11. Meet the Queen

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Rafaela

C’est qui, ce type ?

Je jette un œil à Quinn qui a le regard d’un gamin pris sur le fait. Je me demande bien ce qu’il en est. Quand Ellen m’a dit qu’on m’attendait dans mon bureau, je n’ai pas moufté plus que ça, persuadée d’avoir oublié un rendez-vous. Oui, sans assistante, je suis paumée. Clairement. Ellen me donne un coup de main et mon agent aussi, mais ça n’a rien à voir avec Silla. D’ailleurs, je ne l’ai dit à personne, mais je l’ai appelée pour lui souhaiter une bonne continuation, et je l’ai également recommandée à une « amie » actrice en recherche de quelqu’un d’efficace. Vic est moins casse-pieds que moi, je suis sûre que Silla s’en sortira très bien. Mais chut… ça, ça ne fait pas partie de mon personnage. Ou de moi. Je ne sais plus, en fait.

Mon regard revient indéniablement à ce fameux Angel Firth. Il est plutôt beau garçon, même si son allure affiche clairement un certain laisser-aller. Ses cheveux châtain clair sont trop longs et on dirait qu’il a passé sa journée à les ébouriffer, sa barbe d’au moins une semaine n’est pas très entretenue, et je ne parlerais même pas de ses vêtements. Sincèrement, je suis sûre qu’en costard il serait canon, le petit jeune. Parce que je suis sûre qu’il est plus jeune que moi. Il a de beaux yeux, le bougre, et je ne saurais dire s’ils sont bleus ou gris. Il ne se gêne pas pour les utiliser, d’ailleurs ; j’ai l’impression de passer aux rayons X. Que pense-t-il de moi ? Forcément, je me pose la question.

— Je devais engager un nouveau garde du corps ? Qui a démissionné et pourquoi je ne suis pas au courant ? demandé-je en me tournant vers Quinn.

Ouais, il pourrait avoir le physique. Il a l’air plutôt grand, mais je ne pourrai le vérifier que lorsqu’il sera debout. Si c’est Spencer qui se barre, je ne m’en plaindrai pas, je ne l’apprécie pas du tout. J’espère seulement que ce ne sera pas Tony, le beau brun baraqué, parce que ça m’ennuierait de ne plus le voir jouer aux gros bras pour me protéger. J’adore quand il se colle dans mon dos et m’entraîne avec lui avec force. Mais bref, je m’égare.

Quinn se racle la gorge et se lève pour déposer un baiser sur ma joue.

— Tu as fait plein d’achats, dis-donc. Besoin de renouveler ta garde-robe ?

Non, dans quelques semaines, ce sont les huit ans des jumelles, et j’avoue que j’ai un peu abusé. J’adore les gâter et j’ai aussi acheté plein de décorations pour faire la fête à la maison. Et vu mon planning blindé, j’ai profité de cette journée calme pour aller faire toutes les emplettes après mon shooting photo de ce matin. Je ne rêve d’ailleurs plus que d’une chose, à l’heure actuelle : me débarrasser de ce maquillage et laver mes cheveux tirés à quatre épingles et bourrés de laque.

— Certaines occasions méritent de faire chauffer la carte bleue. Et donc, Monsieur Firth, dis-je en m’asseyant, à mon service pour quoi, au juste ?

— Eh bien, si j’ai bien compris, pour tout ce que vous voudrez me demander. Enfin, je n’ai pas encore signé, mais votre agent souhaite que je devienne votre assistant, répond-il professionnellement alors que ses yeux me bouffent littéralement.

Wow, pardon ? Assistant ? Quinn sait que je ne veux pas d'homme dans ce rôle, qu'est-ce qu'il me fait ? Et, clairement, il fait beaucoup moins le malin quand je me tourne vers lui pour lui lancer un regard noir.

— Vous voulez bien nous laisser quelques minutes ? Je voudrais parler avec mon agent. En prenant le couloir, vous tomberez dans la cuisine où Ellen vous proposera très certainement un café, dis-je poliment avant de lever la main en direction de Quinn. Ne proteste pas, il faut qu’on parle tous les deux.

— Très bien, comme vous voudrez. Je n’ai encore rien signé, vous savez, mais… ce contrat m’aiderait vraiment… Enfin, je vous laisse voir ça avec votre agent.

Il se lève et sort de mon bureau, et moi, j'en profite pour effectivement jauger sa taille, qui me convainc qu'il y a vraiment anguille sous roche.

— C'est un garde du corps que tu veux faire passer pour un assistant, c'est ça ? demandé-je à Quinn. Je t'ai déjà dit que ça ne servait à rien de renforcer les effectifs. Et puis, j'ai besoin de quelqu'un d'efficace, pas d'un type qui fait semblant.

— Qui t’a dit qu’il ferait semblant ? C’est un type bien, je pense qu’il est très compétent et… il a vraiment besoin d’argent. Pas que ce soit vraiment important pour toi, mais ça lui donnerait un bon coup de main si tu le prenais. Au moins à l’essai… Je te jure que ce n’est pas un garde du corps supplémentaire, ma Belle.

— Je t'ai déjà dit que je ne voulais pas d'homme. C'est… Merde, c'est mon intimité, tout ça. Un mec… Ça me gêne. Si je ne vis pas avec un homme, ce n'est pas pour en accueillir un chez moi en tant qu'assistant.

— Tu as vu comment ça s’est passé avec toutes les femmes avant ? Il n’y en a pas une qui reste… Il faut innover et je suis sûr que ça peut être différent avec un mec. Tu me fais confiance ou pas ? Est-ce que je t’ai déjà donné de mauvais conseils ?

— Très bien. J'ai hâte de voir sa tête quand je vais lui demander d'aller m'acheter des tampons, tiens, marmonné-je. Et ne compte pas sur moi pour être une gentille petite fille parce qu'il a besoin de fric.

— Je suis sûr qu’il te demandera si tu as une marque préférée, ce n’est pas un sujet tabou, voyons ! On n’en est plus à ça ! Et je sais que tu ne vas pas être une gentille fille, mais je te parie un repas au resto que tu vas le garder plus longtemps que Silla.

— Ne joue pas à ça, parce que je déteste perdre et je risquerais d'être encore plus désagréable avec lui. Angel Firth… Il vient d'où ? Je n'ai pas le droit à un CV ? Non, je dois juste fermer les yeux et acquiescer ?

— Je ne lui ai pas demandé de CV. En fait, explique mon agent un peu gêné, c’est un cousin un peu éloigné de ma femme, et je rends service. Mais ma femme me dit qu’il a tout ce qu’il faut pour faire du bon boulot. Tu comprends, Rafaela ?

Ben voyons… À ce rythme-là, ma maison va finir par regrouper tous les membres de la famille de Quinn et sa femme. Déjà que l'un de mes gardes du corps est son neveu. Youpi.

— Bien… C'est bien parce que c'est toi. Mais je te préviens, s'il a les mains baladeuses quand je lui demande un coup de main pour une fermeture ou je ne sais quoi, de ta famille ou pas, je lui colle ma main dans la tronche et mon genou dans les cojones. ¿ Claro ?

— Oui, mais j’ai confiance en lui, ce n’est pas le genre à faire ça. Je peux le faire revenir pour signer la paperasse administrative ?

— Oui, soupiré-je. Et ramène-moi une eau citronnée au passage, s'il te plaît.

Quinn lève les yeux au ciel et sort de la pièce tandis que je réfléchis à l'organisation matérielle. Clairement, je préférerais installer cet Angel dans le studio indépendant, mais mes parents débarquent la semaine prochaine et je ne survivrai pas à une semaine avec eux sur mon dos, dans l'une des chambres en face de la mienne, obligés de manger avec moi constamment, de partager mon salon…

Je grimace en me levant pour aller récupérer le matériel de Silla dans l'un de mes tiroirs. C'est quand même assez significatif que je préfère accueillir un inconnu dans ma maison et l'avoir, lui, sur le dos, plutôt que mes propres parents.

— C'est bon, Quinn vous a averti que j'étais une peste capricieuse ? demandé-je à mon nouvel assistant qui s'assied devant le contrat qu'il doit signer.

— Ah non, ça, ce sont les journaux qui le disent, répond-il du tac au tac. Votre agent n’a fait que me dire que vous étiez exigeante mais juste. J’espère que c’est le cas.

J'en doute. Il y a bien longtemps que j'ai l'impression d'être devenue une peste insatisfaite. Mais si j'en ai conscience, c'est qu'il y a encore de l'espoir, non ?

— Donc, vous signez malgré ce que vous avez pu voir ou lire à mon propos ?

Il s’arrête net dans ses gestes puis se redresse et plonge son regard dans le mien avant de répondre.

— Cela vous dérange vraiment que je signe ? Parce que je me moque des journaux, je ne les lis pas, c’est mon ex petite amie qui les dévorait. Par contre, si vous ne voulez pas de moi, je ne vais pas m’imposer non plus. Si vous préférez être tranquille, j’irai chercher du travail ailleurs.

— J'ai besoin de quelqu'un d'efficace et de réactif, d'organisé et qui ne se met pas à pleurer dès que je lui fais une remarque. Quelqu'un d'inventif, de sociable et qui n'a pas peur de devoir aller au charbon. Et j'ai besoin de quelqu'un de confiance, qui saura mentir à Quinn en lui disant que je suis tranquille chez moi alors que je suis sortie en douce, lui dis-je calmement en me penchant sur la table. Est-ce que vous pensez correspondre à cette description, Monsieur Firth ?

Il m’adresse un sourire rayonnant avant d’éclater de rire.

— Heureusement que le contrat est à votre nom et pas au sien ! Parce que ça fait de vous mon employeur et je suis loyal, moi. Si c’était lui le patron, je ne pourrais pas m’engager à lui mentir, mais là, pas de problème. Et la dernière fois que j’ai pleuré, c’était à l’enterrement de ma mère, je crois. Je suis solide, vous pourrez vous appuyer sur moi sans crainte.

— Ouais, ben ne mentez pas trop non plus, je suis son agent quand même. Je suis un peu responsable d’elle, à un certain niveau, bougonne-t-il. Et n’oubliez pas qui vous a permis d’avoir ce job, quand même.

— Bien, si Papa Quinn veut bien arrêter sa petite intimidation, on va pouvoir commencer à bosser une fois que vous aurez signé ce contrat, Angel.

J'avoue que j'apprécie un peu trop sa façon de me répondre. Peut-être qu'il y a moyen, au moins, de m'amuser un peu, avec un homme. En tout bien, tout honneur, j'entends. Je dis ça maintenant, mais il n'en sera pas de même quand j'aurai envie de me promener en nuisette chez moi, ou… de faire bronzette tranquillement, de danser dans mon salon, de me faire faire les ongles… Je sens qu'avoir le regard d'un homme constamment sur mes faits et gestes va me gonfler rapidement. Espérons qu'il ne se permette pas de remarques ou de jugements.

— Voilà, c’est paraphé, signé, validé. A vos ordres, Madame, indique-t-il en me faisant un salut militaire adouci par son beau sourire.

— Quinn, tu te charges de la paperasse ? lui demandé-je en récupérant les papiers pour signer à mon tour. Voici votre matériel, Angel. Ellen va vous montrer votre chambre. Vous pouvez commencer quand ?

— Je n’avais pas prévu de venir vivre ici, je croyais que j’allais seulement travailler, je n’ai donc pas mes affaires avec moi. Mais je peux commencer ce soir ou demain, comme vous voulez.

— Très bien… Ça m’arrangerait qu’on puisse se voir ce soir pour que je vous briefe avant la journée de demain.

— Je serai là dès dix-huit heures trente. Promis.

— Merci. A tout à l’heure alors. Quinn, je te laisse raccompagner ton protégé à sa voiture. Prenez au moins le trousseau de clés, Angel, ça vous évitera de patienter à la barrière. Ah, et… si vous pouviez avoir des vêtements un peu plus… classes ? Enfin, disons, sérieux, ce serait pas mal aussi.

Je me lève et embarque mon verre en sortant de la pièce sans lui laisser l’occasion de me répondre. Il est temps pour moi d’aller me réfugier dans ma chambre. J’ai été un peu trop gentille à mon goût avec mon nouvel assistant, il va falloir que je rectifie le tir rapidement.

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