Wilhelmina.

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Si Andreï ne devait posséder qu'un seul regret dans sa vie privée, c'aurait été sans doute sa rencontre avec Wilhelmina.

Comme pour la majorité de ses conquêtes, elle était pour lui une sorte de mission. Allemande, une des rares femmes occupant un poste important au ministère de la guerre, en tant qu'opératrice de radio : elle recelait des informations vitales pour l'URSS en ce début de 1937, quand les deux grandes forces ennemies se savaient en train de se préparer pour une guerre éventuelle.
On l'avait donc envoyé avec un faux passeport, une nouvelle apparence et un travail fictif courtiser cette jeune femme toujours célibataire, dans l'espoir de récupérer des codes importants.
« On te donne six mois pour cette mission, Andreï. Pas un jour de plus. »

Six mois ? Cela promettait d'être difficile, mais pas impossible.


Il partit donc après avoir appris par cœur sa nouvelle identité (celle de Linas Kessler, un jeune Autrichien recherchant de l'emploi dans une Allemagne à l'économie "florissante"...) et s'était donné dix jours afin d'apprendre davantage sur la jeune femme.
Andreï avait rapidement remarqué qu'elle était ponctuelle : tous les jours de la semaine, elle était sur le chemin du travail à 7h36 précises. Elle restait au travail pour le déjeuner et rentrait aux alentours de 17h40, mais parfois jusqu'à 18h ou 19h.
Il pouvait donc deviner une femme sérieuse, assidue au travail, soigneuse aussi vu ses horaires dignes d'une horloge suisse.


Il décida donc d'emménager près de chez elle afin de mieux la connaître. Son petit loft étant à peine à quelques mètres de la bibliothèque, l'immeuble étant coincé entre un café et un restaurant, il put voir que Wilhelmina passait le plus clair de son temps libre à emprunter et retourner des livres à la bibliothèque.
Naturellement, il s'y était donc rendu afin de "s'instruire" davantage, et en avait profité pour la regarder de plus près.
Elle était belle, il n'y avait aucun doute. La peau pâle, les cheveux bruns épais et ondulés, les yeux expressifs au vert-gris tirant sur le bleu, un corps plein de courbes et un visage doux mais sérieux, il était étonnant qu'à son âge - vingt-trois ans selon le dossier - elle ne soit pas déjà mariée.


Il eut l'occasion de faire sa connaissance deux jours plus tard.
« — E-Excusez-moi ! Je suis vraiment désolé mademoiselle, je ne vous ai pas blessée au moins ?


La jeune femme sourit et prit bien volontiers la main que lui tendait Linas afin de se relever.
— Ne vous inquiétez pas, j'aurais dû faire plus attention, fit-elle sur un ton aussi poli qu'amical.
Elle avait une voix plutôt grave et douce... aussi charmante que ses yeux. Il se mordit la lèvre.
— Mais tout de même, insista-t-il doucement.
Il se baissa et ramassa en vitesse les affaires éparpillées de l'Allemande, n'y jetant qu'un coup d'oeil discret avant de les lui rendre.
— Pourrais-je quand même vous offrir un déjeuner, afin de réparer ma faute ?
Elle eut un regard surpris, puis amusé.
— Eh bien, pourquoi pas ! Demain à treize heures au café du coin, ça vous va ?
— Absolument, eut-il le temps de répondre avant qu'elle ne s'éloigne avec un vague "au revoir", plus qu'étonné qu'elle ait accepté son offre.

Elle promettait d'être une cible intéressante.
Le lendemain, il se présenta au rendez-vous habillé impeccablement et avec deux minutes de retard. Wilhelmina l'attendait déjà, assise à une table en terrasse et élégante comme une dame de l'ancienne aristocratie avec sa longue robe noire.
— Vous êtes en retard, soupira-t-elle en secouant la tête.
— Je n'arrivais pas à retrouver mes chaussures, répondit-il sur un ton d'excuse, ce qui la fit sourire.
— Je blaguais, ça n'a aucune importance ! Je m'appelle Wilhelmina Fraenkel. Et vous ?
— Linas Kessler, enchanté, mademoiselle Fraenkel.
Elle rit, une étincelle amusée dansant dans son regard.
— Inutile d'être aussi formel, Linas. Vous pouvez tout à fait m'appeler Wilhelmina. »

Et ainsi commença le début de la fin.


Du moins, quand Andreï y repensait, c'était à peu près à ce moment-là que sa vie marqua un tournant.

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