18. Les inquiétudes du petit personnel

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Angel

Tout seul dans ma chambre, je suis allongé sur mon lit et regarde CNN dont les reportages en boucle évoquent les incendies qui font des ravages partout en Californie. Je suis sidéré de voir que malgré toutes ces catastrophes climatiques, certains restent toujours les bras croisés. Notre Gouverneur envoie à chaque fois des troupes, prononce des discours où il indique qu’il va mobiliser l’ensemble des moyens de l’Etat pour lutter et prévenir ces phénomènes, mais dès que les incendies se calment un peu, qu’une autre actualité prend le pas, tout est oublié. C’est horrible de voir le peu de conscience environnementaliste de tant de mes concitoyens, surtout parmi les Républicains. Ils se disent patriotes sans se rendre compte que leur pays est en train de partir en fumée. Quels cons !

J’arrête de regarder lorsque je reçois un message de Rafaela me demandant de la rejoindre dans son bureau, ce que je m’empresse de faire, pas seulement parce que je veux que mon travail d’assistant soit bien fait, mais aussi parce que j’adore passer du temps avec elle. Je la retrouve installée derrière son bureau, concentrée sur son ordinateur et me demande ce qu’elle est en train de faire et pourquoi elle a besoin de moi.

— Vous avez besoin de moi ? Me voilà, à votre disposition.

Elle lève les yeux vers moi et je constate avec un peu de gêne qu’elle me jette un regard à la fois appréciateur et amusé. Quand je réalise que je suis descendu simplement vêtu de mon short et tee-shirt, je m’en veux de m’être un peu laissé aller à la précipitation.

— Oh, désolé pour la tenue. Dès que j’ai eu votre message, je suis descendu, je n’ai pas pensé à me changer.

— Je vois ça. C’est… La première fois que je me retrouve avec un mec comme assistant et il vous aura fallu à peine une semaine pour vous foutre quasiment à poil sous mon nez, sourit-elle. Je devrais prendre une photo, ça pourrait me servir au cas où vous m’attaqueriez pour harcèlement à l’avenir…

— Parce que vous comptez me harceler ? Ce ne serait pas gentil alors que je fais tout pour vous satisfaire, répliqué-je avec un sourire. Je vais me changer ou vous me dites pourquoi vous vouliez que je vienne ?

— Allez vous habiller, je peux attendre deux minutes…

Eh mince, je me suis un peu grillé dans mon rôle d’employé modèle qui ne fait pas d’erreur. Quelle idée aussi de descendre vêtu à la va-vite comme je l’ai fait. Je suis certes à son service, mais il ne faut pas que je me transforme en esclave qui s’oublie comme je viens de le faire. Je crois que je me suis un peu trop pris au jeu. Mon vrai travail, c’est détective, pas bonniche, il faudrait que je fasse attention à ne pas l’oublier. Je m’excuse et remonte dans ma chambre où je me change et enfile un pantalon de toile et une chemise bleue unie. Je prends quelques minutes de plus pour tailler un peu ma barbe et je la rejoins à nouveau dans son bureau où il semblerait qu’elle se prépare déjà pour autre chose car elle a refermé son ordinateur.

— Mieux comme ça, Patronne ? Je peux savoir ce que vous désiriez que je fasse ?

— Mieux, oui, en quelque sorte… Bref. Je voulais savoir si vous pouviez contacter l’ostéo dont vous m’avez parlé. Je vais avoir du mal à attendre des jours et des jours.

Si c’est tout ce qu’elle voulait, elle ne pouvait pas me le demander par message ? Et m’éviter de remonter et redescendre après m’être rhabillé pour cette simple requête. Je pensais qu’elle allait me faire des demandes concernant l’arrivée de ses parents, mais non. Juste son dos… J’essaie de masquer mon léger énervement en répondant de la manière la plus neutre possible.

— Oui, bien entendu. C’est tout ? Vous avez besoin d’autre chose ?

— Il faudrait aller récupérer les robes de soirée que j’ai essayées il y a quelques semaines. Et puis j’ai besoin que vous contactiez l’agence d’entretien qui vient parfois ici pour faire un grand coup de propre. Il faut que le studio soit briqué pour l’arrivée de mes parents, soupire-t-elle. Et éventuellement pour les chambres, aussi, parce qu’Ellen semble fatiguée ces derniers temps.

— Il faut aussi que je modifie votre agenda pour vous libérer du temps pour la venue de vos parents ou on garde tous vos rendez-vous ? Et pour les chambres, c’est toutes les chambres de la maison, même la mienne ?

— Non, juste la chambre des filles et de ma sœur et mon beau-frère. Ils ne sont pas venus depuis longtemps, même si Ellen passe faire un coup de propre par semaine, un gros ménage sera quand même nécessaire. Et on ne bouge absolument rien de mon planning pour l’arrivée de mes parents. Ils savaient très bien que je libérais mon weekend, c’est leur problème s’ils débarquent dans deux jours.

— Bien, je m’occupe de tout ça. C’est comme si c’était déjà fait.

— N’oubliez pas l’ostéo, hein ? Et si possible avant que mes paternels n’arrivent… Et, oh, oui… Prévoyez-moi une séance de manucure jeudi matin, avant la soirée chez Matthew. Dîtes à Farah que je veux que ce soit fait dans son salon, cette fois, ça me fera toujours deux heures loin de mes parents, grimace-t-elle.

— Il va falloir changer votre heure de dodo si vous voulez caser tout ça dans votre emploi du temps. Ou alors… Vous croyez que vous pouvez ne prendre qu’une heure trente de manucure et je fais venir l’ostéo chez Farah ?

— L’ostéo chez Farah ? Heu… J’ai quoi de prévu après ce creux qui n’en sera plus un ? Peut-être que ça, on peut le décaler ? Si la matinée reste blindée, je suis prête à bouger un truc.

— C’est un déjeuner avec Tyler et…

Je regarde mon téléphone rapidement alors que je la vois lever les yeux au ciel.

— Ah oui, une journaliste de Nearer qui veut faire un article sur des rumeurs de grossesse.

— Ah oui, c’est vrai… Franchement, est-ce que j’ai l’air enceinte ? N’importe quoi… Mettez l’ostéo en milieu d’après-midi si possible, tant pis pour ma sieste avant la soirée. De toute façon, avec mes parents dans les parages, ce sera impossible.

— Parfait. C’est noté, affirmé-je en terminant de prendre des notes pour ne rien oublier. A plus tard.

Elle me fait un petit salut de la main et retourne dans sa chambre alors que je m’installe à son bureau pour gérer tout ce qu’elle m’a demandé de faire. Heureusement que l’ostéo me doit un service suite à l’enquête qui a innocenté sa femme, sinon je n’aurais jamais pu lui faire accepter de dépanner Rafaela comme ça, au pied levé. Bref, je passe un peu de temps au téléphone quand je suis dérangé par Ellen qui frappe discrètement à la porte avant de me rejoindre dans le bureau de notre Patronne.

— Oui, Ellen, il y a un souci ?

— J’ai vu que Rafaela était sortie… Je peux vous déranger quelques minutes ?

— Oui, bien sûr. Que puis-je pour vous ?

Je me demande ce que la vieille dame peut me vouloir, mais elle a l’air vraiment inquiète.

— Quinn m’a dit la réelle raison de votre embauche… Je n’aime pas trop mentir à Rafaela, mais je crois qu’il vaut mieux que ce dingue soit débusqué, marmonne-t-elle en déposant une épaisse pochette devant moi. Ce sont les courriers de ces derniers mois. Il pense qu’ils viennent de la même personne. Et vous en avez ici, aussi. Enfin, dans cette boîte, ce sont tous les courriers haineux de la dernière année.

Elle se dirige vers la bibliothèque pour me ramener une grosse caisse qu’elle pose à mes pieds.

— Comment ça ? Il y a tout ça qui viendrait de la même personne ? Mais… Ce n’est pas possible, si ?

— Non, dans la caisse, ce sont tous les courriers désagréables qu’elle reçoit, mais peut-être qu’il y en a de ce fou aussi que nous n’avons pas repérés. Je ne sais pas si c’est important de savoir, mais au moins vous êtes au courant d’où se trouvent toutes ces horreurs.

— Elle en reçoit autant que ça ? C’est fou… Faut-dire qu’elle n’est pas toujours agréable.

— Elle a le sang chaud, Rafaela, sourit-elle. Ce sont ses origines latines qui veulent ça. Et puis, ce métier n’est pas facile et, comme vous pouvez le voir, elle est seule… Pas facile de supporter la pression.

— Elle n’est pas seule, vous êtes là, non ?

— Oui, oui, bien sûr ! Je veux dire… Enfin, vous voyez, non ? Tyler, c’est juste un contrat, et puis c’est un sacré abruti. J’entends qu’elle est seule le soir, qu’elle se couche seule et que j’ai beau être présente pour elle, je ne suis pas celle qui va l’écouter et la câliner une fois qu’elle est au lit.

— Vu comme elle est belle, elle ne devrait pas trop avoir de mal à trouver si elle cherchait à trouver.

— Bien sûr. Je vous fais la liste de ses dernières aventures ? Tyler, ne parlons même pas du côté profiteur… Le précédent en avait après son argent, celui encore avant cherchait l’exposition médiatique, et celui dont elle était folle amoureuse l’a lâchée à cause de cette même exposition médiatique, avant de vendre des photos d’elle, nue, aux médias. Alors niveau hommes, je crois qu’elle préfère éviter le sérieux et les ennuis, malheureusement…

— Et avec Matthew ? Il a ses chances ? Et vous ne pensez pas que ça pourrait être un de ces éconduits qui lui envoie toutes ces menaces ? Ou qui a payé quelqu’un pour le faire ?

Je sais, j’abuse dans mes questions et dans ma curiosité, mais c’est bien d’en apprendre un peu sur elle. Que mon intérêt ne soit pas uniquement lié à l’enquête que je mène actuellement, cela ne concerne que moi.

— Matthew ? Eh bien… C’est un sacré coureur de jupons, vous savez ? Une nuit ou deux, c’est bien, plus, c’est risqué. Et puis, elle l’apprécie, mais pas au point de justement prendre ce risque.

— Qui prend des risques ? nous interrompt tout à coup Rafaela qui vient de revenir, nous faisant tous les deux sursauter.

— Oh, heu… personne en particulier, bafouille Ellen en glissant la boîte aussi discrètement que possible sous le bureau. Tu me connais, dès qu’on a la politesse de me demander comment je vais, j’ai tendance à me laisser aller aux confidences. Je suis désolée, Angel, je vous laisse travailler.

— Elle s’inquiète pour vous, Rafaela. Je crois qu’elle aimerait que vous preniez plus au sérieux les lettres de menace et d’insultes…. Elle n’a pas tout à fait tort, je pense.

— Je me fous de ce que vous pensez tous les deux à ce propos. Si je m’inquiète chaque fois que je me fais insulter, je vais passer ma vie à déposer des plaintes. J’ai autre chose à faire. La maison est sécurisée, Ben est avec moi la plupart du temps, je ne risque rien. Alors, si vous pouviez vous occuper de vos affaires, tous les deux, ça m’arrangerait.

— Oh moi, je m’occupe des miennes, vous savez. Je vous informais juste de ce qui turlupine Ellen. Et c’est bon pour Farah et l’ostéo. Normalement, si j’ai tout bien fait, il ne va pas s’occuper de vos doigts et elle de votre dos. Tout va bien. Et pour le nettoyage, demain, ce sera nickel chrome. Vous voyez, mes affaires, et les vôtres, sont bien engagées !

— Parfait. Contentez-vous de faire ce que je vous demande et tout ira bien, me répond-elle froidement avant de jeter un coup d’œil à Ellen. Et n’oubliez pas d’aller chercher mes robes.

C’est sur ma liste de choses à faire, je ne vais pas oublier, c’est certain. Et puis, cette petite sortie me donnera l’occasion de m’éclipser un peu et d’amener la caisse avec toutes les lettres à Morgan qui se fera un plaisir d’éplucher ce courrier des lecteurs. J’ai besoin qu’elle trouve toutes celles qui pourraient correspondre aux deux dernières reçues. Si on sait quand ça a commencé, on pourra savoir ce que Rafaela faisait à ce moment-là et réduire considérablement le nombre de coupables potentiels pour découvrir qui essaie de lui faire peur ainsi. Être sur place, ça a des avantages finalement, on a accès à des informations qui pourraient rester de vrais secrets et j’ai l’impression que je progresse même si je suis encore loin de découvrir qui est à l’origine de toutes ces menaces. Au boulot, Angie.

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