3 - Repas en famille - 3/3

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Un moment passa, le temps que j’assimile ces informations et que Maman en chasse le souvenir.

— J’ai l’impression que Grand-Papa a l’intention de lui jouer un tour, repris-je.

— Comment ça ?

— Je ne peux rien dire pour l’instant et d’ailleurs, je ne connais pas ses intentions exactes, mais fais-lui confiance. Ce n’est pas parce qu’il est couché qu’il a les mains liées. Il a une bonne soldate également.

En disant ces derniers mots, je me désignai du pouce, accompagnant ce geste d’un clin d’œil.
— Je ne sais pas ce que vous complotez tous les deux, mais faites très attention. Je ne veux pas te voir souffrir.

Mes yeux glissèrent vers mon fameux diplôme ès bêtise…

— D’ailleurs une idée vient de germer dans ma petite tête et elle pourrait bien changer la donne. Les Orion, ils ont un fauteuil roulant ?

— Oui, oui, bien sûr, celui du vieux, mais il ne s’en sert pas souvent. Pourquoi ?

— J’ai dans l’idée que Grand-Papa voudrait peut-être assister une dernière fois à l’office au temple de la Mère Universelle. Tu sais qu’il est très pratiquant !

— Tu vas quand même pas l’emmener jusque-là ?

— C’est pas exclu, ne t’inquiète pas, je le couvrirai bien et il sera bien installé. Ça lui fera du bien de pouvoir respirer le grand air.

— Je ne comprends pas où tu veux en venir.

— Tu le sauras bien assez tôt, ajoutai-je avec un clin d’œil. Allonge-toi Maman, tu dois te reposer maintenant. Ça te fera du bien.

Elle obtempéra. Je me levai discrètement pour aller espionner mon père. Parvenue près de la porte entrouverte de la cuisine, je pus l’observer à loisir. Toujours assis sur sa chaise, une bouteille d’eau-de-vie se dressait à côté de son verre sur la table non débarrassée, il la vidait, petit verre par petit verre. Cela ne présageait rien de bon.

Je retournai dans ma chambre et m’assis devant mon ordinateur. Mon grand-père m’avait parlé d’une sorcière, que je devrais rencontrer. Le mot me faisait froid dans le dos, et je souhaitais découvrir qui étaient les sorcières aujourd’hui, s’il en restait. J’ouvris mon navigateur web et lançai une recherche à travers le web.

Je trouvai des images de vieilles femmes au nez crochu décoré d’un ou plusieurs boutons très laids, ou d’autres envoûtantes et à l’air maléfique, l’archétype de la sorcière classique que l’on croise en Allemagne dans les carnavals. Certains textes parlaient des persécutions de la renaissance. J’entendis parler de sabbats, de cérémonies où elles se réunissaient pour danser nues devant des représentations impies et perpétrer des sacrifices d’animaux, ou pire, d’enfants ou encore de jeunes vierges de mon âge.

Dans certains textes qui se voulaient plus rassurants, on lisait que les sorcières étaient de simples femmes bannies de la société, expertes en herboristerie et vivant en vendant des philtres d’amour ou des poisons. D’autres mentionnaient aussi qu’elles s’ingéniaient à défaire les couples en dévoyant les maris ou parfois les femmes les plus fidèles, les entraînant dans une débauche impie.

Comment départager le vrai et le faux ? Où mettre le curseur ? J’avais espéré être rassurée en recherchant de la documentation sur le sujet. J’éteignis l’appareil sans savoir plus de réponses qu’avant le début de la consultation. Pourtant, je savais dans mon for intérieur que mon grand-père ne pourrait pas se lier d’amitié avec une vile créature ! Quelque chose m’échappait certainement.

Après avoir vérifié le bon sommeil de ma mère et que mon père n’écoutait pas à la porte, je téléphonai à Maître Duchêne pour transmettre le message de mon grand-père ainsi que le plan que j’avais fomenté. Heureusement, il me répondit.

Un peu après avoir raccroché, j’entendis un bruit aussi assourdissant que bref venant de l’étage inférieur. Je descendis discrètement pour constater les dégâts et vis mon père étalé de tout son long au milieu de la pièce dans un état lamentable. Je ne pus retenir un petit rire jubilatoire : il l’avait bien mérité, non ?

D’après les ronflements qui s’en échappaient et vu sa position, il ne tomberait pas plus bas. Il passerait une nuit abominable et le lendemain, il serait tout courbaturé. Cela lui apprendrait à nous traiter comme il l’avait fait. Je décidai donc de le laisser sur le carrelage dur et froid.

Je regagnais ma chambre quand, tout à coup, un pur éclair de génie me fit revenir en arrière. Il fallait que je trouve une très mauvaise blague à lui préparer. Je n’avais jamais exercé mon art à son encontre, ce serait donc une surprise.

Mon forfait effectué, je remontai dans ma chambre et y trouvai ma mère endormie en travers du lit. La pauvre devait être épuisée. Je dus la réveiller un instant afin de me ménager une petite place, puis me lovai contre elle. Je me mis à réfléchir à mon emploi du temps du lendemain, ce qui m’empêcha de trouver un sommeil rapide.

Je décidai de ne pas me rendre pas à l’école : si on voulait me faire cesser mes études, il ne servait à rien d’y retourner, d’autant que des affaires bien plus importantes m’attendaient. À la place, j’irais voir cette fameuse sorcière. Plus tôt mon grand-père bénéficierait d’un remède, mieux ce serait… en espérant que ladite sorcière ne me cuisinerait pas ! Enfin je devrais effectuer, cette visite au temple.

J’oubliais quelque chose de primordial ! Aller emprunter le fauteuil roulant des voisins. Je devais le faire tôt le matin, peut-être même avant le réveil de mon père. Vu la quantité d’alcool qu’il avait ingurgitée, il émergerait certainement tardivement.

Ma nuit fut encombrée de visions de vieilles femmes grimaçantes, armées de longs poignards de sacrifice aux runes élaborées et dégoulinants d’un sang noirâtre. Assoiffées de sang frais, elles me poursuivaient au milieu d’instruments de torture dont les formes biscornues auraient fait pâlir le plus expérimenté des bourreaux.

« Elle te demandera certainement un service en échange du remède. » Cette phrase de mon grand-père me hanta toute la nuit.

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