Ecoute ce que j'ai à te dire...

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Me voici bien embêté à t’écrire un courrier que tu ne liras probablement jamais. Pourtant, je ne peux me défiler et me dois de m’exprimer. Mes mots seront simples, parfois durs, car tu es mon compagnon depuis les instants de ma vie les plus obscurs.

Te rends-tu compte du courage qu’il me fallut pour vivre avec toi ? Non, bien sûr que non, toi qui te penses indispensable.

C’est de notre faute. On t’a mis très tôt sur un piédestal. Dès les premiers jours de ma vie, on me fit comprendre que je devais te connaître et devant toi me plier. Et oui ! Tu permettais à ceux qui t’imposaient à moi les joies du paraître, de l’apparat. Mon viol était permanent et chaque fois que je souhaitais me défaire de toi, on me menaçait des pires sévices qui soient. Je ne comprenais pas.

Tu aurais dû être mon ami… mais au lieu de cela, tu devenais mon pire ennemi, ici-bas. Te briser aurait peut-être pu m’aider. J’en ai rêvé, tu sais ! Oh oui, j’en ai rêvé tellement de fois. J’aurais aimé te réduire en cendres, ouvrir ma bouche pour hurler ce que tu m’empêchais de dire. Les regards que je lançais pour que l’on m’entende, pour appeler au secours, n’étaient pas assez puissants contre toi. Il faut dire que dans la maison, on t’aidait bien. Rien ne filtrait, rien ne se disait, rien ne se montrait. Oui, il n’y a pas à dire dans la maisonnée, on te vénérait alors que je te vomissais, te détestais.

On aurait pu penser qu’au vu des années qui passaient, les choses allaient changer, que notre relation finirait par s’adoucir… Cependant, plus la vie avançait, plus je grandissais, plus je te haïssais. Tu ne pouvais t’empêcher de mettre ton nez partout et pour toutes choses, même lorsqu’à l’école, on me harcelait. Ma différence dérangeait et tu me tenais en ta coupe. J’ai subi sans me plaindre, les poings serrés. Les cris des douleurs infligées restaient dans mon gosier. J’avais bien appris cette leçon que tu m’as enseignée depuis tant d’années. Le paraître, ton grand copain, devait être présent devant tous, ne devait pas flancher et tu l’y aidais.

Je me suis toujours demandée si ta valeur était réelle… tu sais, celle que l’on ne cesse de clamer, car te suivre, bien souvent, mène à l’enfer. J’ai grandi entre tes bras maudits, dans ton souffle étouffant et fétide. Je me suis presque habituée… mais, un ami m’a prise un jour sous son aile et m’a montrée comment te contrer, me libérer. Je prenais mille cahiers, mille crayons pour déverser mes douleurs, mes craintes, mes déraisons. Les lettres, les mots s’alignaient sans que je ne puisse m’arrêter, je trouvais comment ne plus te laisser m’emprisonner. Mes poèmes étaient douloureux et beaux à la fois, au point que l’on me demanda si Charles Baudelaire m’avait inspirée. Ironie de la vie, de nom je le connais, mais jamais je ne le lus. C’est toi et toi seul qui me fis écrire ce que je ne devais pas dire.

Les années m’ont marquée et je constate autrement que rien n’a changé sur ton emprise sur les autres… rien… sauf ma vision de toi. Si la plupart t’utilisent pour faire taire les débats en t’imposant avec violence, je me dis que tu peux être mon allié, même si tu ne le veux pas. Les autres peuvent se plaindre, beugler, rager, hurler sur la toile, t’imposer pour se sentir forts et écoutés, je préfère te garder à mes côtés pour agir et les choses changer. Je commence à t’apprivoiser, toi que j’ai tant détesté.

À ceux qui par la parole d’argent ne savent que crier, faire du vent sans rien bouger, je voulais te dire, Silence, que de ton or je me suis habillée pour que l’on ne puisse plus m’empêcher d’écrire ce que l’on voulait tant m’interdire de dénoncer.

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