la table aussi souvent.

- C’était ultra chiant alors tu parles si ça m’a marqué. Je crois que j’avais jamais dû faire un truc aussi chiant pour le boulot.

- Tu sais, je serais plus que ravie de t’accompagner pour remplir les fiches d’impôts, les déclarations de revenus ou même les rendus de thèse des défunts. Sauf que…

- Ok ! Ok, c’est bon j’ai compris. J’arrête de me plaindre. T’as gagné.

- Si seulement… Je peux reprendre ?

 Je hochai la tête tandis que Matthias retournait à son stylo, l’air boudeur.

- Je disais donc : on comprend ce qui retient l’esprit et on résout le problème. Ça peut paraître simple, mais tu te doutes bien que si notre travail était seulement de discuter avec les esprits et faire trois bricoles après, n’importe qui pourrait faire de la chaïrétique. Les moments où l’on a vraiment besoin de compétences sont ceux où l’on va avoir des difficultés à établir la communication avec l’esprit. Dans ces cas-là, on fait usage de rituels ou même, mais c’est rare, de divination.

- Ah, la divination, je sais faire. » signalai-je.

- Ah tiens ? Ils vous apprennent des choses à l’école de manciologie ? » s’enquit Matthias sans détourner les yeux de son stylo.

- Il faut croire que oui. Mais j’ai surtout progressé en autodidacte.

- Quelle méthode ? » demanda Elodie.

- Tarot de Marseille [1]. J’ai commencé assez jeune.

- C’est une bonne chose, ton expérience dans ce domaine nous sera utile. Avec Matthias, nous arrivons bien à faire des prédictions, mais c’est surtout la spécialité de notre père.

 L’espace d’un instant, j’hésitai à demander où étaient leurs parents puisqu’Elodie et Matthias semblaient travailler seuls à l’agence. Ce n’étaient toutefois pas mes affaires, je me retins donc. Elodie reprit alors.

- Ce sera d’autant plus utile que la partie la plus difficile de notre travail est de trouver les esprits à libérer. Bien entendu, nous sommes régulièrement contactés par des solliciteurs, souvent pour aider un proche. Toutefois, dans la plupart des cas, nous ne sommes pas prévenus, ne serait-ce que parce que les témoins ne connaissent pas notre existence. Chaque agence a sa méthode de prédilection pour repérer les cas non répertoriés : certaines font appel à des devins professionnels, d’autres passent le web au peigne fin à la recherche de rumeurs. Il y a aussi celles qui considèrent que ce ne sont pas leurs affaires si elles ne sont pas contactées…

- Vous êtes plutôt quelle méthode ?

- Faute de devin, nous avons fait appel à une informaticienne pour mettre en place un système d’alerte. Quand une piste d’apparition est observée sur le net, elle nous met au courant.

 Matthias eut un rire grinçant.

- Quoi ? » s’agaça Elodie.

- Une informaticienne…

- Oui, bon ! Une hackeuse. Tu es content, maintenant ?

 Matthias haussa les sourcils mais ne répondit pas

- Désolée, Raphaël. Etant donné que nous sommes à la limite de la légalité sur ce sujet, je préférais que tu ne sois pas au courant de ce détail. Après, Matthias est aussi responsable de toi, et s’il souhaite que tu sois inclus dans la boucle, je ne l’en empêcherai pas. Nous sommes tous des adultes responsables.

 Elodie eut un regard insistant vers son frère mais celui-ci fit semblant de ne pas remarquer.

- Grâce à notre inf… hackeuse, nous avons réussi à repérer des dizaines d’apparitions qui nous auraient autrement échappé. Je pense d’ailleurs que tu auras l’occasion de la rencontrer pendant le stage. Mais revenons à notre sujet…

- Tu vas lui parler de notre indic dans la police ?

- Matthias ?! C’est censé être confidentiel !

- Oh, c’est bon ! Machin est là pour cinq mois, tu penses bien qu’il aurait fini par en entendre parler.

 J’accusai le « machin » ; Elodie ferma les yeux et passa la main sur le visage.

- Très bien… J’entends ta logique. Non pas que je l’approuve, mais je l’entends… C’est ma faute. La prochaine fois, on se concertera avant.

- Je tiens aussi à préciser que Machin a un prénom. » fis-je remarquer.

 Un sourire narquois se dessina sur le visage de Matthias.

- Alors, comment on va t’appeler ? Je suppose que c’est non pour esclave… Stagiaire, peut-être ? Beau-gosse, sinon. J’aime bien, « beau-gosse » …

- Ça, monsieur Vermeil, ce serait du harcèlement. A part ça, Raphaël m’ira très bien.

- Ok, « Raphaël ».

- Bon. » reprit Elodie, désireuse de changer de sujet. « Je crois que nous avons abordé le plus important concernant notre travail de terrain. Nous te présenterons le reste au fur et à mesure afin de ne pas te surcharger en informations. Nous… je vais maintenant te parler de notre travail à l’agence, ce qui constitue la majeure partie de notre emploi du temps. A moins que tu n’aies quelque chose à ajouter, Matthias.

- J’ai.

 A ce moment-là, Matthias se redressa légèrement et joignit les mains. Je remarquai que les ongles de sa main gauche étaient peints d’un vernis anthracite, et il portait de surcroît une chevalière à l’auriculaire droit.

- A présent que Dame Elodie de la maison Vermeil s’est exprimée, c’est mon tour. Est-ce que tu as déjà vu un spectre, stagiaire ?

- Matthias ! » s’exclama Elodie. « On avait dit pas le premier jour !

- Calmos. Juste cette question, je ne lui donnerai pas d’infos là-dessus.

 Elodie hésita quelques instants avant de lui donner son accord. Elle resta malgré tout sur ses gardes.

- Alors ? Déjà vu ou pas ?

- Non. Je n’ai jamais vu un spectre.

- Mais est-ce que tu sais ce que c’est ?

- Je sais ce qu’est un apocryphe [2], si c’est la question.

- Intéressant…

 Il me fixa pendant quelques instants, je ne sais quelle manigance mijotant dans son esprit.

- Est-ce que tu peux me citer trois domaines d’esprits [2] ?

 S’il souhaitait me tester, il ne serait pas déçu.

- Le Millepertuis [3] … Pecok [4] … et la Kraftwerk.

- L’attribut de la cinquième Couronne ?

- Les Pluies [2].

- Le nom de latin de l’herbe de Paracelse ?

- La Stellaria Holostea. [5]

 Matthias poussa un sifflement d’admiration.

- Elodie, je crois qu’on est tombé sur un oiseau rare : il a beau sortir de l’école de coincés, il sait des choses. Il sera peut-être moins inutile que je le pensais.

- Ravie que Raphaël trouve grâce à tes yeux mais la prochaine fois, tu pourras éviter de tourner tes compliments comme des insultes.

- Ecris-moi un post-it et j’y penserai… En tout cas, j’ai rendez-vous jeudi avec une cliente qui a un problème d’esprit. Raphaël, j’ai décidé que tu m’accompagneras.

 Elodie roula les yeux.

- Incroyable coïncidence : c’est ce qui était prévu.

- Peut-être, » répondit Matthias « mais maintenant, je l’accepte dans mon équipe.

 Je ne connaissais pas encore les talents de Matthias en chaïrétique, mais je lui concédais une rare aptitude à être désobligeant en toutes circonstances. Il allait toutefois apprendre que je pouvais moi-même avoir la tête dure.

- Dans ce cas, je suppose que je vais accepter de vous accompagner, monsieur Vermeil.

 Il eut un petit rire satisfait.

- Fais gaffe à comment tu parles, beau gosse.

[1] Le tarot de Marseille est composé de soixante-dix-huit cartes appelées lames. Les premiers jeux de tarot datent du XVème siècle

Le tarot de Marseille comprend vingt-deux atouts, ou Triomphes, ou arcanes majeurs, numérotés de I à XXI. L’un d’entre eux n’est pas numéroté : le Mat ou Fou ou Fol, selon les versions.

Ces atouts sont, dans l’ordre : Le Mat, Le Bateleur, La Papesse, L’Impératrice, L’Empereur, Le Pape, L’Amoureux, Le Chariot, La Justice, L’Ermite, La Roue de la Fortune, La Force, Le Pendu, La Mort (ou arcanne sans nom), La Tempérance, Le Diable, La Maison-Dieu, L’Etoile, La, Lune, Le Soleil, Le Jugement et Le Monde.

Les autres cartes du tarot de Marseille, ou arcanes mineurs, sont divisées en quatre couleurs (ou enseignes) : le denier, l’épée, le bâton et la coupe. Chaque couleur comprend quatre figures : roi, reine, cavalier et valet.

L’utilisation de cartes pour faire de la divination s’appelle la cartomancie. Dans le cas du tarot, certains parlent de tarologie. Cette dénomination ne fait toutefois pas l’unanimité chez les travailleurs de l’au-delà.

[2] Pas d’explications dans ce chapitre (snif).

[3] Plus vulgairement appelé « Monde des Portes ».

[4] Se prononce selon la méthode Bombastienne /pe.sᴐk/ (pé-sok).

[5] La stellaire holostée est une plante herbacée vivace de la famille des Caryophyllacées. On la trouve dans les forêts, lisières et talus au printemps. Ses fleurs sont blanches à cinq pétales. Sa tige, anguleuse aux extrémités renflées, ressemble quelque peu à un os, ce qui lui valut son qualificatif de « holostée », littéralement « entièrement constituée d’os ».

Cette ressemblance entraina une utilisation importante de la stellaire dans la nécromancie, plus particulièrement dans la magie dite des os. Elle est en effet plus simple à obtenir que des squelettes humains et les remplace donc avantageusement.

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