63. Chacun dans son monde

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Angel

— Tu es prête, Rafie ? Il faut qu’on y aille. Ben nous attend déjà près de la voiture. Si on le fait patienter encore un peu, il risque d’aller à la soirée sans nous !

— Oui, oui, j’arrive ! Une seconde ! grommelle-t-elle en ouvrant la porte de sa chambre. Si je ne peux même pas faire ma diva en me préparant… Tu parles d’une prison.

Je reste sans voix devant le spectacle qu’elle m’offre. Elle a enfilé une robe rouge dont l’échancrure donne l’impression qu’elle ne porte rien ou presque. Et comme la robe n’est pas refermée dans le dos, je constate qu’elle a encore choisi de laisser sa magnifique poitrine libre. Cette femme est une pure merveille et je n’en reviens pas qu’elle accepte de me laisser profiter de ses splendeurs. Je suis le gars le plus chanceux de toute la Terre, moi.

— J’avoue que quand je vois comme tu es jolie, tu peux faire ta Diva tant que tu veux, dis-je sans pouvoir cacher l’état dans lequel elle me met.

— Tu es très élégant, Angel, sourit-elle en déposant un baiser sur ma joue. Allons-y avant que le pauvre Ben ne parte sans nous… à moins que tu ne veuilles lui expliquer qu’on a encore plus de retard parce que tu veux me sauter dessus et me sauter tout court ?

— Ce n’est pas l’envie qui me manque, mais je vais juste t’aider à refermer ta robe et on se sautera dessus en rentrant, si tu parviens à patienter, bien sûr. Sinon, tes désirs sont des ordres, tu le sais bien.

— Je t’assure que je sais me tenir, me répond-elle en me tournant le dos après avoir ramassé ses cheveux sur son épaule.

Je profite un peu de la position pour parcourir sa peau nue de mes doigts et caresse le côté de sa poitrine avant de passer dans son dos. Je descends jusqu’à ses fesses puis attrape la fermeture éclair que je remonte doucement, en prenant garde de ne pas lui faire mal.

— Moi, je dois me faire violence pour me tenir, soupiré-je. Tu es magnifique et je ne sais pas comment je pourrais vivre sans pouvoir en profiter au quotidien.

Je n’ose pas rajouter que je suis totalement accro à elle, que je l’aime. Je n’ai pas réitéré mes déclarations depuis qu’elle ne m’a pas répondu et elle évite soigneusement le sujet, alors je n’insiste pas, quoi que je puisse ressentir pour elle.

— Je suis contente que tu ne te sois pas déjà lassé, rit Rafaela avant de m’embrasser. Oh, au fait, tu sais que le dingue a encore frappé ? Tu devrais fuir, je crois, il est encore plus fou que vous ne le pensiez.

Elle grimace en récupérant une enveloppe qu’elle me tend, et s’engouffre dans les escaliers une fois débarrassée de cette nouvelle déclaration de la part de son amoureux transi. Je l’ouvre et découvre ses déclarations d’amour et surtout sa demande à ce qu’elle se tienne prête à ce qu’il vienne la chercher.

— C’est quoi, cette histoire ? Tu lui as fait des déclarations ? Tu as couché avec lui ? Mais il déraille de plus en plus, non ? J’ai l’impression qu’il y a de moins en moins de raison et de plus en plus de folie.

— Bien sûr qu’il déraille. Je n’ai couché avec personne depuis une éternité, Angel, me lance-t-elle en me faisant un clin d’œil.

— Ah oui ? Ce n’est donc pas pour ça que nous sommes en retard, tant mieux, répliqué-je en tentant de lui sourire alors que l’inquiétude grandit à l’idée de l’événement qui nous attend.

La soirée de fin de tournage va être remplie de monde et nous ne serons pas trop de deux pour la protéger parce que ça va donner des opportunités à ce pervers de l’approcher. Et de lui faire du mal, et ça, je ne le supporterais pas. Avant de sortir, je prétexte avoir oublié mon portefeuille dans ma chambre pour y retourner et récupérer mon arme que je dissimule à l’intérieur de ma veste. J’entre dans la voiture alors que Ben me fait un clin d'œil.

— Eh, Angel, tu as vu comme notre patronne est belle ? Dire que tu vas passer la soirée près d’elle, tu en as de la chance !

Il se doute qu’il y a un vrai rapprochement entre nous deux car nous n’avons pas vraiment cherché à être discrets même si nous n’avons pas encore réellement officialisé notre relation.

— Tu parles, tout le monde va vouloir une photo avec elle pour apparaître dans les magazines. Mais c’est vrai qu’elle est magnifique. La future Miss Univers, non ? Mais il va falloir la protéger, soupiré-je en repensant à la lettre.

— Je suis trop vieille pour Miss Univers, laisse tomber. Et pitié, ne les laissez pas tous me toucher, grimace notre patronne. Deux beaux gosses baraqués à mon bras, ça devrait les laisser à distance, non ?

— Oui, on va les garder à distance, surtout après le nouveau courrier. Tu l’as vu, Ben ?

— Quel courrier ? me demande-t-il. Encore un ? Il ne s’arrête plus, dis-donc !

— Ouais, et de plus en plus barré, le mec. Je compte sur toi pour être vigilant. Et tous les invités dont les initiales sont E. D., tu me les colles au mur jusqu’à ce qu’ils avouent, d’accord ?

— Eh, respire, rit Rafaela. Ben n’est pas flic et l’idée n’est pas non plus d’énerver le gars.

Je ne dis rien et commence à me renfrogner sur mon siège, mais la diablesse le voit immédiatement et dépose un petit bisou au coin de mes lèvres en souriant et en m’adressant un regard rempli d’une si grande tendresse que ma colère fond immédiatement et que je suis obligé de lui retourner son sourire.

— Oui, on ne va pas l’énerver, mais on sera vigilants quand même.

Nous arrivons bientôt et la horde de journalistes qui nous assaillent pour photographier la star de la soirée ne présage pas d’un événement tranquille. Je lui ouvre sa portière, et, avec une élégance et une grâce non feinte, elle sort une jambe après l’autre avant de saluer la foule et d’avancer sur le tapis rouge jusqu’à l’entrée du cabaret. Alors qu’elle se retrouve devant le mur des sponsors, je suis obligé de m’éloigner d’elle afin qu’elle pose, d’abord seule, avant d’être rapidement rejointe par Patrick qui arbore un sourire presque carnassier en admirant la tenue de sa partenaire. Tu m’étonnes…

Dès que la session photos est terminée, je me rapproche d’elle pour la protéger, mais elle passe son bras sous celui de Patrick, m’adressant uniquement un rapide regard d’excuse avant d’entrer avec l’autre star du film. Je leur emboîte le pas et m’efforce de rester à proximité, mes yeux allant d’un convive à l’autre pour essayer de retrouver une des têtes inscrites sur les fiches de Morgan, mais je n’ai pas l’impression que le fou soit présent, ce soir. Ou en tout cas, je ne le reconnais pas.

Tout à mon observation, je n’ai pas remarqué que Rafaela s’est éloignée de moi. Je la vois maintenant entourée de quasiment tous les acteurs du film qui se prennent en selfie avec Patrick et elle. Elle a l’air totalement dans son élément et le sourire qu’elle arbore est magnifique, même si cela me rend un peu jaloux qu’elle se colle ainsi à tous ces autres alors que je suis coincé près du bar, sans pouvoir rien faire d’autre que l’observer à distance. Quelqu’un me propose une coupe de champagne, mais je la refuse, voulant garder la tête aussi froide que possible dans les circonstances. Ce qui n’est pas le cas de la femme que j’aime. Elle a vraiment l’air de s’amuser comme une folle et entame même une petite danse avec Patrick au rythme de la musique jouée par un groupe de jeunes musiciens qui ont l’air eux aussi de bien profiter de leur soirée.

Je m’éloigne du bar et m’approche d’elle parce que je n’en peux plus de la voir désormais en grande discussion avec Beckman qui la colle un peu trop à mon goût. Je ne sais pas comment interrompre leur conversation et reste un peu maladroitement derrière le réalisateur qui ne s’est pas rendu compte de ma présence, sûrement trop absorbé par le décolleté vertigineux de Rafaela qui est passée au jus d’orange mais semble néanmoins déjà un peu ivre. J’essaie de capter son attention, mais c’est peine perdue. Elle m’ignore littéralement.

— Je suis au bar, si tu me cherches, lui lancé-je avant de m’éloigner.

C’est à peine si elle me regarde, trop occupée à échanger avec ce type qui ne doit faire que penser à la mettre dans son lit. Je me retrouve ainsi accoudé au bar, seul et un peu désespéré de ne pas pouvoir faire partie de ce monde. Déçu aussi qu’elle ne fasse pas plus d’efforts pour m’y inclure, mais en même temps, je ne suis que l’assistant. Que je sois celui avec qui elle couche en ce moment n’y change rien, je n’ai pas de place à ses côtés. C’est la déprime totale, là. Vive les soirées quand on veut s’afficher en couple mais qu’on ne peut pas.

— C’est quoi, cette tête ? me demande Ben qui vient de s’asseoir à mes côtés et qui suit mon regard vers notre patronne.

— Quoi ? Qu’est-ce qu’elle a, ma tête ?

— T’as juste la tête du mec déprimé et qui se pose un millier de questions. Pourtant, beaucoup rêveraient d’être à ta place.

— Ah oui ? Au bar à tes côtés ? Tu commences à avoir la grosse tête, Ben. T’as beau être un beau gosse, il y a plein d’endroits où je préfèrerais être, là tout de suite.

— Genre dans le lit de la patronne ? chuchote-t-il après avoir regardé autour de nous si personne ne pouvait nous entendre.

Il a bien capté ce qu’il se passait entre nous, mais ça n’a pas l’air de le déranger plus que ça. C’est déjà ça.

— Je ne sais pas si c’est aussi idéal que ça, marmonné-je. Parce que si c’est pour être ignoré comme ça dès que j’en sors, ça me donne juste l’impression d’être un sextoy de luxe, tu vois. Et elle a l’air de très bien se passer de moi.

— J’imagine que ce n’est pas une situation facile à vivre, mais je pense qu’il vaut mieux préserver votre intimité, moi. Si elle est trop proche de son assistant, vu sa réputation… ce serait louche.

— Tu as de la chance, toi. Morgan a l’air complètement accro. Elle m’a dit qu’elle t’avait invité à la rejoindre à notre retour à Los Angeles. Au moins, vous deux, vous pourrez vous afficher. Tu crois que je suis condamné à rester dans l’ombre jusqu’à la fin de mes jours ?

— C’est vraiment sérieux entre vous ? Je veux dire… Enfin, tu vois, quoi. Parce que j’imagine que si c’est le cas, elle finira par officialiser. Mais… d’un autre côté, il vaut peut-être mieux que tu restes dans l’ombre tant que ton affaire n’est pas résolue et que Rafaela n’est pas au courant de ton vrai job.

— Oui, tu as sûrement raison. Mais j’ai les boules, là, de la voir me snober comme ça. Je crois que je suis accro mais qu’elle s’amuse avec moi. J’ai l’impression de n’être qu’une simple passade, tu vois ?

— Est-ce que tu as conscience qu’elle se blinde de partout et ne laisse personne entrer dans sa vie ? A part quelques privilégiés… Tu crois vraiment que tu serais là, à être le seul ou presque à la voir telle qu’elle est, juste pour du sexe ?

— De toute façon, je ne peux rien espérer. Je ne suis pas sûr qu’elle sera contente quand elle saura que je ne suis pas qu’un assistant dévoué mais aussi un détective engagé pour trouver le fan. Heureusement d’ailleurs que je suis meilleur assistant que détective, parce que je n’avance pas beaucoup dans mon enquête, là.

— Ah c’est clair qu’elle ne va pas apprécier la découverte… Mais vous formez une bonne équipe avec Morgan. On a des visages, ce n’est pas rien. Il ne reste plus qu’à tomber nez à nez avec l’un d’eux pour que tout ça s’arrête enfin.

— Ouais, ben là, je crois qu’on ne va tomber nez à nez avec personne. Tu as vu tout le monde autour d’elle ? On est tranquille, il y a trop de caméras pour qu’il s’aventure ici. Je te laisse faire la surveillance ? J’ai besoin d’aller prendre l’air, moi. Je n’en peux plus de voir tous ces types la mater et la tripoter.

— Il ne fallait pas tomber amoureux d’une actrice, Angel… Elle est destinée à se faire mater pendant encore des années.

— Eh bien, j’espère qu’elle saura me rassurer en me regardant un minimum quand même. A tout de suite, je vais juste changer d’air et voir s’il n’y a personne de louche qui traîne dans le coin.

Je jette un oeil à Rafaela qui est tout sourire au bras de Patrick devant une jeune femme qui a l’air de bien les amuser et m’éloigne. Je crois que Ben a raison. Il ne fallait pas tomber amoureux d’une actrice, c’est vraiment un mauvais plan. On ne choisit pas ces choses là, on fait avec. Enfin, on essaie parce que c’est dur de ressentir quelque chose pour quelqu’un sans avoir de réponse en retour. Je sens que je suis bien parti pour souffrir…

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