Passe passe

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J’arrivais en gare de Londres par le train de nuit, mon arrivée se fit dans une brume manufacturée par la Tamise. Une douzaine de voyageurs, un agent de quai et un bruit assourdissant de vapeur hurlante venaient intégrer le tableau de cette gare glauque.

J’avançais lentement prenant soin de relever légèrement le bas de ma robe, le quai trempé et verni d’une fine boue semblait assoiffé de ma dentelle.

Le premier banc me permis de poser ma valise, mon sac à main et la boîte.

J’en profitais pour me refaire une beauté, les quelques gestes d’application de mon rouge à lèvres me permirent à l’aide de mon précieux miroir bordé de nacre de jeter un œil périphérique sur la faune locale.

Tard, il était tard, trop tard pour une demoiselle munie de beaux bagages ; et si l’on en croit ma douce maman, j’étais belle comme le jour. Ce qui risquait de me causer pas mal d’ennuis, et surtout d’attirer de détestables papillons de nuit quand on est solaire comme moi !

Mais je n’avais point terminé mes radieuses pensées que deux de ces papillons s’approchèrent, un acolyte resta en arrière, lui par contre tenait plus de la chauve-souris, pas mieux classé dans mon répertoire des choses qui m’horripilent

Le plus grand m’accosta avec un accent aiguisé, son apparat et son timbre de voix me résumaient toute la splendeur des bas-fonds de l’époque victorienne.

Etant d’humeur joueuse, je lui imposais les règles de mon jeu : « la phrase secrète ? » lui-demandais-je.

Après son : « Donne-moi ton sac ma douce et fais pas d’histoire ! » Il montra un visage mêlé d’étonnement et de questionnement tout en jetant un œil à son collègue qui semblait encore moins être une lumière que lui. Puis bombant le torse pour paraître plus menaçant s’approcha un peu plus de moi.

Son allure ne me dérangea pas, contrairement à son odeur et sa dentition à frustrer un squale.
Je continuais à lui tenir tête et tout en esquissant un petit sourire, je faisais délicatement sortir de la manche ma dague au manche de nacre, oui comme mon miroir, j’aime être assortie.

Une quasi détonation envahie soudain la gare, mon agresseur tourne la tête vers la source du bruit et constate un mécano qui manœuvre les vannes de la locomotive. Rien de dangereux, mais en revenant à ses sombres activités, mon agresseur fait la grimace sous l’effet du métal froid venant fleureter avec sa jugulaire.

« Alors ? » insistais-je, « La phrase secrète ? »

« Je crains qu’il ne la connaisse point ! » déclara un individu qui avait échappé à ma perception périphérique.

L’individu colla son Colt London sur la tempe de mon agresseur en lui intimant l’ordre de déguerpir ; ce que fit ce dernier avec ses collègues papillons de nuit et chauve-souris.

L’individu rangea son arme, je gardais ma dague en main par précaution.

« Avez-vous fait bon voyage Mademoiselle Z ?

-Long, ennuyeux, fatigant et inconfortable.

-Vous savez nager Mademoiselle Z ? »

Avant qu’il n’aille trop vite en besogne et ne me propose de prendre un bain avec lui, je souhaitais confirmer son identité.

« N’auriez-vous pas une chose plus importante à me dire avant que nous parlions bain, maillot et plage ? »

Il esquissa un sourire en coin et d’un ton plus sérieux me dit : « Extrait de lune, l’argent oxyde le sang de la bête. »

Il venait de s’authentifier par la phrase secrète. Je prends la boite que j’avais posée sur le banc, je l’ouvre et tout en regardant l’individu : « Ceci est le réceptacle, à vous d’y déposer le vecteur. »

L’individu se retourna, fit signe vers un endroit obscur de la gare, aussitôt un homme à la taille gigantesque fit irruption sur le quai, marchant vers nous muni d’une mallette à la main droite, celle-ci accrochée par une puissante chaine à son poignet.

Le géant arrivé devant moi posa la mallette sur sa main gauche en guise de support, l’ouvrit et me montra l’intérieur. Sur un fond de velours noir, reposait un tube de verre, dans ce tube un fil à coudre en or.

L’individu me pria de récupérer le tube et de le mettre dans la boite. Une fois la boite refermée et remise dans mon sac à main, l’individu me questionna de nouveau.

« Alors mademoiselle Z, savez-vous nager ? »

« Pas en dessous d’une eau à 17° » lui rétorquais-je.

L’individu et le géant sourirent à l’unisson.
Le géant s’approcha de moi pour me glisser quelques mots discrètement : « Vous reprenez le train pour Plymouth, puis de là vous prendrez un sous-marin pour New-York. »

« Soyez vigilante jusqu’à Plymouth, ensuite une fois dans le sous-marin vous serez en sécurité avec l’alliance. Vous apportez la bonne nouvelle, vous apportez le vecteur au nouveau monde. »

Ils partirent aussi rapidement qu’ils étaient arrivés.

Je me dirigeais vers un autre quai pour un train en direction de Plymouth, le froid devenait plus mordant à cette heure-ci, vapeurs et voyageurs fantomatiques arpentaient la gare.

Dans un monde en rage, entre ombres et lumières, je m’en allais vers les Amériques avec ma dentelle et mon fil à coudre en or.

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