48. Don't worry, Angel

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Rafaela

Quel plaisir de traîner au lit ce matin ! Moi qui ai plutôt tendance à m’enfiler un petit déjeuner rapide avant d’aller courir, j’avoue que je savoure le contact des draps depuis une petite demi-heure. Bon, si je suis honnête, j’ai un peu lâché la course, ces derniers temps. Entre mon petit dos fragile et la fatigue, la chaleur de l’été et le besoin de rester dans mon cocon, j’ai préféré privilégier la piscine, le soir, une fois tout le monde de retour dans ses pénates. Rien ne vaut une bonne baignade et des longueurs sous le seul regard de la Lune et des étoiles, en communion totale avec son corps. Entendez par-là totalement nue. Je dois avoir des tendances exhibitionnistes, je ne vois pas d’autre raison qui me pousserait à me mettre à poil dès que possible. J’ai même continué alors que j’ai grillé mon assistant en train de me mater, le soir de son arrivée. Franchement, je crois que je fais n’importe quoi depuis le début, avec lui. J’aurais dû l’incendier et le foutre dehors illico, au lieu de quoi je suis sortie de la piscine sans gêne aucune. Une vraie exhib, c’est le mot.

Je décide finalement de me lever. Repenser à la piscine m’a donné envie d’aller profiter de celle de la maison. Plus petite, assurément, mais j’aime beaucoup le système qui fait des bulles et le petit rebord immergé qui permet de s’installer confortablement pour bouquiner tout en restant dans l’eau.

Je m’apprête à entrer dans la salle de bain mais préfère assurer le coup et frappe à la porte. J’ai beau ne pas avoir entendu de bruit depuis mon lit, sait-on jamais. Je crois qu’Angel me voit déjà suffisamment à poil ou presque, pas besoin d’en rajouter, ce serait jouer avec le feu. Et, quand bien même je ne dirais pas non à un nouvel aperçu de ce qui se cache derrière les fringues, je crois que mon sentiment de solitude me ferait faire de nouvelles bêtises dans la seconde.

Lorsque je descends, la maison est silencieuse et je me demande où sont les deux beaux gosses avec qui je vis. Le café est coulé et resté au chaud, Angel a fait de la salade de fruits maison et des pancakes. Assistant parfait. Je noue la ceinture de mon gilet et me prépare une assiette et une grande tasse de caféine avant d’approcher de la porte vitrée qui donne sur la terrasse, où je constate que les hommes sont attablés. C’est raté pour la petite séance de nage nudiste, les grandes vitres de la piscine donnent droit sur le coin repas extérieur. Tant pis pour moi… Je me dirige tout de même au coin salon et j’ai à peine posé un pied dans la véranda que la musique du panneau de contrôle de la maison me fait sursauter, manquant de me faire renverser mon café. Qui vient nous voir ? Très peu de personnes ont l’adresse de la maison… Et les paparazzi et fans canadiens semblent moins envahissants que les Américains.

Je fais donc demi-tour et me dirige vers le petit écran près de la porte d’entrée, où ne s’affiche aucun visage lorsque j’appuie sur le bouton. Qu’est-ce qui se passe ? Pourquoi est-ce qu’il n’y a personne ? Je bougonne en déposant mon assiette et mon mug, prête à engueuler le gamin qui s’amuse à jouer avec le bouton d’appel, et sors en trombe pour me rendre à la barrière. Il n’y a évidemment plus personne, mais… je jette un œil un peu partout pour être sûre de ne pas être observée au loin et tape le code pour déverrouiller le portail avant de sortir. Qu’est-ce que c’est que ça ? Qui peut bien m’envoyer un bouquet de fleurs ? Des roses noires ! C’est morbide à souhait et j’hésite à le récupérer. Cependant, mon regard est attiré par une petite enveloppe similaire à celles qui font tant paniquer Quinn, glissée entre les roses, et je me décide à le prendre rapidement avant de refermer la barrière. Je retourne m’enfermer dans la maison et respire un bon coup pour me calmer. Ce n’est rien. Rien du tout. Il me communique son stress, lui.

J’attrape la fameuse enveloppe de couleur crème et y passe mes doigts en levant les yeux au ciel. Toujours le même papier, un gros grain qui n’a rien de délicat, et mon prénom écrit avec application : un R énorme et calligraphié, et le reste en plus petit, mais un peu tremblant, comme si c’était un enfant qui écrivait ou… un pervers occupé à se tripatouiller de sa main libre alors qu’il écrit ? Beurk. En tout cas, le petit texte à l’intérieur me donne à la fois envie de rire et de vomir. Ce type est vraiment flippant, je le conçois. Ce n’est pas la première fois qu’on me demande en mariage, mais celle-ci est particulière, tout de même. Une demande accompagnée de roses noires, ça donne envie…

Je récupère le bouquet et sors sur la terrasse pour le déposer sur la table où se trouvent Angel et Ben, qui me regardent avec circonscription.

— Tiens, on dirait bien qu’il t’a pris en grippe, mon con d’assistant, souris-je en lui tendant le courrier. Désolée…

— De qui tu parles ? demande Angel en levant ses magnifiques prunelles vers moi.

— De mon copain le fan bien accroché. Il y avait ce bouquet devant le portail, avec cette lettre. Et tu es cité dedans. Bienvenue dans la clique ! Me regardez pas comme ça, je suis actrice, pas stupide, ris-je. Je sais que c’est le même type depuis des mois. Donc il a commencé par s’énerver contre Ben, et ça, ça date d’il y a un moment, puis Quinn… et maintenant, c’est ton tour.

— Mais comment sait-il que tu habites ici ? Et il parle de regards, de sourires… Ce type te suit, c’est un vrai malade ! s’emporte Angel en se levant pour me retirer le bouquet des mains. Attends, je te prends tout ça. Ne touchez à rien, on pourra peut-être relever des empreintes digitales dessus.

Il dépose le tout sur la table et file en cuisine où il récupère des gants et des sacs en plastique. Quand il revient vers nous qui l’observons en silence, il procède de manière chirurgicale, presque professionnelle, afin de déposer le tout dans des sacs.

— Je vais voir avec Quinn pour que tout ça soit expertisé, d’accord Rafaela ? Et toi, Ben, peut-être que tu devrais annuler ta petite escapade à la maison pour aller voir ta nouvelle copine, tu ne penses pas ?

— Wow, attends, tu t’emballes pas un peu, là ? C’est quoi cette histoire d’expertise ? T’es du FBI ou quoi ? ris-je. Ça va, c’est pas grand-chose. Il est amoureux, au pire ce ne sera qu’un énième type à m’embrasser et me tripoter sans mon accord. Et hors de question que Ben se prive de ses jours de congés.

— Angel a raison, c’est sans doute plus…

— Non ! le coupé-je. On ne va pas arrêter de vivre pour un type qui m’envoie des courriers, bon sang !

— Ce serait quand même plus prudent de renforcer ta sécurité ces prochains jours, non ? On peut peut-être remplacer Ben ? essaie d’insister Angel, visiblement plus inquiet que moi sur ce courrier et ce bouquet.

— Tu es là, toi. Je n’engagerai pas quelqu’un que je ne connais pas et en qui je n’ai pas confiance. Et Jim est parti en vacances, puisque Ben faisait le voyage avec nous. Je ne vais pas le faire revenir pour prendre son poste. Je suis peut-être un dragon, mais j’ai des principes. C’est bon, vous dramatisez tous avec ce type, c’est pas grand-chose, j’ai déjà reçu pire.

— Je crois qu’elle a raison, Angel, tu dramatises un peu trop les choses. Ce n’est pas la première fois que ce type de choses arrive. Et là, je ne vais pas la laisser toute seule, tu es là et tu peux assurer sa protection sans problème. En plus, je ne pars qu’une petite semaine, ça devrait aller.

— C’est moi qui dramatise ? Mais le gars est capable de la retrouver même au-delà des frontières ! Vous vous rendez compte de ce que ça signifie ? Non seulement il est timbré, mais en plus il est intelligent !

— L’accès aux studios est restreint, Angel. Et le système de sécurité est top ici. Je ne vois pas ce que je risque. Je doute qu’il s’en prenne à la voiture à coup de bazooka, marmonné-je en retournant à l’intérieur pour récupérer mon petit déjeuner.

Je grimace en buvant une gorgée de café froid et m’en sers un autre en passant par la cuisine, puis vais retrouver mes employés sur la terrasse, occupés à ronchonner l’un contre l’autre.

— Angel, c’est gentil de t’inquiéter pour moi, mais je doute qu’il y ait plus de risques que ça. Je vis ici et aux studios, alors autant dire que les chances sont minces pour qu’il puisse vraiment approcher. Et si tu crains pour ta sécurité, on se fera livrer les repas plutôt que tu doives aller au magasin, et le tour est joué.

— Ce n’est pas pour moi que j’ai peur, patronne, mais pour toi. Je n’ai pas envie qu’il arrive un malheur à tes jolies fesses, tu sais. Et donc, on va continuer à sortir, mais je vais être encore plus vigilant à ce qu’il ne t’arrive rien, soupire-t-il. Et j’espère que Ben ne va pas s’attarder en vacances, je serai plus rassuré quand nous serons deux pour te protéger.

— Je suis une grande fille, tu sais. Mon père m’a appris à me défendre. Si vraiment il y a un malade, il goûtera à mon genou dans ses couilles, ça le détendra deux minutes. Ben va aller profiter de la vie, le veinard. Ne lui colle pas déjà la pression pour qu’il revienne vite…

— Si tu penses que ça ira comme ça… Je vais quand même voir avec Quinn pour essayer de coincer ce type et l’envoyer se faire soigner. Je serai plus rassuré une fois qu’il aura été mis dans une institution pour délinquants sexuels, ce fou.

— Il va bien finir par se lasser. Je ne vois pas pourquoi vous voulez absolument le coincer, grommelé-je. Si on faisait ça pour tous les commentaires haineux sur les réseaux, je passerais ma vie au poste de police pour des dépôts de plainte. C’est n’importe quoi.

— Et si on parlait d’autre chose, intervient Ben qui voit bien que cette discussion me contrarie. C’est pas un temps à profiter un peu de la piscine, ça ?

— C’était mon objectif, à la base, mais je pense que je vais plutôt aller me faire une séance de Yoga dans ma chambre, finalement… Je vous laisse la piscine. A moins que vous ne vouliez vous mettre au Yoga, tous les deux ? Ça vous détendrait.

Bien qu’on ne fera pas d’exercices à poil, contrairement à ce que je me prévois si je suis seule.

— Moi, je préfère la piscine, indique Ben en souriant, mais peut-être que ça ferait du bien à Angel de faire un peu de relaxation, se moque-t-il.

— Ouais, c’est ça. Désolé, j’ai à faire, moi. Pas le temps de nager ou de me relaxer, grommelle-t-il.

— Bonne humeur, petit dragon, me moqué-je en me levant. Tant pis pour vous, vous manquez une agréable séance de Yoga nu qui détend et recentre l’attention sur soi et son corps. Bonne piscine, Ben. Et, Angel… évite d’inquiéter Quinn, s’il te plaît. Il se fait déjà assez de soucis comme ça.

— Peut-être que finalement Quinn peut attendre, murmure-t-il en me dévisageant. Le Yoga, il parait que ça a du bon…

— Trop tard, l’invitation ne tient plus. Bonne conversation avec mon agent, l’assistant !

Je récupère ma vaisselle et rentre à l’intérieur. Est-ce qu’il va passer une heure à m’imaginer à poil en chien tête en bas ? Ça pourrait être drôle. Tant qu’il ne vient pas me déranger parce que Quinn veut absolument me parler et tenter de me raisonner, peu m’importe. Il n’y a rien de mieux que de se déshabiller après avoir ouvert en grand la baie vitrée de ma chambre. L’air est un peu frais, mais ça ne m’empêche pas de m’installer sur mon tapis et de commencer mes exercices. L’exhibitionnisme a du bon, mais je suis quand même rassurée que les voisins n’aient pas de vis-à-vis sur mon balcon.

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