Dear enemy 

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Salut, toi ! Déjà de retour ? Tu viens souvent, ces temps-ci... Tu restes avec moi, fantôme silencieux, écoutant mes arguments. Mes arguments à la vie. Tu es patiente. Tu es sage. Tu attends sans faillir, une faille dans le flot de paroles qui sort incessamment de mon cerveau.

Tu sais y faire, hein ? Tu nous connais, nous, pauvres petites choses fragiles. Tu sais que certains se laissent faire, apaisés. Que d'autres paniquent mais que tu les maîtrisessans grand mal. Et puis il y a ceux qui, comme moi, résistent. Ils se battent à leur manière tout en sachant que cela ne sert qu'à repousser l'inévitable. Ceux-là, tu les adores, mmm ? Tu adores les pousser à bout, tu adores les voir craquer. Tu t'y prends différemment selon les cas.

Pour moi, au début, tu n'étais là que de temps en temps -à peine une fois par semaine, les fois où j'étais seule. Mais tu as doucement augmenté la dose et maintenant, cinq mois après ton apparition, tu me suis partout.

Je suis actuellement en cours de maths et tu es là, ombre flottant autour de moi, épée de Damoclès en perpétuelle station au-dessus de ma tête.

Je me lève. Tu me suis.

Je vais au tableau. Tu me suis.

Je prends la craie. Ta main glacée prend la mienne.

Mon bras se lève. Il entraine avec lui le tien.

Mes doigts tremblent. Ton emprise se ressère.

Je ne peux plus écrire. Tu gagnes.

Non. Le Noir ne m'emportera pas. La Vie ne m'a pas encore finie, j'ai bien trop de choses à vivre encore.

Je ne tomberai pas. Je tombe.

Tu tiens la corde de ma vie dans tes mains, la rongeant peu à peu, semblable aux Parques. Tu es sur le point de la casser, j'ai besoin d'aide. Des mains se posent sur ma poitrine, ta némésis m'apporte ce que j'ai demandé.

Mon souffle reprend, tu reflue. Mes yeux se rouvrent, te narguent. Je peux enfin penser.

Dis-moi, pourquoi es-tu si cruelle ? Je n'ai que quatorze ans... Dis-moi, quelle est ta logique ? Des vieux de cent ans ne demandent que toi, et toi tu t'acharnes sur une jeune fille à peine entrée dans l'adolescence.

Je ne veux pas te suivre. Pas maintenant du moins.

                                                                          ***

Tiens, te revoilà. Oh merde. C'est pas possible. S'il-te-plaît. Tu... Je... Regarde, tu me fais perdre mes mots si prompts à venir habituellement ! Cela ne te suffit-il point ? Oh. Ta patience a des limites. Tu es revenue en force. Mais... Euh... Et le scandale ? T'es sûre de t'en ficher ? On va parler de toi dans les journaux. "La Mort embarque une enfant de quatorze ans en pleine cour de récréation." Sûre et certaine ? Bon. Très bien. Comme tu voudras.

Bonjour.

                                  ***

"Aujourd'ui, nous disons au revoir à une jeune fille emportée par la leucémie. Léa était une adolescente pleine de vie, mais également calme...

Adieu."

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