Seule

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Les jours passèrent, et même si maman et Georges étaient auprès de moi, cela ne suffisait pas à me consoler. J'éffectuais mes corvées de façon mécanique et j'évitais de repenser à tout ces douloureux souvenirs partagés avec Ludwig. Le problème c'est que toute la ferme était remplie de ces souvenirs, même lorsque je me rendais au village je ne pouvais m'empêcher de laisser mes yeux s'attarder sur la devanture de la photographe.

Puis un jour les choses changèrent, mon frère vint me voir alors que les pies de la vache étaient encore dans ma main.

- Mady?

Je tournais mon visage vers lui et tentais de lui offrir un sourire convainquant ce qui, je le sais, ne le trompa pas le moins du monde.

- Je pense que c'est pour toi.

Il me tendit de son unique main, une enveloppe ornée d'une écriture soignée mais qui, visiblement, ne l'était pas suffisamment pour être celle d'une femme. Mon coeur manqua un battement et je regardais la lettre tendue devant moi sans pour autant la saisir, comme si elle allait me bruler les doigts. Au lieu de ça j'essuyais nerveusement mes mains sur mon tablier.

- Mady, de quoi as tu peur au juste?

Je serrais les lèvres comme pour empêcher les mots de sortir de ma bouche.

- Ne fronce pas les sourcils comme ça et prends cette lettre.

Je secouais la tête, non je ne voulais pas cette lettre. Pourtant je l'ai attendue pendant des jours! Mais maintenant qu'elle était là...

- Je te la pose ici, tu l'ouvriras quand tu te sentiras prête.

Au moment ou il se tourna pour s'éloigner mes lèvres se décellèrent.

- Georges..

Il se retourna et leva un sourcil interrogateur sans piper mot.

- Et si il avait changé d'avis? S'il s'était rendu compte que les choses étaient en fait beaucoup trop compliqué? S'il avait rencontré une allemande et qu'il m'annonce que c'est terminé?

Sur cette dernière phrase ma voix se brise.

- Tu ne le sauras pas avant d'avoir ouvert cette lettre. Ne vaut il pas mieux que tu sois fixée? Préfères tu te rendre malade à attendre alors que la réponse se trouve juste là, devant toi?

Attendant une réponse de ma part, réponse qui ne venait pas, il préféra me laisser seule. Je suis restée là, regardant bêttement l'enveloppe posée sur un seau retourné. Je décidais de lui tourner le dos pour retourner à la traite de ma vache. Mais au bout de quelques minutes la douleur dans ma poitrine devint insupportable et je fus contrainte de me rendre à l'évidence, je devais lire cette lettre, quoi qu'elle puisse contenir.

Ma douce Mady,

Je suis vraiment désolé du temps que j'ai mis à t'écrire. Peu de temps avant mon départ de la ferme j'ai appris qu'Heidi était tombée malade, et ce n'est qu'en rentrant que j'ai constaté la gravité de ses symptomes. Aujourd'hui elle est sur la voie de la guérison, mais son état m'a préoccupé quelques temps, d'ou cette lettre tardive.

Je suppose que la ferme doit te paraitre bien vide sans tout ces allemands grouillants dans la cours. Dommage que le temps ne soit plus aux semailles, ton potagé ne craint plus rien à présent.

Il faut que tu sois très prudente Mady, j'ai appris ce que tu encours si quelqu'un venait à savoir que nous nous aimons. Quoi qu'il en soit je réfléchis à ce que nous pourrions faire pour que nous puissions nous revoir. L'Allemagne n'est pas si loin de la France après tout n'est-ce pas?

J'attends de tes nouvelles que j'espère être bonnes. Je t'envoie cette lettre avec toute mon affection.

L.

Au fond de l'enveloppe je sortie une petite fleur séchée que je posais sur le dos de ma main avant de la replacer religieusement d'ou je l'avais sortie. Je posais la lettre sur mon coeur comme pour la garder précieusement à l'interrieur. J'aurais aimé qu'elle ai son odeur, mais elle ne sentait rien de plus que le papier et l'encre de sa plume. J'aurais aimé ne pas avoir à la plier mais je fus contrainte de la garder dans ma poche pour pouvoir terminer ce que j'avais à faire. Bien que le temps soit maussade et que la pluie commençait à tomber, rien ne pouvait altérer le leger sourire flottant sur mes lèvres.

Lorsque je rentrais et croisais Georges, je n'eut rien besoin de lui dire, il hocha la tête et continua ce qu'il était en train de faire.

Je grimpais les marches deux par deux pour me précipiter dans ma chambre. Je sortie le précieux plis pour le placer à côté de mes autres secrets sous mon lit. Il y avait également dans cette boîte le dessin immonde de propagande que j'avais déssiné. Pourtant je ne voulais pas m'en débarasser. Même si ce dernier me serrait le coeur à chaque fois que je l'entrevoyais, il était également une partie de notre histoire.

Au début de ma lettre je fus gênée de lui écrire sur un papier d'une qualité aussi médiocre. Le courrier qu'il m'avais envoyé était écrit sur un papier satiné qui n'avait vraiment rien à voir avec ce bout de chiffon grisâtre. A défaut d'avoir autre chose sous la main, lui et moi devrons nous en contenter.

Mon bien-aimé Ludwig,

Je suis soulagée pour toi de savoir que ta soeur va mieux et qu'elle sera bientôt remise.

En effet la ferme est calme, mais étrangement ce silence ne me dérange pas vraiment. Ce qui me dérange le plus c'est ton abscence. Me réveiller le matin tout en sachant que cette journée, même ensoleillée, me paraîtra triste et grise est quelque peu pesant. Aimerais-tu que je t'envoie une photo comme celle que l'on avait faite pour Georges?

Oui malheureusement je sais ce qui se passe pour les femmes qui sont tombées amoureuses d'Allemands. Ne t'en fais pas je serais prudente. A part Georges et maman personne n'est au courant et c'est très bien ainsi.

Tu me manques terriblement et j'attends ta prochaine lettre avec impatience. Je sais que je devrais attendre un moment avant de pouvoir te lire, que cette lettre te parvienne et que ta réponse soit acheminée jusqu'a moi. Mais en attendant je relirais ton courrier autant de fois qu'il le faudra pour me donner l'impression que tu es toujours là, à mes côté.

Sois certain de mon amour

Madeleine

Je glissais la feuille dans son écrain de papier avant de la refermer soigneusement et copiais l'adresse de Ludwig. Je descendis le coeur léger.

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