Cohabitation forcée

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Bientôt deux ans que je vis dans cette cohabitation. Croyez-moi bien, j'aurais préféré vivre seul, surtout à mon âge. A ce stade, on ne peut même plus parler d'automne, j'en suis plutôt à l'hiver de mes jours. Et pourtant, me voilà obligé de partager mon espace de vie avec eux. Elle, si prétentieuse, si dédaigneuse et lui, si jeune et avide de tout connaitre, de tout tester. On ne s'est pas vraiment choisis, c'est arrivé comme ça. Les aléas de la vie, comme on dit. Mais je ne me plains pas, j'ai déjà vécu bien pire. Les squats où nous étions beaucoup trop nombreux ou encore l'enfermement pour un crime que je n'avais pas commis. Ici, au moins, nous avons chacun notre espace de vie et nous évitons de trop encombrer celui des autres. La vie était assez paisible, je m'en rends compte maintenant. Enfin, ça c'était avant l'arrivée du troisième.

A peine sorti de la puberté, le petit ! Quand je l'ai vu, il m'a fait tellement mal au coeur. Faut dire qu'il était mal en point. Il était salement amoché par la maladie et les bagarres. Y a pas à dire, la vie dans les rues c'est pas pour tout le monde. Haaa la jeunesse... Ils se rétablissent tellement vite avec un toit au dessus de la tête et un estomac plein. Maintenant, il semble si heureux de vivre. Il n'évoque jamais sa vie d'avant, comment il a fait pour atterir dans la rue comme ça. Je ne le questionne pas. Il a son propre vécu, comme nous tous. Je crois qu'au final, il nous a adopté et qu'il n'a pas l'intention de repartir. C'est pas grave,on peux vivre à trois dans 150 mètres carrés.

Moi, ça me va d'avoir de la vie autour. Ça me change un peu et puis, il ne me fait rien. C'est vrai qu'il passe parfois près de moi comme un cinglé en oubliant que je n'ai plus l'âge pour ces folies. Non, le plus dur c'est avec elle. Il faut encore qu'ils s'apprivoisent. Pour le moment, ils se cherchent, se tournent autour. Je me rappelle mon arrivée, il y a deux ans. Elle avait fait exactement pareil avec moi : me regarder de haut, me défendre d'approcher trop près de sa petite personne. Malgré notre différence d'âge, j'ai cru à un moment que j'avais mes chances avec elle. Elle se rapprochait à des moments incongrus, semblait rechercher ma présence. J'ai fini par comprendre qu'elle était comme ça : elle aime se faire désirer mais ne veux surtout pas qu'on la touche ! Elle semble parfois oublier qu'elle est comme nous : on mange, on se lave, on dors tous de la même manière. Je pense quand même que l'arrivée du gamin va lui faire du bien à cette pimbêche. Au moins, elle ne restera pas toute seule quand je serai parti.

Je sens bien que mes siestes sont de plus en plus longue, que j'ai dû mal à monter trois marches ou qu'il n'est plus question de grimper dans un arbre. Je me rends compte que la fin approche doucement. Mais je préfère la voir arriver en étant ici, assis sur les genoux des géants qui vivent avec nous, plutôt que dans la rue. Il me reste encore quelques vies au compteur. J'espère qu'elles me mèneront encore une fois chez des bipèdes bienveillant et avec qui nous formeront à nouveau une famille.

Fin

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