La plume et l'épée

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Assise en tailleur sur le tapis touffu, ses poils doux me chatouillant les pieds, je regarde d'un air distrait le feu qui brûle avec indolence dans l'âtre. La nervosité grouille dans mon estomac à la simple idée de lui faire face. Mes yeux perdus dans le vague imaginent en boucle la façon dont elle se comportera une fois devant moi. Le pire étant le fait que ça se finit mal presque à chaque fois, et mon cœur en est serré d'appréhension.

Mais finalement, la porte s'ouvre et je n'ai plus le temps de réfléchir. Ma respiration se coupe et je n'ose pas me retourner pour croiser son regard ardoise. Je l'entend à peine et comme je l'ai imaginé, elle est aussi silencieuse qu'un chat et je sais qu'elle pourrait m'abattre avant même que je ne la vois bondir.


  • Où sommes-nous ?

Évidemment, elle n'allait pas me dire "Qui es-tu ?". À coup sûr, elle a compris d'elle-même le lien qui nous unissait. Néanmoins, même si je m'y attendais, sa voix coupante et assez froide me surprend assez, et j'esquisse un geste pour tourner mon buste dans sa direction. Et alors que mon regard croise le sien, je ne peux empêcher mon cœur de battre à la chamade et une vague de tendresse de m'envahir. Peu importe le fait qu'elle soit dangereuse ou son tempérament, elle reste ma création. Une des plus belles. Et je ne peux que l'aimer. J'ai beau me dire qu'elle n'est que fiction, actuellement, elle est tout aussi réelle que je le suis.


  • Quelque part dans un coin de ma tête, je suppose. Je n'ai pas de réponse précise à te donner sur ce sujet, malheureusement, dis-je en me levant pour m'approcher doucement d'elle.

Un petit sourire s'affiche sur mes lèvres alors que je la détaille des yeux et je ne peux que remarquer le trouble dans son regard gris. Fidèle à mon souhait, elle est plus ouverte depuis qu'elle les a rencontré, et je ne peux que me réjouir de ça. Mais quand je songe aux épreuves que je vais lui faire rencontrer suite à ça une vague de culpabilité me submerge. Je pense qu'elle a compris ce que je représente vis à vis d'elle, car ses yeux portent un air à la fois curieux et doux.


  • Louise... Que ressens-tu, actuellement ?

Je demande ça avec une réelle interrogation. Même si je connais la réponse dans les grandes lignes, les détails lui appartiennent à elle seule, et me sont inconnus. Il faut qu'elle m'aide à trouver une fin, car de toutes les possibilités qui m'effleurent l'esprit, celles où elle meurt - que ce soit par sacrifice ou non, me crèvent le cœur. La jeune femme passe une main dans ses cheveux blonds et fronce les sourcils.


  • Comme si tu ne le savais pas.. Enfin., elle commence sa phrase avec un timbre de voix normal, avant de murmurer au fur et à mesure, Je.. Je ne sais pas. Je me sens perdue. Je ne sais plus quoi faire.

Elle prit lentement sa tête dans ses mains, un air torturé gravé sur le visage. Et à ce moment, et pour la première fois de ma vie, j'avais l'impression que ses émotions étaient miennes. Celles-ci m'emportaient dans un tourbillon qui n'avait de cesse de faire grimper ma culpabilité et mes remords.


  • J'ai l'impression d'être une autre personne.. Le chemin que je prend est il le bon ?

Question délicate.. Si le destin lui était inconnu, il l'était tout autant pour moi. Pour le moment, j'étais réellement dans le flou total sur ce sujet. Toutefois, je me devais de rassurer cette femme qui était si forte qu'elle pouvait supporter n'importe quelle épreuve.


  • Tu dois faire ce que tu crois être juste, et te laisser une chance d'être heureuse. Tu connais la bonne réponse au fond de toi, Lou, soufflais-je en posant une de les mains sur sa joue avec douceur.

Whaou.. Je n'arrivais pas à croire que j'étais en train de dire ça.. Ça sonnait tellement cliché de roman, cette phrase. Digne d'un oracle dans une histoire de destinées. Je levais la tête vers elle pour continuer à la regarder dans les yeux. Du haut de mon petit mètre soixante, elle faisait une bonne tête de plus que moi, et je ne pouvait qu'espérer un jour égaler sa hauteur.

Elle se contenta de hocher la tête avec un vulnérable. "Tu sais donc qui est responsable de la mort de nos parents, puisque c'est toi qui nous a précipité dans cette enfer."


Aie. Brusque revirement de sujet. Et je dois dire sue c'est un sujet que j'aurais voulu à tout prix.. Jouer avec la mort et la vie quand on est créateur, et attendez-vous toujours à des répercussions à un certain moment. Louise avait toutes les raisons du monde de m'en vouloir. Détruire des existences, que ce soit littéralement, ou du point de vue psychologique, était quelque chose dont on devait porter plus tard le fardeau.. Et aujourd'hui je me trouvais face aux conséquences de mes actes.


  • Désolé.. Mes lèvres sont scellées..

  • Tu as orchestré la mort de mes parents, et nous a condamné, Alban et moi à cet vie médiocre et brutale. Ça t'amuse de jouer avec le poids des vies que tu créés, n'est-ce pas ?, cracha t-elle, la colère faisant flambloyer ses yeux.

La souffrance m'assaillit avec la violence d'un coup de poing dans le ventre et je bloquais inconsciemment ma respiration. En quelques secondes, elle se trouvait si proche de moi que l'on se touchait presque, puis reprit la parole.


  • Enfin.. Je ne peux décemment pas tuer ma créatrice.. Et de toute manière, et ce malgré cette existence merdique que tu as osé me donner.. pour les bons côtés, tous ceux que j'ai rencontré, ou tout simplement de m'avoir donné vie, je suppose que je te dois au moins un merci. Je n'échangerais pour rien au monde. Une vie ne vaut vraiment la peine d'être vécue que dans les épreuves qui nous renforcent, et les peines qu'on endure., puis, sans prévenir, elle me prit durement le menton qu'elle releva vers elle, J'ai une seule requête néanmoins. Peu m'importe ce qu'il m'arrivera, je veux que toutes les personnes auxquelles je tiens soient épargnées à la fin, c'est clair ?

J'opinais de la tête, prête à parler encore, mais je n'eus pas le temps de continuer davantage, déjà, ma vue se brouillait, et je pus voir Louise disparaître peu à peu.
J'avais encore tant de questions à lui poser.. Mais visiblement, notre temps était écoulé.. 

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