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Aux pieds du Tillinghast Science Center, une lucarne vous regarde, intimidante.

Si pour vous cet œil éveille quelque inquiétude, vous êtes sûr que pour une Marika cette même fenêtre évoque quelque terrier salvateur où se fourrer.

Aussi vous dirigez vous vers le sombre interstice, prêt à vous y plonger.

En vous y insérant, vous avez l'impression de vous glisser de plein gré dans la bouche d'un titan nommé Science. L'image est belle, trouvez-vous en essayant de glisser votre bassin dans le passage. Quand on chasse l'universitaire par la porte, il revient par la fenêtre ! rigolez-vous intérieurement. Mais ce n'est pas drôle. Vous venez de vous rendre compte que vous êtes coincé. Et dans une très mauvaise posture. Le haut de votre corps pend lamentablement en haut du mur du laboratoire de chimie, tandis que votre postérieur et vos jambes sont restés à même le sol, prêt à être piétinés par les marcheurs inattentifs.

Vous devez avoir l'air malin... des deux côtés, songez-vous. C'est alors que l'affolement vous gagne. Savoir votre arrière-train à la merci du monde extérieur vous emplis d'effroi. Vous savez ce qui circule dans les allées qui séparent les bâtiments, vous connaissez leur réputation...

Oui, des chiens ! L'angoisse vous saisit à tel point que vous essayez de frénétiquement vous extirper par l'avant, et tant pis si vous vous vautrez sur quelques paillasses pleines de produits chimiques.

Une voix semble émaner de vos fesses coincées.

— Ah... ça, c'est pas mal ! dit une voix féminine. Pas mal du tout, même !

Vous imaginez les pires choses. Que fera Marika – car c'est elle, oui ! – de votre précieux fondement ? Qu'est-ce que Staline enseigne à ses agents sournois ? Quelles méthodes de tortures tordues ?

— Alors ? Tu es venu pour m'aider ou pour m'attraper ?

Deux réponses fusent immédiatement dans votre tête :

Euh... pour t'aider, bien sûr !

Euh... Pour t'attraper et te livrer telle une criminelle notoire aux fières autorités de notre brillante nation. A bas le régime soviétique et vive l'Amérique !

En pensant à votre entrejambe livré à la bolchévique, cette seconde option disparait d'elle-même, gentiment.

— Euh... Pour vous aider bien sûr ! En attendant... Vous pouvez m'aider ?

— Ok, l'amerloque, j'vais déboutonner ton jeans, ça t'aidera à passer, vous glisse-t-elle depuis votre pantalon. Pour sortir du labo, par contre, il faudra te débrouiller !

Si, en temps normal, le fait qu'une femme puisse vous proposer de déboutonner votre fidèle froc vous enverrait presque instantanément au nirvana – à peine annoncé ! – Cette proposition-ci, loin d'être émoustillante, vous plonge plutôt dans l'horreur. Vous vous imaginez déjà, en caleçon, déambuler dans les couloirs, en proie aux moqueries des laborantins (qui sont d'ailleurs connus pour leurs esprits farceurs). L'angoisse vous reprend, les réminiscences de Billy Kimwell, vous tirant le slip à l'école, également, comme autant de flashs post-traumatiques.

— Nooooooooon, criez-vous comme un forcené, avant de voir la porte du laboratoire s'ouvrir.

Les étudiants rentrent bien sagement, près à défier la chimie moléculaire de leurs expérimentations. Sans vous voir, ils s'installent à leurs paillasses respectives. Rouge comme la lave, vous imaginez mille choses à leur dire, mais que voulez-vous dire dans une situation pareille ?

C'est alors qu'ils vous voient.

C'est aussi alors que Marika parvient à déboutonner votre jeans.

Vous tombez, en short, droit sur une paillasse pleine de substances non-identifiées.

La honte vous électrise. Vous vous carapatez en tentant de masquer vos dessous avec de sortes de torchons, ou des trucs qui y ressemblent, sous les yeux catastrophés des étudiants.

Vous traversez les locaux en plein début d'heure de cours ! Tous les étudiants sont dans les couloirs et vous voient passer, coloré tel l'arc-en-ciel (dieu seul sait ce qu'il y avait dans ces flacons) et en caleçon, en quête d'une sortie !

Billy Kimwell est derrière vous, à nouveau ! Les autres rigolent, à nouveau ! Vous êtes sans pantalon, à nouveau ! Vous êtes en train de hurler au moment ou vous percutez les portes de la faculté et vous vous retrouvez dehors, visible de tous les passants.

Très vite, vous filez sur le côté du bâtiment, fuyant ces regards qui pensent assister à un sombre baptême de bleusaille qu'on aurait repoussé au printemps. Quelques instants après, vous rejoignez enfin Marika. Elle vous tend alors votre jeans, déchiré.

— C'est tout ce que j'ai pu faire, se désole-t-elle, tout en ayant le sourire aux lèvres.

Vous lui reprenez votre pantalon au 99, ensuite vous reprenez votre conversation, mais cette fois de face...

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