CO (EUR)

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"L'histoire se joue d'abord comme un drame et se répète comme une comédie."

De Jacques Ellul / La foi au prix du doute

Aélys

L'accolade de May se veut réconfortante, mais elle n'apaise pas le tourbillon de sentiments qui m'oppresse. Je n'ai aucune envie de me confier à un psy ! Une thérapie est loin d'être la solution idéale à mon sens. Pourquoi devrais-je être celle qui se fait soigner, alors que se sont eux les putains d'illuminés de cette famille ? Ils se cachent tellement de choses les uns les autres, qu'ils ont perdu de vue les valeurs familiales inhérentes à des relations pacifiées.

Alors que je m'apprête à refuser cette idée en bloque, May tente quelque peu de me convaincre.

_ Je sais que tu es contre cette suggestion, mais je pense qu'il n'a pas totalement tort ma belle.

Agacée, j'essaye d'intervenir de nouveau, mais ma meilleure amie ne m'en laisse pas le temps.

_ Ecoute Aelys, je sais que cette situation n'est pas des plus simple. Je comprends également tes réticences mais tu dois reconnaître que tu n'es plus en capacité de gérer ces histoires toute seule. Je reconnais que j'étais la première à te dire de foutre le camps d'ici, sauf que tu as déjà pris la fuite une première fois et au lieu d'arranger cette affaire cela ne l'a que davantage complexifiée. En parler devrais je pense t'aider à y faire face ma chérie. Je te promets d'être la pour toi mais je t'en supplie accepte.

Je la regarde dans les yeux et secoue la tête avant de lui répondre.

_ Ce n'est pas toi qui seras là pour moi mais un putain de médecin. Je sais que tu penses que c'est le mieux pour moi au vu de la situation, sauf que je n'en suis pas convaincu, May.

Me prenant la main, May essaye à nouveau de me faire entendre raison.

_ Lys, je ne t'ai jamais laissé tomber et je ne compte pas commencer aujourd'hui. Je te demande de juste d'accorder une chance à cette thérapie. Je demeurerais avec toi le temps qu'il faudra, mais je te supplie de consentir à cet effort. Je sais que tu m'avais clairement dit de ne pas partir en congé ; mais nous savons toutes les deux à quel point je ne suis pas doué pour obéir. Un peu comme toi en somme. Laisse-moi le bénéfice du doute, juste cette fois et entreprends cette thérapie.

Je lis de la détermination dans ses yeux et je sais que rien de ce que je pourrais dire ne lui fera changer d'avis. Ainsi, je résigne et range de son côté pour le moment. Immanquablement, je pense qu'elle va insister jusqu'à ce, je me décide pour ce putain de truc. Après tout, oui, c'est la paix !

_ Ok May, je vais le faire.

Elle sourit soulagée et une larme qu'elle tente d'essuyer prestement roule sur sa joue. Sur cette note, le compagnon de Léo ne tarde pas et me fait part de ses conclusions. Il m'informe également des préconisations qu'il souhaiterait mettre en place, avec ma coopération.

J'accepte tacitement les choses sans pour autant y adhérer pleinement. May le comprend, mais n'ajoute rien de peur que je change d'avis. À considérer son expression, je sais qu'elle s'est grandement inquiétée de la situation. Alors que Mase m'annonce ma sortie, Léo rentre dans la chambre au pas de charge et me prend dans ses bras.

_ Lys, tu es réveillé, merci mon Dieu.

Il ne prend pas la peine de reprendre son souffle et débite toute sorte de questions. Heureuse de le voir et désireuse de le faire taire, je lui dis.

_ Calme-toi, tout va bien désormais. Nous aurons tout le temps de parler.

_ Putain Lys, ne fais plus jamais ça ! C'est clair ?

Je tente un rire discret qui tombe vite à plat quand j'étudie la tête de mon cousin.

_ Je suis très sérieux Lys, plus jamais tu nous fais une grosse crise du genre.

Nous, nous serrons dans les bras, jusqu'à ce que je mette le pied dans le plat.

_ Et toi ? Comment as-tu pu me taire un aussi beau gosse ?

Il s'éloigne de moi, interrogatif et là, je désigne Mase.

_ Quoi ? Comment ?

Je ne le laisse pas terminer.

_ Plus jamais tu ne dissimules un truc pareil Léo. Peu m'importe qui tu aimes, l'amour d'une famille devrait systématiquement être inconditionnel.

Sans un mot, il me reprend dans ses bras et se met à pleurer et ne semble pas vouloir s'arrêter. Mais je m'en fiche, car j'imagine au combien ça a dû être difficile de garder ce secret durant toutes ces années. Dissimuler ce que l'on est pour entrer dans les cases de la société.

Les gens ne se rendent pas compte qu'à partir du moment où ils établissent des conditions pour aimer et accepter quelqu'un ; qu'il ne s'agit là que d'émotions et de sentiments factices.

Beaucoup d'entre eux s'appuient essentiellement sur leur éducation, leur religion, leurs mœurs, leurs us et coutumes afin de contraindre d'autres à accepter leur vérité. Or, je ne me suis jamais figuré les choses de cette manière, car je sais mieux que quiconque à quel point l'amour conditionnel peut blesser. Il brise même le cœur le plus robuste qui soit et ceux qui affirment ne pas ne être touché par ce chagrin sont fréquemment ceux qui pleurent seuls dans le noir.

Je ne veux pas être une source de souffrance. Je refuse de causer davantage de douleur à mon entourage. C'est certainement très ironique quand on considère les circonstances de ma naissance et surtout quand on voit à quelles extrémités cela a conduis nombreux d'entre nous. J'espère juste une plus belle fin que cette haine qui nous anime et semble vouloir nous consumer tous.

J'aurais voulu que quelqu'un m'enseigne le pardon que je puisse pardonner à tous ceux qui m'ont fait du mal.

Alors que Léo continue de pleurer sur mon épaule, des larmes venant de nulle part roulent sur mes joues.

J'entends une porte se refermer sur le départ de quelqu'un, mais ni Léo, ni moi n'y prêtons attention. Ce qui se passe actuellement entre nous est plus appréciable que tout le reste. Dans cette crise de larmes, j'ai le sentiment que nous nous vidons l'un et l'autre d'un poids qui n'a pas cessé de nous affecter.

Je veux apprendre à aimer de la bonne façon.

Je veux ressentir pour construire durablement.

May finit par rejoindre notre duo, laisse échapper avec nous quelques larmes et s'adresse à Léo.

_ Tu dois reconquérir ton homme Léo, car si tu ne chéris pas suffisamment ce mec comme il le mérite, il va te filer entre les doigts et votre famille de merde ne comblera pas ton cœur brisé mon ange. Alors cours !

Mon cousin se détache instantanément de nous et part à la recherche de Mase.

Dans les bras, l'une de l'autre, May et moi le regardons filer avec émotion.

_ C'est si beau l'amour, s'exclame ma meilleure amie.

Je soupire en me disant que moi aussi, je veux ressentir ça un jour. Puis je me souviens que je l'ai auparavant ressenti.

Arnaud.

Les paroles de mon grand-père me reviennent comme un putain de boomerang.

"Surtout, mon ange, ne fait pas comme moi. J'ai perdu l'amour de Cassandre, la mère de ta mère parce que je n'ai pas su discerner la vérité. Arnaud t'aime Aélys, il suffit que tu t'en souviennes."

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