La résignation

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Aujourd’hui j’ai buté sur une phrase : “Oh j’ai l’habitude”. Je sais même pas pourquoi j’ai dit ça à l’origine, pour une broutille certainement, quelque chose sans importance. Mais je l’ai dit, et quand je l’ai dit une fois, j’avais envie de le redire encore et encore, avec toutes les intonnations que je pouvais trouver. Ça me rappelle un moment avec Louise, une amie d’études, avec qui on s’était amusées à trouver toutes les intonations possibles pour “Putain”. Il y a le putain impressionné, le putain étonné, le putain énervé qu’on dit un peu plus fort que les autres, et le putain agacé des bouchons aussi, qui est souvent suivi d’une réfléxion profonde du style “comment ça se fait qu’il y a des bouchons ? Si on roule tous à la même vitesse il ne doit pas y avoir de bouchons…”. Il y a les Putains tout court aussi mais ça ça n’a rien à voir. Enfin bref on avait bien rigolé avec Louise dans la salle informatique de l’IUT, à répéter putain mille fois, comme des petite filles qui avaient le droit de le dire parce que personne ne les écoutait.

Eh bien aujourd’hui c’était un peu pareil, sauf que j’étais seule, dans ma cuisine, une clope au bec, et que c’était vachement moins drôle. C’était moins drôle parce que bon… l’habitude c’est pas un concept très fun quand on y réfléchi.

Ça peut être la routine, quelque chose qu’on répète tous les jours, jusqu’à ne plus se rendre compte qu’on le fait ni pourquoi. La routine c’est pas mon truc. Je sais que certains se confortent dans la routine, la voient comme une grosse couette bien chaude que tu retrouves tous les soirs. Je sais pas pour vous, mais je vois ça comme un raccourci vers la vie chiante à mourir moi. J’ai aucune routine, même pas celle du café le matin. J’ai tellement peur de la routine que je ne me réveille jamais à la même heure, je ne mange pas tous les jours à la même heure, je change de trajet pour aller au boulot, je change même de côté sur le canapé alors que je sais bien que je suis mieux à droite, ça en devient ridicule... Les seules routines que j’ai ce sont mes addictions. Hum intéressant ça, vous avez vu comme j’ai rebondi sur mes pates avec un chapitre précédent ? Moi qui pensais que tous ces écrits était totalement décousus, peut-être que je suis en train de faire ma propre psychanalyse et que ça marche ! Hm comme d’habitude je dévie du sujet… Une mauvaise habitudes ça justement ! Revenons au sujet du jour.

J’imagine aussi un médecin à qui on dit “vous devez en avoir marre d’écouter les gens se plaindre ! Et lui de répondre “Oh vous savez, j’ai l’habitude !”. Ça c’est l’habitude neutre, presque une politesse dans le langage, avec un ton très franchouillard, à la limite de la bienveillance. il est mignon celui là, il est toujours suivi d’un petit rire un peu nul. Il est agréable. Il sert à rien, on a rien à y répondre, mais il est sympathique.

J’ai continué comme ça, à répéter cette phrase avec toutes les intonnations que je trouvais, comme quelqu’un qui aurait perdu la tête seule, dans sa cuisine, mais qui est tellement absorbée par son truc qu’elle ne se rend même pas compte du ridicule de la situation. Et puis à un moment il a fallu retourner bosser, parce que bon quand même, je suis pas payée à dire “oh j’ai l’habitude” dans ma cuisine, un mégot entre les doigts.

Cet après-midi je suis passé à autre chose, j’ai bossé quoi, et puis là, quand j’ai commencé à écrire, il y a un quart d’heure vingt minutes, je me suis dit que ce mot résonnait en moi, mais il prenait un tout autre sens. La résignation. Je me sens un peu résignée face aux évenements en ce moment. Alors bien sûr il y a le covid, mais c’est même pas ça. C’est un sentiment général qui s’explique de plein de façons différentes, je me sens impuissante face à mes addictions, face à mon instabilité, mais aussi et surtout face aux rapport que j’ai aux autres. C’est un peu comme si mes habitudes se résumaient aux routines que les autres m’imposent.

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