Chapitre 2

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Les murs qui entouraient la ville étaient vraiment impressionnants: d'une bonne vingtaine de mètres de haut pour une largeur d’environ quatre mètres, ils étaient faits de pierres et de briques puis recouverts par une couche de béton pour le rendre parfaitement uniforme. Évidemment, avec l'âge et les intempéries, l'uniformité des remparts se perdait un peu, mais de nombreux travaux y étaient portés pour les garder toujours aussi solides.

Pour accéder au sommet, deux solutions s’offraient à vous. Soit, pour les plus courageux, ou les suicidaires, il y avait les escaliers. Ils étaient mal entretenus, glissants et interminables. Presque personne ne s’y risquait, ils n'étaient même plus entretenus. Soit, il y avait les ascenseurs. Ce fut dans l’un d’eux que Velory monta après avoir composé le code convenant à l’ouverture de l’appareil.

Arrivé en haut, il fut accueilli par des Chaperons Noirs. Il était confié à ces sorciers de nombreuses tâches, comme des parties de chasse. Cependant, ils étaient les seuls à faire les tournantes au sommet des murs. En général, les pouvoirs de ces sorciers étaient offensifs et puissants mais peu précis, ce qui était parfait pour envoyer les premières attaques du haut des remparts.

Ils étaient tous ravis de voir Velory et le félicitèrent pour son titre nouvellement gagné. Le jeune homme ne leur répondit que d’un simple hochement de la tête accompagné d’un sourire tandis qu’il s’avançait le long du chemin creusé au sommet des remparts. Vel dut ainsi saluer une petite dizaine de groupes avant d’apercevoir celui qu’il cherchait.

Allongé sur le muret délimitant le rempart, un homme regardait la forêt tout en balançant une bouteille de vin vide au-dessus du précipice.

  • Driss, tu…

Velory fut coupé dans sa lancée lorsque son pied se posa sur une bouteille. Il se rattrapa de justesse. Lorsque son regard se releva sur le fameux Driss, celui-ci s’était retourné sur le ventre pour pouvoir admirer la scène, hilare.

  • Bah alors Velou ? On ne sait même plus poser un pied devant l’autre, parvint à articuler L’homme entre deux éclats de rire et hoquet alcoolisé.

En plus d’avoir évité une chute et d’entendre ce rire moqueur, Velory devait en plus supporter ce surnom aussi détestable que ridicule. La colère faisait vibrer sa voix.

  • S’il doit y avoir quelqu’un qui ne sait pas marcher ici, c’est toi ! T’as vu tout ce que tu t’es enfilé au lieu de venir à la cérémonie ?
  • Ohhhh mon pauvre petit Velou. Je suis déééésolé ! Je devais terriblement te manquer !

Driss s’assit péniblement après être parvenu à calmer son fou rire. Il portait sa tenue de travail et avait donc sa cape, cette fameuse cape dont il était l’autre seul et unique détenteur dans Bleckingham… Et il l'utilisait comme coussin. Cela expliquait aussi les bip sonores insupportables : chaque Charepon possède un bracelet connecté retranscrivant toutes les données vitales du sorcier en temps réel. Celui de Driss était affolé par son taux d’alcool dans le sang. Pour parvenir à se détendre, Vel s’approcha de son “ami” pour venir mettre son appareil en sourdine.

  • Donc, reprit Driss. Tu as été promu ? Bienvenue chez les fous, mon p’tit !!

Malgré son énervement, Velory ne put retenir un rictus amusé. Il fallait certainement être exceptionnel pour devenir Petit Chaperon Rouge de sorte à ce qu’il n’y en ait qu’un seul par cité, en temps normal. Exceptionnel dans ses capacités magiques, exceptionnel dans ses capacités physique et exceptionnel dans ses capacités mentales.

  • Ahhh, Bleckingham, ma si chère mère, soeur et amante ! Comment oses-tu me trahir en choisissant un nouvel élu ?

Driss s’était levé, toujours avec sa bouteille en main qu’il utilisait désormais comme un micro tout en regardant l’immense ville en contrebas. Malgré son titre de capitale de la nouvelle civilisation, Bleckingham ne possédait aucun gratte-ciel, ces bâtisses s’étaient toutes écroulées… De toute façon, il n’y avait tout simplement plus assez de monde sur terre pour avoir un intérêt à construire des immeubles à plusieurs dizaines d’étages. Mais il y avait tout de même un bâtiment qui se démarquait des autres : la mairie. Cet énorme manoir semblait avoir traversé les âges sans être affecté par les années. Si Vel s’en souciait un instant, il aurait remarqué que c’était cet endroit en particulier que Driss fixait. L’alcoolique avait bien remarqué le désintérêt total de Velory dans ses propos. Le jeune albinos préférait regarder dans le sens opposé, vers la forêt.

  • Deux Petits Charepons Rouges, soupira Driss pour attirer l’attention de son cadet. Ça ne va pas être de trop ?

Surpris par cette réflexion, le regard de Vel se porta sur son collègue. Il fronça les sourcils face à ses propos insensés avant qu’un sourire ne commence à se dessiner sur son visage.

  • Qui sait. Tu te fais vieux. Peut-être que le Chaperon Blanc veut te remplacer. T’es plus qu’une loque de toute façon.
  • Oh ! Tu me blesses, Velou ! Je n’ai que 31 ans ! s’exclama Driss sur un ton exagérément offusqué. Il ne ferait jamais ça, tout le monde m’aime beaucoup trop !

Cette réplique fit évidemment beaucoup rire Velory. Il n’eut cependant pas l’occasion de répliquer.

  • Pas vrai, Velou ? Tu m’adores.

Driss s’était dangereusement rapproché de Velory. Leur visage n’était plus qu’à quelques centimètres d’écart à peine. Le regard vairon de l’alcoolique s’était baissé sur les fines lèvres de Vel. Ce dernier comprit donc immédiatement ses intentions. Cependant, au lieu de s’énerver, il afficha un grand sourire.

  • Bien sûr…

Sans quitter des yeux le visage amaigri et fatigué de Driss, Velory leva une main pour venir la glisser dans l’ouverture du col de son égal et ainsi la poser sur sa peau aussi pâle que la sienne et un peu rêche. Il fit quelques pas et…

Ce petit jeu s’arrêta vite qu’il avait commencé. Le visage faussement chaleureux de Velory reprit sa froideur et son agacement d’origine. D’un coup sec, il tendit son bras pour pousser Driss dans le vide. Cette chute mortelle ne semblait en tout cas inquiéter personne, les Chaperons Noirs, qui avaient assisté à la scène depuis leur poste, ne bougèrent pas le petit doigt.

Son regard empli d’agacement se baissa sur la pique qui venait de se planter dans le muret à côté de lui. En un sens, on pourrait la comparer à une patte d’insecte : dure comme la pierre et étrangement articulée. Mais il ne fallait pas être médecin pour reconnaître là des os complètement disproportionnés et déstructurés, sortant d’un bras tout aussi chaotique. Driss remontait avec peine des quelques mètres qu’il avait chuté avant de se rattraper.

  • Oh, souffla Driss… Velou, que tu es méchant avec moi.

Une fois remonté au sommet du mur, son bras reprit sa forme d’origine. Driss semblait complètement vidé du peu d’énergie qu’il avait jusque là. Il restait étalé de tout son long et finit par se mettre à rire de la situation. Ses cheveux brun gris anciennement attachés en une queue de cheval, déjà mise à rude épreuve par sa beuverie, étaient maintenant totalement en bataille.

Velory le toisait d’un regard méprisant avant d’à nouveau totalement se désintéresser de lui.

Il observait plutôt le bas de la forteresse, les lourdes portes venaient de s’ouvrir pour laisser sortir quelques camions blindés accompagnés de motards. Cette troupe se rendait à l’une des autres villes fortifiées pour un échange de ravitaillement… Après une dizaine de mètres à rouler à découvert, ils disparurent tous dans l’épaisse forêt.

Cet espace sans arbre qui entourait toute la mégapole permettait de plus facilement réagir à une grosse offensive. Bleckingham était vraiment bâtie comme une ville fortifiée du Moyen-Age, postée sur une colline. Pour parer le manque de visibilité qu’offrait la forêt, les Chaperons Noirs pouvaient utiliser d’énormes et puissantes longues vues postées à différents endroits stratégiques sur la muraille.

  • Je me demande bien ce que contiennent ces camions, chantonna Driss après avoir calmer son rire irritant.
  • Ne fais pas l’idiot, tu le sais parfaitement. Ce sont des armes et de la nourriture, tout simplement.

Le sourire que Driss lui rendit suite à sa réponse perturba Velory l’espace d’un instant. A quoi bon discuter avec un mec complètement saoul ?

  • Tu as été voir Mo’sieur le Chaperon Blanc après la cérémonie ?
  • Non, soupira Vel qui était sur le point de partir. Pourquoi ?

Sans prévenir, Driss s’était jeté au cou de Vel pour peser de tout son poids sur les épaules du jeune homme.

  • Lâche-moi !!
  • Nooon je vais t’accompagner à la potence administrative !

Driss se mit à rire tandis que les pensées de Vel s’éclairaient. Il était évident que sa toute nouvelle nomination ne se faisait pas en un claquement de doigt, il devait y avoir une centaine de formalités et documents à remplir. Velory détestait ça, et Driss le savait très bien.

Le jeune homme repoussa le premier Petit Chaperon Rouge pour se dégager de son étreinte et ainsi s’en aller vers les ascenseurs.

  • Attends-moi ! Tu vas trop vite !

Son collègue était trop têtu, essayer de l’empêcher de venir ne serait qu’une perte de temps. Mais il ne comptait pas pour autant s’adapter à son rythme ! Vel s’arrêta malgré tout à hauteur des ascenseurs. En attendant que l’un d’eux arrive à sa hauteur, il observait Driss, de 10 ans son aîné, titubant dangereusement. Le Petit Chaperon Rouge bouscula plusieurs Chaperons Noirs sur le passage.

  • Pathétique, murmura Vel tout en détournant le regard pour ne plus assister à cette décadence.

Pourtant, Driss n’avait pas toujours été comme ça, Velory l’avait même admiré pendant tout un temps.

  • Dépêche-toi, l’alcoolo !! rugit Velory lorsqu’il vit Driss flirter avec l’un des Chaperons Noirs sur lequel il était tombé.

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