85. Sherlock et la Diva mettent les choses à plat

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Rafaela

Je jette un œil derrière le policier en me penchant sur le côté et constate qu’Angel est en train de discuter avec l’ambulancière qui m’a examinée il y a déjà une bonne demi-heure. J’ai l’impression que nous risquons de voir le soleil se lever sur le lac, à ce rythme-là. Les flics ont commencé par interroger mon assistant, ou mon ex, plutôt, puis Ben pendant que j’étais enfermée dans l’ambulance, et les deux policiers qui sont devant moi m’interrogent depuis un bon petit moment. Nous sommes à plus de deux heures de L.A et nous devrons aller au poste demain pour déposer plainte, alors Ben, qui est le plus en état de nous trois, s’occupe de nous trouver une chambre d’hôtel, même si entre nous, je doute que nous ayons le temps d’y aller dormir. Lui, au moins. Angel et moi devons faire un passage par l’hôpital, même si ni lui, ni moi, n’en avons réellement envie.

Pour ma part, tout ce que je veux, c’est prendre une longue douche bien chaude pour me nettoyer de cette journée. Je veux brûler ces fringues qu’il a touchées et boire jusqu’à m’endormir. C’est beau de rêver… Le programme me semble bien différent. L’ambiance est particulière alors que nous sommes entourés d’arbres illuminés par les gyrophares des voitures et de l’ambulance, tandis que la lumière qui perce de la cabane qui hantera assurément mes nuits semble bien faible à présent.

— Oui, c’est ça, soupiré-je en resserrant la couverture sur mes épaules. Nous vous ferons parvenir les courriers qui viennent de lui, apparemment. Il préparait son coup depuis un moment. Est-ce que je peux y aller, maintenant ?

— Oui, on se voit demain au poste, Madame. Je vous laisse retourner voir les médecins. Ça va aller ?

J’acquiesce en me levant et franchis les quelques mètres qui me séparent d’Angel, assis au bord du camion.

— C’est bon, pas de risque de perdre un bras ? demandé-je en m’installant à côté de lui.

— Non, ça fait mal, mais la lame n’est pas vraiment rentrée. Les couteaux des cabines ne sont pas tout neufs, une chance. Et toi ? Pas trop secouée ?

Je hausse les épaules et pose ma tête contre la sienne en soupirant. Est-ce que je suis secouée ? Un peu, mais j’imagine que ça pourrait être pire, et que ça l’aurait été si Franck était arrivé à ses fins. Bien sûr, cette expérience m’a chamboulée, mais j’imagine que ça ira mieux dans quelques jours, et tant que personne ne semblera décidé à m’enlever à nouveau.

— Tu as vraiment besoin d’aller à l’hôpital ? Parce que si tu peux t’en passer, on signe une décharge et on se barre.

— On se barre, alors. Pas envie d’être ruiné parce qu’ils n’acceptent pas ma couverture sociale ici. Et pas besoin d’hôpital pour me mettre un pansement.

Je lance un regard à la médecin qui nous entend depuis tout à l’heure et la vois lever les yeux au ciel avant de gagner l’avant de son camion. Ben nous rejoint en nous voyant seuls et j’ai envie de lui sauter dans les bras pour le remercier d’être venu.

— Tu nous as trouvé un hôtel ? lui demandé-je en me levant après une courte hésitation pour me lover contre lui. Merci pour tout…

— Ouais, j’ai pris un truc à côté. Pas forcément le grand luxe, mais ça devrait aller pour la nuit. Tu n’as pas à me remercier, tu sais, c’est Angel qui a tout fait, il tenait vraiment à te retrouver. Mais bon, si tu veux me reprendre à ton service pour me remercier, je ne dirais pas non.

— Tu étais en congés forcés, le temps que je digère… et la digestion est faite, tu peux revenir. Mais ne me refais plus jamais un coup pareil. Allez, fuyons ce lac que j’aurais pu apprécier mais que je ne reverrai jamais, soupiré-je en récupérant les papiers que la doc me tend pour les signer. Merci pour votre prévenance, vous avez été… très rassurante et bienveillante.

Elle me sourit et donne à Angel sa décharge à signer, avant de rentrer à l’arrière du camion après lui avoir demandé gentiment s’il avait besoin de quelque chose. Gentiment ? Ou en minaudant ? Mon cerveaux est à moitié grillé à cette heure, mais la jalousie, elle, ne s’endort jamais. Même si elle est clairement injustifiée puisque nous ne sommes plus ensemble.

Nous montons tous les trois dans la voiture et je m’étale sur le siège arrière avant de me redresser pour m’asseoir en me rappelant que j’étais à peu près dans la même posture il y a moins de vingt-quatre heures. J’espère rapidement oublier cette mésaventure, parce qu’il est hors de question qu’il me pourrisse davantage la vie. Le trajet se fait dans un calme relatif, et je demande à Ben de s’arrêter dans une épicerie ouverte toute la nuit pour nous acheter quelques trucs. Bon, la liste est longue, en fait, mais je n’ai absolument pas envie d’être reconnue et embêtée maintenant, et Angel s’est assoupi sur le siège passager, m’empêchant de réellement le remercier d’être venu à ma rescousse.

Le motel n’est pas un cinq étoiles, mais je m’en fiche totalement. Nous convenons de nous doucher dans nos chambres respectives avant de nous retrouver dans la mienne pour manger un morceau. Ou boire. Ou un peu les deux… Comme si trinquer pourrait nous permettre de faire comme si Angel n’avait pas failli y passer si Franck l’avait poignardé, comme si je n’aurais pas pu finir violée et tuée, comme si Ben n’avait pas fait preuve d’une certaine violence qui a dû lui rappeler l’armée…

Je laisse le pass de ma chambre à Angel, sachant pertinemment que je vais passer un long moment sous le jet d’eau, et vais m’enfermer dans la salle de bain avec le sac de vêtements que Ben a achetés il y a quelques minutes. Je souris en voyant qu’il y a glissé une bouteille de Téquila en le préparant, d’une marque dégueulasse mais qui fera l’affaire, clairement. J’ai une sale tête, et le miroir me l’apprend avec brutalité. Entre la bosse sur ma tempe qui date de ce matin et m’a donnée mal au crâne, ma joue marquée par la claque que Franck m’a assénée, et sans compter les marques sur mes poignets… Autant de preuves que tout ceci n’était pas un mauvais rêve mais bien la réalité. Encore une fois, j’ai l’impression que ma vie est devenue un film… dans lequel j’ai joué mon propre rôle, amélioré par un autre jeu. Magnifique.

Je ne sais pas combien de temps je reste sous l’eau, mais les garçons sont déjà installés sur mon lit lorsque je sors, vêtue d’un jogging trop grand pour moi, bouteille de Tequila entamée à la main. Le repas est déposé sur le matelas et ils piquent à tour de rôle dans un paquet de chips. Outre le plaisir de les avoir vus débarquer, je suis heureuse d’être de nouveau en leur compagnie. C’est comme si toute ma colère avait fondu, ou s’était redirigée vers le fan fou.

— Vous m’avez laissé quelque chose à manger, quand même ? leur demandé-je en m’asseyant en tailleur au pied du lit.

— Tu as faim ? C’est que ça va mieux, remarque Angel qui sourit un peu plus.

— Disons qu’il faut que j’éponge avant d’être totalement ivre, ris-je en lui tendant la bouteille. Tu en veux ?

— Non, avec les anti-douleurs qu’on m’a donnés, je suis déjà assez shooté comme ça. Ben va en prendre, sûrement.

— Il a intérêt, parce qu’il a pris la marque la plus dégoûtante possible, plaisanté-je alors que mon garde du corps récupère la bouteille. Tu n’as pas trop mal, ça va ?

— Non, ça peut aller. Physiquement, ça va vite passer. Mais moralement, j’ai tellement l’impression d’avoir manqué à mon devoir de protection te concernant.

— Je t’ai renvoyé, tu ne pouvais pas faire grand-chose…

— Quinn ne m’a pas renvoyé, lui. Je ne veux pas remettre de l’huile sur le feu, mais j’aurais dû faire mon travail de manière plus sérieuse et plus poussée. On n’en serait pas là aujourd'hui.

Je ne réponds pas immédiatement et bois quelques gorgées de Tequila avant de piocher dans le paquet de chips.

— Je ne t’en veux pas. On peut peut-être tourner la page sur tout ça, non ?

— On va essayer, oui. Quelqu’un veut un peu de poulet rôti ? Il est là-bas, en dessous de la télé.

— Tu en veux ? lui demandé-je en me levant pour aller le récupérer alors que Ben décroche son téléphone en s’excusant d’un regard avant de sortir. Sa nana, tu crois ?

— Oui, sa nana, et mon assistante. Ils sont comme des adolescents, tous les deux. Juste heureux d’être ensemble.

— Attends, tu connaissais Ben avant de venir bosser pour moi ? Non, ils ne sont ensemble que depuis Vancouver, je suis bête. A moins qu’il m’ait menti à ce propos aussi ? Je suis paumée entre le réel et l’inventé, marmonné-je en me réinstallant.

— Oui, depuis Vancouver. Je ne connaissais personne à ton service avant de venir, Rafaela. Et je t’assure que je n’ai pas joué de rôle. J’ai vraiment tout fait pour être le parfait assistant. Et je n’ai pas menti non plus quand je t’ai dit que je t’aimais. Ce n’était juste pas prévu au programme, ça.

Moi non plus, je n’ai pas menti. Jamais avec lui. Et pas non plus quand je lui ai dit qu’il m’avait blessée. Le seul mensonge que j’ai proféré, c’est quand je lui ai dit que je ne voulais plus le voir. C’était faux et ça l’est encore plus maintenant.

Angel attrape ma main, me sortant de mes pensées, et caresse mon poignet marqué en grimaçant. Comment peut-on reprendre ce qui s’est brutalement achevé ? Peut-on faire comme si rien de tout cela ne s’était passé ?

— Et si on repartait sur de bonnes bases ? dis-je en lui tendant la main. Bonjour, je suis Rafaela Lovehart, actrice pas si Diva que ça. Et toi ?

Il me regarde un instant et hésite clairement sur la conduite à tenir.

— Vous tutoyez tous vos fans ? Moi, je suis Angel Firth, détective privé, dit aussi le Sherlock du cul, et grand admirateur de tout ce que vous réalisez.

— C’est vrai ? ris-je. Mon dernier assistant n’avait pas vu un seul film dans lequel je joue avant de venir bosser pour moi. Joli petit surnom, Monsieur Firth, et je peux te vouvoyer, si tu préfères, mais si on veut faire connaissance, autant passer tout de suite au “tu”, non ?

— Eh bien, moi, j’ai tout vu ou presque. J’ai dû le faire en cachette, mais je te trouve superbe et magique dans tout ce que tu fais.

— Dis-moi, Angel…est-ce que tu penses que je me précipite si je te dis que j’ai très envie de me blottir contre toi et… de t’embrasser ? continué-je sans pour autant bouger.

— Disons que l’on vient à peine de se rencontrer, ce serait un peu fou. Mais ce qui est encore pire, c’est que si tu le faisais, je crois que je serais le plus heureux des hommes.

Je lui souris et prends le temps de débarrasser le lit de la nourriture que je dépose sur le petit bureau. Je sens son regard sur moi et je me demande si me voir dans la posture dans laquelle il m’a trouvée il y a quelques heures va changer l’opinion qu’il a de moi. C’est sans doute stupide, je n’ai pas vraiment choisi de me retrouver là, mais ça montre que je n’ai pas réussi à me défendre, moi qui disais pouvoir le faire… Je ne suis pas si forte que je le pense, ou que j’aime le laisser penser aux gens.

Je finis par m’allonger face à lui qui s’est installé de telle sorte à ne pas s’appuyer sur son bras, et nous nous observons pendant quelques instants sans bouger, un sourire aux lèvres. Je suis frustrée avant même que nos corps soient en contact, parce qu’avec son bras amoché, je doute qu’il m’enlace comme il en avait l’habitude, mais cela ne m’empêche pas de me rapprocher et de nicher mon nez dans son cou alors qu’un soupir de contentement passe la barrière de nos lèvres quasi simultanément.

— Tu es très confortable, Angel, le détective…

— Et toi, tu es la plus belle aventure que le destin a placée en face de moi. Jamais je n’aurais cru pouvoir être aussi chanceux.

— Merci de m’avoir sortie de là… Je n’arrive pas à croire que tu aies réussi à me trouver dans la journée… Tu es un détective talentueux, Quinn a eu raison de t’embaucher. Sans ça… je n’ose même pas imaginer ce qui serait arrivé. C’est moi qui ai de la chance, parce qu’outre le détective, tu es aussi un homme formidable, bel assistant qui ne l’est plus.

— Je ne pouvais pas le laisser s’en sortir comme ça. Je crois… non, je sais que notre histoire ne pouvait se terminer comme ça. Il fallait que je te trouve. J’ai juste suivi mon instinct parce que même si tu m’as rejeté, moi, je n’ai jamais cessé de t’aimer.

— Je ne veux pas que cette histoire se termine… Et ce n’est ni la Diva, ni l’actrice qui le dit. Juste Rafie, la vraie. Mais ne me mens plus, s’il te plaît… C’est tout ce que je te demande, soufflé-je en attrapant son visage entre mes mains.

— Je n’aurai plus jamais à te mentir, maintenant que tu sais tout.

— Je t’aime, Sherlock. Et ce n’est pas la Tequila qui le dit, promis.

— Moi aussi, je t’aime, la Diva. Et ce ne sont pas les anti-douleurs qui le disent, promis.

Je souris et pose mes lèvres sur les siennes, savourant ces retrouvailles d’une douceur emplie d’amour et de sincérité. S’il est certain qu’il va falloir que je sois moins sanguine, je crois que l’équilibre que m’apporte cette relation vaut la peine d’oublier ce qu’il s’est passé. Après tout, si Quinn n’était pas aussi borné, je n’aurais pas rencontré Angel, et j’aurais fini dans un sale état avec le fan… Et mon ex-assistant n’y était pour rien, dans tout ça, même s’il aurait pu finir par cracher le morceau. Il faut simplement regarder vers l’avenir, et j’espère qu’il sera dégagé d’un maximum de nuages, parce que je le veux, ce futur avec lui.

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