Amour millésimé

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  On avait peur de vieillir, l’une contre l’autre ; on avait peur d’arrêter de s’aimer et de se rejeter la faute.

  Mais je ne regrette pas que nous soyons vieilles. Elle n’a jamais été aussi belle à mes yeux. Parce que là, sous sa peau froissée je vois toutes ces fois où on a fait l’amour, où j’ai embrassé chaque parcelle de son corps, où j'ai cherché à débusquer une senteur nouvelle. Je le connais par coeur, j’en ai appris tous les recoins, le moindre grain de beauté, la moindre tache de rousseur. Je l’ai senti évoluer sous mes doigts, perdre ses rondeurs ou les reprendre, puis se flétrir comme une fleur. Et tout comme les fleurs, elle est toujours sublime, même fanée.

  J’adule chacune de ses rides, que j’ai eu la chance de voir apparaître au fil des ans, et qui me rappellent que cette vie a été la nôtre. Toutes détiennent leur propre beauté, leur propre histoire. Elles sont l'écho de nos éclats de rire autant que de nos disputes. Ces pattes d’oies qui ornent son visage sont creusées de tous les sourires qu'elle m’a offerts.

  Vous savez ce qui n’a pas pris une ride ? Sa tendresse quand elle glisse sa main dans mon cou, le frisson qui me parcourt quand elle me caresse, la chaleur de ses baisers contre mes lèvres. Et son goût pour les fraises Tagada dans le lit, même après s’être brossé les dents. Son regard, quand elle désapprouve, a toujours les mêmes reflets. Elle ne dit plus « putain » à tout bout de champ, en contrepartie, sa voix s’est chargée d’une profondeur qui rend justice à celle de son cœur.

  J'admire parfois cette photo, sur laquelle nous sommes côtes à côtes dans le parc du Péru, nous avons vingt ans. Nous sommes belles, nous sommes jeunes, pleines de vie, pleines de rêves. Pourtant quand je nous observe, ce ne sont que deux verres à moitié vides que je vois. Nos corps étaient encore trop lisses, nos échanges trop fleuris, nos voix trop fluettes. La vie trop simple pour être réalité. L’amour trop viscéral pour être véritable.

  Chaque jour près d'elle m’a appris ce qu’était l’amour, celui qui respecte les silences, qui chérit les imperfections, qui s’étoffe à mesure que le temps s'écoule. Qui ne cherche pas à resister aux tempêtes mais qui les accueille comme un don du ciel. Aujourd’hui, je me sens entière, accomplie. Grâce à elle. Je l'aime davantage à chaque défaut avoué, à chaque geste échangé. Je l'aime davantage à chaque baiser. Je l’aime au fur et à mesure que je la connais, toujours plus et infiniment.

  Il se fait tard dans nos vies, et je ne l’ai jamais autant aimée qu’aujourd’hui.

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