Chapitre 23 : C'est plus grave que cela en a l'air

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Zoobohz emmena Arch auprès de Selivy, la responsable de l’infirmerie de la guilde. C’était une charmante et très belle Xylor dans la fleur de l’âge. Comme l’indiquait son lieu de travail, elle se trouvait experte en médecine. Sa maîtrise des infusions, des baumes, des potions et divers produits curatifs participaient à sa position de force de guerre essentielle. À l’instar de ses soins, elle semblait douce et envoûtante. Elle demeurait plus réservée que son amie Mélorya, largement connue pour son extravagance.

— Bonjour, messieurs ! Que puis-je pour vous ? demanda Selivy de sa voix suave, sur un ton à la limite de la sensualité.

— C’est toujours un plaisir de te rencontrer, déclara Arch en feignant de la courtiser.

— Pour le coup, il possède de vraies blessures, affirma Zoobohz. Je me suis dit que nulle autre que toi pouvait l’aider.

— Confie-le à mes mains et tu le reverras comme neuf, suggéra-t-elle.

Zoobohz partit sereinement en sachant que Selivy s’occupait d’Arch. Même si ce dernier ne laissait rien transparaître, ses lésions semblaient graves. Les effets de l’alcool allaient finir par totalement s’estomper. C’est pour cette raison que Zoobohz l’abandonna à l’infirmerie. C’était grâce aux breuvages de Mosz qu’Arch ne ressentait pas la douleur. Ceux-ci servaient à inhiber la plupart de ses sens. Il en aurait pour quelques jours seulement avant d’être remis totalement sur pied.

Pendant la convalescence de son bras droit, Zoobohz retourna au domaine de Draggar. Il semblait persuadé que des indices sur place pourraient le mener vers celui qui avait agressé Arch. Maintenant qu’il s’y était déjà rendu, il connaissait la route. Arrivé au lac, il nagea jusqu’à l’arbre central et emprunta l’ascenseur. Une fois descendu au bosquet, il se dirigea vers la demeure fluviale. Il y inspecta longuement l’endroit où il avait trouvé Arch à l’agonie. Il repéra comme une sorte de bijoux dans les herbes. Il le ramassa et l’observa de plus près. Son visage trahissait une impression de déjà-vu. Il s’empressa de remonter à la surface. Il courut à toute allure à travers la flore afin de retourner au siège. Une fois sur place, il alla s’entretenir avec Selivy.

— Chut ! Il vient de s’endormir, chuchota Selivy.

— Je dois te parler, c’est urgent, annonça Zoobohz.

Ils sortirent pour discuter seul à seul.

— As-tu pu examiner entièrement Arch ?

— Oui, j’ai fini un peu avant que tu arrives.

— Qu’as-tu constaté ?

— Le pronostic vital n’est pas engagé, mais il a subi de lourds dégâts. La moitié de ses côtes semble cassée, quelques déchirures musculaires légères et diverses fractures. Il collectionne une grande quantité de plaies.

— Je m’en doutais.

— De ?

— Je pense savoir qui se trouve à l’origine de ses blessures. Je ne connais qu’une personne qui réduit ses victimes en « bouillie » sans les achever.

— Ah oui ? Qui ?

— Alendahl Vladiore, le meneur d’Apex.

La nouvelle bouleversa Selivy. La rumeur selon laquelle Apex en avait après la Liste Noire semblait donc avérée. Le site de la guilde ne paraissait désormais plus sûr pour quiconque. En même temps, il ne restait plus grand monde au siège : Tzoyl, Selivy, Mosz, Arch, Zoobohz et l’escouade de Sadokon. Cela faisait une vingtaine de personnes présente dans la canopée. Zoobohz ne voulait pas mettre ses subordonnés en danger. Une seule solution s’offrait à eux, déménager. Mais où aller ? Cela changerait-il quelque chose ? Alendahl devait certainement se trouver dans les environs. Rien ne l’empêchait de les suivre ce qui enlevait tout intérêt au fait de tout transférer. La meilleure option restait encore de ne pas bouger. Peut-être était-ce là ce qu’il souhaitait, que la Liste Noire agisse en ce sens. Zoobohz ne voulait pas se laisser impressionner et entrer dans le jeu d’Alendahl. En revanche, il redoutait une attaque frontale de sa part. Sa guilde était affaiblie avec le départ de trois de ses escouades. Il ignorait si son rival était accompagné. Même seul, il demeurait capable d’affronter la plupart d’entre eux dans l’état actuel des choses. Soudain, il eut une idée. Il convoqua l’ensemble des personnes encore présentes pour un conseil d’urgence.

— Mes amis, je vous remercie d’être venus. J’ai une mauvaise nouvelle à vous annoncer. J’en ai discuté avec Selivy et j’en ai à présent la certitude, Apex en a après nous, informa Zoobohz.

— Qu’allons-nous faire ? demanda Tzoyl.

— C’est la raison pour laquelle je vous ai rassemblés, nous n’allons pas fuir, non. Au lieu de cela, nous allons organiser la défense dans le domaine de Draggar. Nous disposerons de beaucoup d’espace et surtout, peu d’accès. Je vous invite vivement à prendre toutes vos affaires maintenant. Nous déménagerons dans la soirée.

Chacun s’attela donc au transfert. Arch restait en observation. Son état s’améliorait doucement, mais sa condition ne permettait pas son déplacement. Selivy souhaitait se trouver à ses côtés jusqu’à ce qu’il recouvre sa pleine santé. Zoobohz ne s’y opposa pas, il faisait confiance au fait qu’elle représentait la septième force de guerre de la guilde. Elle avait donc les moyens de tenir face à la très grande majorité des adversaires. L’ensemble des membres présents partit vers le domaine de Draggar en abandonnant Selivy et Arch. La nuit tomba sur la jungle. Zoobohz et les autres se situaient toujours sur la route. Ils avançaient lentement mais sûrement. Selivy redoutait qu’Alendahl se présente pour terminer ce qu’il avait commencé. Néanmoins, d’après les propos qu’avait partagés Zoobohz, celui-ci aimait laisser ses victimes derrière lui à l’agonie. Toutefois, cela n’excluait pas pour autant un possible retour. Elle essayait de mettre à profit tout son savoir-faire et ses compétences pour guérir au plus vite Arch. Elle appartenait à la classe active des animistes. Afin d’accélérer son rétablissement, elle lui insufflait des doses d’énergie vitale combinée à divers onguents. Ce procédé semblait très efficace pour aider la reconstruction des tissus comme ceux des muscles. Mais pour les os et les organes, cela n’était pas suffisant. Parfois, le prix à payer pour sauver une vie s’avérait une autre. À bout de souffle, elle s’évanouit à son chevet. Elle passa le reste de la nuit inanimée. Lorsqu’elle reprit connaissance, le jour était levé.

— Tu m’as fait peur, j’ai cru que tu n’allais jamais te réveiller, confia Arch.

— Tu es déjà debout ! Est-ce que ça va ? demanda-t-elle surprise.

— En pleine forme, et cela, grâce à toi ! la remercia-t-il en la prenant dans ses bras.

— Je n’ai que simplement réalisé mon devoir, rien de plus.

— Sache que je me trouve extrêmement reconnaissant. Où sont passés les autres ?

— Ils doivent se situer au domaine de Draggar à l’heure qu’il est. Il prépare la défense de la guilde. Connais-tu l’identité de ton agresseur ?

— Je ne me souviens de rien.

— Et bien, je t’informe que celui qui t’a attaqué se nomme Alendahl Vladiore, le meneur d’Apex.

— Quoi ? s’exclama-t-il en recrachant sa boisson.

— C’est Zoobohz lui-même qui me l’a appris.

— Et qu’attend-on encore là ?

— Tu as raison, allons rejoindre les autres.

Selivy s’empara de tout le matériel nécessaire à l’établissement d’un dispensaire. Arch ne possédait pas d’affaires, il aida du mieux qu’il pouvait sa camarade.

— Ne t’inquiète pas, je peux effectuer l’aller-retour entre ici et le domaine de Draggar en quelques dizaines de minutes. Nous allons pouvoir tout prendre, déclara Arch.

En effet, grâce à la voie des airs, il pouvait progresser très rapidement au cœur de la jungle. En quatre voyages, il parvint à tout emporter. En moins d’une heure, il avait transféré l’infirmerie dans le sous-sol de la maison fluviale. Il emmena dans ses bras Selivy, car elle ne pouvait pas emprunter cette voie réservée aux shamans. Une fois la guilde réunie, chacun commença à préparer des pièges dans le périmètre entourant la demeure.

— Arch, mon ami, comment te portes-tu ? s’enquit Zoobohz.

— Je vais bien, je ne vais pas laisser si peu m’arrêter, répondit-il d’un ton léger.

— Maintenant que tu es en mesure de te déplacer, tu vas devoir retourner à Zenfei.

— Et en plus, vous avez de la chance, déclara Tzoyl. Je viens de mettre au point une nouvelle version de tatouage. Grâce à de la poudre de rémanence mélangée à de l’encre, nous pouvons désormais communiquer de façon télépathique. J’ai nuancé plusieurs préparations afin de donner une signature unique à chacun d’entre vous. Vous pourrez, par exemple, discuter avec une seule personne en particulier.

— Es-tu certain que la portée s’avère suffisante ? Zenfei ce n’est pas à côté, plaisanta Arch.

— Cela m’a pris plusieurs dizaines d’années de recherche, expliqua Tzoyl, mais je suis parvenu à développer des tatouages intriqués permettant de s’affranchir de la distance et proposer une instantanéité dans la transmission d’informations. La seule contrainte que je n’ai pas réussi à lever reste que le marquage doit se situer sur la nuque et assez profondément pour capter les ondes cérébrales.

— Très intéressant ! Même si je n’ai pas tout saisi, affirma Arch. Enfin, j’ai compris que j’allais déguster au moment où tu allais me l’inscrire. L’as-tu déjà testé ? Ou bien n’est-ce que de la théorie ?

— Zoobohz et moi-même sommes tatoués avec ces nouvelles versions.

— Mais, qui l’a réalisé ? C’est impossible que tu aies pu t’autotatouer à cet endroit-là du corps.

— C’est moi, répondit Zoobohz.

— Je suis épaté. Tatoue-moi et je suis prêt à partir, annonça Arch.

— On va quand même patienter un peu, que tu sois totalement guéri. On ne sait pas ce qui peut t’attendre à l’extérieur, suggéra Zoobohz.

Tzoyl commençait à marquer l’ensemble des membres présents. Arch alla se reposer à l’intérieur. Sadokon continua son tournoi d’évaluation. Il était plutôt satisfait de l’implication de ses protégés. Même si l’enjeu s’avérait inexistant, ils se donnèrent tous au maximum. Ils semblaient prendre du plaisir à prendre part à ce tournoi. Mosz adorait siroter quelques verres en se prélassant devant les combats. Il était accompagné de Selivy qui surveillait les affrontements et se tenait prête à intervenir en cas de besoin. Zoobohz se dirigea vers la demeure. Il souhaitait discuter avec Arch de la suite des évènements.

— Alors champion, comment ça se passe ? interrogea Zoobohz.

— On fait aller, répondit-il.

— Je pensais à une chose, où se trouve Seysus ? Je l’ai cherché lors du déménagement et je ne l’ai pas vu.

— Toi comme moi, nous arrivons trop tard. Il a lui aussi été enlevé.

— As-tu remarqué quelque chose ?

— Son visage ne me paraissait pas familier. Enfin, ça ne va pas beaucoup t’aider, car tu ne parviendras pas à obtenir l’identité du deuxième individu.

— Il y en avait un autre ? s’enquit Zoobohz en devenant nerveux.

— J’ai été assommé par-derrière alors que je voyais le ravisseur emporter Seysus avec lui.

Zoobohz semblait ailleurs, perdu dans des pensées qui n’avaient pas l’air heureuses.

— Hé l’ami, es-tu sûr que ça va ? demanda Arch.

— Oui, oui, ne t’inquiète pas. Si je te montre quelqu’un, tu sauras me dire si c’est lui qui a enlevé Seysus ?

— Vraisemblablement, je crois être en mesure de le reconnaître.

Zoobohz se concentra pendant un long moment comme s’il cherchait quelque chose au plus profond de lui-même.

— Voilà, c’est le souvenir le plus récent que j’ai de lui, déclara Zoobohz.

Il matérialisa dans ses mains un hologramme qui représente une sorte de guerrier sauren.

— Est-ce lui ?

— Je n’en peux pas totalement l’assurer, mais il y a comme une ressemblance.

— Oui, je suis désolé, cette image date de plusieurs dizaines d’années, expliqua-t-il.

— Et qui est-ce ?

— C’est le meneur de la guilde Apex, Alendahl Vladiore.

— C’est donc lui, Selivy m’avait parlé de lui à mon réveil. Comment l’as-tu connu ?

— C’est par sa faute si je suis devenu un hérétique. M’enfin, je ne vais pas t’ennuyer avec mes histoires. Je te remercie d’avoir répondu à mes questions. Repose-toi, de grandes choses t’attendent encore.

Zoobohz quitta la demeure et alla voir Sadokon.

— Nous avons un problème Sad.

— Que se passe-t-il, Chef ?

— En combien de temps penses-tu que tes élèves peuvent atteindre ton niveau ?

— Mon niveau ? Ah ah, des dizaines d’années d’entraînement intensif.

— Eh bien, charge-toi de transformer ces années en mois.

Zoobohz disparut à nouveau. Son comportement surprit Sadokon. Lui qui d’ordinaire possédait un sang-froid sans pareil semblait l’avoir perdu. Quelque chose de vraiment grave devait se tramer. Peu importe, Zoobohz lui avait confié une mission, il allait la remplir ni plus ni moins.

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