7 - Le monastère - 2/3

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Une lumière se fit dans ma tête :

— J’ai une idée. Vous avez bien des travaux à faire pour le temple, n’est-ce pas ? Et parfois, vous allez à l’extérieur pour le travail. Vous avez des partenariats avec des exploitations, non ?

— Tu as toujours des idées… en général ce n’est pas bon signe, dit-elle en riant doucement. À quoi dois-je m’attendre ?

Notre amitié reprenait apparemment le dessus.

— Eh bien, si le monastère investissait dans la chèvrerie d’une certaine éleveuse pour avoir des fromages, pas forcément un investissement financier, mais humain ? Vous pourriez envoyer des bras pour l’aider et ça ferait des fromages pour le temple. Tu en profiterais pour te porter volontaire de temps en temps… Comme ça, tu verrais ta mère et tu lui prouverais que tu es une bonne fille.

Son visage s’éclaira :

— Tu es un génie Margaux ! Tu débarques et tous mes problèmes se règlent d’un coup. Si ça marche, je te serai redevable pour la vie.

Elle me fit un gros bisou sur la joue.

— Je suis au courant, pour ma supériorité intellectuelle, lui répondis-je avec un clin d’œil. Tu es mon amie, tu ne me dois rien. J’aimerais simplement que tout redevienne comme avant, quand on était gamines, ça me suffira. Tu me tiens au courant pour ta maman ?

Je tendis la main à plat, elle mit quelques secondes à réaliser ce que j’attendais et elle finit par toper. Je lui demandai ensuite si nous pouvions aller voir Grand-Papa ensemble. Elle acquiesça avec joie et nous nous dirigeâmes lentement vers l’entrée du monastère. Elle demanda à l’accueil son numéro de chambre.

Sur le chemin, je m’enquis.

— Tu connais la sorcière ?

— Sarah ? Oui, je vais chez elle prendre des cours de botanique avec d’autres tous les samedis matin. C’est un puits de science ! Je pense que ses connaissances dépassent de loin tous les professeurs en botanique des grandes universités. Dans les livres, on ne trouve pas la moitié de son savoir.

Intérieurement, je fus très fière de la réputation que pouvait avoir mon amie auprès des gens du monastère.

— Pour quelqu’un de si jeune, c’est incroyable, repris-je.

Elle s’arrêta de marcher pour continuer la conversation.

— Oui, mais je crois qu’il y a quelque chose d’un peu trouble quant à son identité et à son âge. Cependant, je n’arrive pas à cerner quoi. Je suis sûre que la grande prêtresse sait quelque chose.

— J’en suis arrivée à la même conclusion. J’ai rencontré Sarah ce matin pour un remède à donner à mon grand-père.

« Eh bien, elle m’a paru très franche sur tout sauf sur son identité. Elle ne m’a pas menti, je ne crois pas, mais il me semble qu’elle ne m’a pas tout dit.

« J’exagère un peu avec mes doutes, surtout que l’on a convenu ensemble que je la découvrirais petit à petit, que je serais patiente et on était d’accord là-dessus. Mais ça me travaille, alors je me renseigne.

Elle prit un air étonné.

— Comment ça, tu la découvrirais ?

— Eh bien, on est… amies.

— Amies ? En plus de six mois de travail hebdomadaire avec elle, elle ne m’a jamais proposé son amitié. Ni à personne. Elle est sympa, elle blague, mais se montre assez distante et froide, et c’est comme ça avec tout le monde.

— J’aime à croire qu’il y a quelque chose de particulier entre elle et moi.

— Qu’est-ce que tu veux dire ?

— Je me sens attirée par elle et je pense que c’est réciproque, elle m’a envoyé certains signes que je pense pouvoir interpréter…

Elle me regarda d’un air incrédule.

— Toi, tu… tu es attirée par les femmes ? Je ne l’aurais jamais cru.

— Oui, figure-toi que je m’en suis aperçue il n’y a pas si longtemps. Peut-être devais-je me mentir à moi-même, ou peut-être n’étais-je pas prête pour le sentiment amoureux et que je préférais la franche camaraderie et les bêtises aux choses plus profondes. Mais ne t’inquiète pas, je ne vais pas te draguer ! Maintenant que j’ai rencontré Sarah, il n’y a plus qu’elle qui compte.

— Ouf ! fit-elle en riant. Je préfère que tu coures après les sorcières plutôt qu’après les moniales… Et elle, si distante, aurait-elle un cœur ?

— Elle m’a raconté qu’elle a eu une amoureuse, mais elle est morte. Alors, j’imagine qu’elle évite les contacts trop personnels, pour ne pas souffrir.

— Tu es la perle rare alors ! Quand va-t-on au mariage ?

— Ce n’est pas encore fait, on ne sort pas ensemble. En fait, je suis tombée sous son charme… Cet instant passé, nous avons beaucoup parlé et j’ai trouvé quelqu’un de très profond et touchant. Nous avons aussi papoté en travaillant et je crois que je peux dire qu’on s’entend comme deux larrons en foire. Il y a eu aussi des moments très tendres, des regards, et nous nous sommes fait une bise si douce… J’ai ressenti quelque chose d’impalpable entre nous, quelque chose qu’on ne peut dire avec des mots.

— Attention, tu vas devenir sentimentale, Margaux, ou peut-être même poétique, me taquina mon amie.

— On est amies seulement. Elle n’est pas prête pour aller plus loin ! Il faut qu’on apprnne bien à se connaître.

— Eh bien quelle confidence tu me fais ! Je suis touchée par ta confiance. Margaux, je prierai pour votre bonheur à toutes deux.

— Merci. Je crois que j’ai retrouvé mon amie d’antan, Éléonore. Merci beaucoup. Tu la trouves jolie, toi ?

— Je ne m’intéresse pas aux filles, ni aux garçons d’ailleurs, quoique peut-être plus aux mecs quand même. Je suis novice dans un monastère, rappelle-toi ! Je suis dédiée à la Mère… Mais je pense qu’on peut dire qu’elle est très belle.

— Ma question était idiote, tout le monde la trouverait très belle. Tu sais d’autres choses sur elle ?

— Pas tellement, on nous a dit qu’elle n’a pas la même déité que nous. Mais c’est une divinité amie, si j’ai bien compris.

— Autre chose : comment faites-vous, vous ses élèves, avec… tu sais, ses yeux ?

— Elle nous a dit d’éviter son regard et de nous méfier. Au début, je n’ai pas compris pourquoi, mais on ne peut pas s’en empêcher de temps en temps quand on parle à quelqu’un. Comme j’étais prévenue, j’ai fait très attention et je m’en suis tirée sans problème, il y a quand même eu quelques syncopes dans le groupe. Puis petit à petit, je m’y suis habituée. Et toi ?

— Je me suis fait avoir quand elle s’est tournée vers moi, je n’étais pas prévenue. Ensuite, elle m’a expliqué comment faire et je me suis exercée pour ne pas être incommodée.

— Tu me raconteras tout, hein ?

— Peut-être pas tout… dis-je avec un clin d’œil. Mais promis, je te ferai part de la progression des choses. On va voir mon grand-père ?

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