Incipit

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 Le claquement du cran de sureté sorti brusquement Lyla de son sommeil. Avisant le canon de l'arme si près de son visage, elle laissa échapper un juron. La petite bicoque démolie où elle s'était installée pour la nuit semblait sûre : une seule entrée, une façade grise et délabrée comme toutes les autres de la rue, rien de particulier qui aurait pu attirer qui que ce soit. Le plancher de l'étage était en partie effondré et seule une minuscule fenêtre aux carreaux brisés laissait entrer la lumière.

 Pourtant, un type à l'air menaçant pointait son arme à deux centimètres de sa joue. La lueur de l'aurore permis à Lyla de le détailler un peu. Outre son air renfrogné et de larges épaules, il avait de petits yeux abrités sous des arcades sourcilières proéminentes, des oreilles larges et des cheveux raides qui partaient dans tous les sens. Ses lèvres épaisses se tordaient dans une grimace qui ressemblait beaucoup à du dégoût.

- Bouge pas ! aboya l'homme.
- Compris.

 Derrière lui, une silhouette menue fouillait dans un sac en toile. "Dans mon sac en toile".

- Il n'y a rien là-dedans.
- Tais-toi !
- Vraiment. Il me reste la moitié de ma gourde, une paire de chaussettes et trois pastilles de troclosène.
- Et ça ? s'écria la silhouette dans l'ombre avec triomphe.

 Une petite tablette à l'écran fissuré venait de rouler des plis d'un pull, jusque dans le rectangle de lumière que la fenêtre découpait sur le plancher. Une main crasseuse, protégée par une mitaine fatiguée la ramassa, la secoua, la retourna.

- Alors ? éructa l'homme armé. C'est quoi ?

Un test.

- Un cadre-photo numérique.
- Un quoi ?
- Un gadget à la con qui faisait fureur il y a vingt ans. C'est comme un album photo, mais sur un écran OLED à l'ancienne. Il n'a plus de batterie, mais il y a plein de photo de ma famille dessus. Il y en a même de mes parents dans un parc en train de caresser un âne.

 Les réactions furent mitigées, mais informatives : lui, qui avait finalement collé le canon de son arme sur la pommette de Lyla, l'informa qu'elle parlait beaucoup trop. L'autre, une femme à la voix aigüe et déraillée, s'était mise à sautiller sur place en riant : "Un âne ? Un vrai âne ?!". Elle expliqua à son compagnon - qu'elle appela Ioris - qu'il sagissait d'un genre de cheval en plus petit, avec de grandes oreilles et un cri très particulier qu'elle se fit un devoir d'imiter.

 De cette scène, Lyla conclue plusieurs de choses. Premièrement, ils n'étaient pas foncièrement méchants. A la simple mention de souvenirs sentimentaux, certains lui avaient mis un coup de crosse, d'autre avaient jeté l'objet au loin ou avaient éclaté l'écran d'un coup de rangers. Ensuite, lui était jeune, la vingtaine peut-être. Le plus méfiant et pas franchement porté sur le bavardage. Quant à elle, sachant à quoi ressemblait un âne, elle devait être bien plus vieille. Il s'était passé pas mal de temps depuis la disparition de la faune et le mulet n'était pas forcément l'animal le plus iconique dont on parlait aux enfants. La femme était aussi beaucoup plus joviale. Un peu frénétique même. Au cours de ses explications pleines d'entrain, elle était sortie de la pénombre. Elle approchait les quarante ans, avec de grands yeux noirs équarquillés et des dents de travers qui offraient un sourire profondément sincère. Sa tignasse bouclée d'un noir d'encre était engoncée dans le harnais d'une paire de lunettes de vision nocturne, certainement à filtre thermique à en voir la complexité technologique. Voilà comment ils l'avait dénichée. Hilare, elle criait toujours "Hi-han" mais son compagnon commençait à se cripser.

- Arrête, on a pas le temps pour ça. Qu'est-ce qu'on fait d'elle ?
- Vous pouvez me piquer mes trucs si vous voulez, mais laissez moi la tablette.
- Si on te bute pas, tu vas nous suivre et te venger.
- Ce n'est pas dans mes cordes actuellement. Je n'ai rien mangé depuis hier matin et vous venez d'interrompre la première nuit de sommeil que je m'octroie depuis un moment...
- Tu parles beaucoup pour quelqu'un qui va bientôt mourir comme une merde dans cette baraque moisie !

 Il avait enfoncé le revolver dans la joue de la jeune femme avec un geste rageur. Ignorant la douleur sur son maxillaire, elle articula le plus clairement possible sa dernière carte :

- Parce que j'ai un truc à vous proposer.

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