Enée peiné

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Souvent femme pérore et bavasse à sa guise,

Nombreux sont les chercheurs pour en déchiffrer l'âme :

Est-on reine ou déesse, on n'en est pas moins femme,

Le cerveau féminin toujours parle et déguise.

Vénus, étant poussée par la curiosité

Dont Mercure a paré le sexe sans valeur,

Engage Enée son fils à lui conter sur l'heure

Ses exploits. Mais soudain, le héros, dépité,

Rougit comme un enfant et larmoie comme un homme :

Sa minuscule vie est trop longue déjà

Pour être racontée autour d'un vieux jaja.

Et puis il a à faire (c’est qu’il doit fonder Rome,

Ce qui n'est, on le sait, pas l’affaire d'un jour).

Alors, hautainement, il relève le nez

Et dit tout simplement : "Je suis le pieux Enée"

Pour sa présentation. "Mon Enounet d'amour !"

Lui répond la déesse en agitant ses bras,

"Tu es chéri, Enée, de l'ensemble des dieux,

Si j'en crois le présage que j'ai sous les yeux :

Vois-tu ces douze oiseaux à l'œil morne, au vol bas ?

Un vautour effrayant les a fait fuir tantôt :

Mais voilà que, regagnant leur poste, les cygnes

Trouvent l'appaisement. Comme moi, crois ce signe :

De même, Enée, les dieux te rendront tes bateaux.

Tu crois avoir perdu, je le sais, sept navires.

N'aies crainte, Enée, mon fils, ils voguent sur l'eau claire."

Puis Vénus s’évanouit. Ces paroles en l'air

Charment le pieux Enée. Déjà, son cœur chavire.

Mais elle a disparu, elle, sa propre mère,

Elle toujours si loin, elle pourtant si proche,

Et le héros ne peut contenir un reproche.

"Pourquoi te déguiser ?, s’exclame-t-il, amer,

Pourquoi toujours ruser, pourquoi ces faux semblants ?"

Voilà que peu à peu le pieux Enée s’énerve

Comme l’impie Ulysse à l’endroit de Minerve,

Lorsque, se présentant sous les traits d’un enfant,

Et ayant travesti son Ithaque adorée,

L’ingénieuse déesse aux innombrables ruses

Traitait son protégé de misérable buse

En se roulant par terre en son hilarité.

Cette comparaison n'est pas ma fantaisie,

Ni une vérité dictée par l'Evangile,

Mais c'est l'effet, je crois, que recherchait Virgile,

Et qui suis-je, après tout, face à sa poésie ?

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