L'oracle aura lieu

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Le dieu, non sans jeter quelque regard lubrique

Sur le sein volupteux tout frémissant de pleurs,

D'un discours agréable, appaise ses malheurs.

"Vénus, méchante fille, ô charmente bourrique,

Comment peux-tu douter de ce que j'ai promis ?

Enfant, regarde-moi et assèche tes larmes,

Appaise tes tourments et oublie tes allarmes,

Car tu as Jupiter pour père et pour ami.

Tu n'as pas lu, je crois, le début de l'ouvrage :

Tes seins ronds, tes bras blancs, tes yeux purs, ta peau d'ambre

Sont disposés surtout aux travaux de la chambre ;

La lecture, il est vrai, n'est pas ton apanage,

Mais le lecteur sérieux, pour sa part, rassuré,

Sait depuis le début de ce tout premier tome

Qu'Enée dégommera les peuples du Latium.

Or, voici des détails du lecteur ignorés :

Avant que de fonder la nouvelle Ilion,

Enée devra subir de violentes castagnes

(Il sera secondé, par chance, par Ascagne,

Son fils, si jeune encor, déjà fort comme un lion).

Les paresseux Latins devront bien se soumettre,

Et trois siècles durant, c'est la race d'Hector

Qui, forte, règnera sur ce peuple retord,

Puis Romulus prendra des mains de ses ancêtres

Le sceptre encor fumant du meurtre de son frère,

Et du viol de sa mère et d'autres aventures.

Il prendra les Sabins, peu après, en pâture,

Refusera au peuple une réforme agraire,

Edifiera des murs et créera le Sénat

Pour que cent vieux croutons lui montrent le chemin,

Puis donnera son nom au peuple des Romains,

Ce peuple un peu benêt qui croit haïr les rois.

Quelques siècles plus tard leur viendra un César

Qui n'aura pas l'affront de prendre un titre odieux,

Et se contentera d'être appelé un dieu :

Rome alors ardera d'une bûlante gloire.

Les siècles passeront, et le nouveau venu

Qui cherche en Rome Rome antique et victorieuse

Et n'aperçoit que Rome oisive et paresseuse,

Pleurera en sonnets cette Rome déchue.

Rome hideuse et impie, Rome cruelle et vile,

Rome odieuse et souillée, Rome inutile en somme,

Pourtant, combien de sang versera-t-on pour Rome !

Garibaldi, pour elle, enrôlera les Mille,

Les papes pleureront, s'écorcheront au sang

Pour habiter dans Rome, et seront mécontents

De régner sur le grand et puissant Vatican !

Rome, fille de joie, qui trahis tes amants,

Rome, combien encor tortureras-tu d'hommes ?

Quels impôts taxeras aux braves travailleurs

Dont le Sud fénéant ponctionne le labeur ?

Combien de temps, encor, fascineras-tu, Rome ?"

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