01. Interview avec une harpie

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Rafaela

Je repousse la main de Silla qui s’est mise en tête qu’il y avait besoin de retoucher mon make-up pour cette dernière interview de la journée alors qu’il s’agit de presse écrite et que nous avons déjà fait les photos. Qu’elle m’agace, celle-là. Bon, elle est plutôt organisée et douée, mais elle est tellement lèche-cul que je pourrais lui demander tout et n’importe quoi qu’elle ne moufterait pas. Je suis quasi certaine que si je lui demandais de buter Tyler, le beau blond qui partage parfois mes nuits, elle hésiterait mais s’exécuterait. Aucune rébellion, ce qui la rend profondément fade. Comme tout ce petit monde de paillettes, d’ailleurs.

La journaliste, Melinda Harrys, une emmerdeuse que je ne connais que trop bien, s’installe sur le canapé face à moi et détaille la chambre d’hôtel que Quinn, mon agent, a réservée pour la journée. Oui, encore du beau, du strass, du too much. Bienvenue dans ma vie, Melinda.

Je récupère mon verre d’eau et en bois une gorgée avant de grimacer.

— Silla, il me faut un autre verre d’eau. Plus fraîche, j’ai l’impression de boire un shot de Vodka tant ça me réchauffe l’intérieur.

Bingo. Elle ne moufte même pas et récupère le plateau avant de se diriger vers le petit bar d’où elle sort une nouvelle bouteille. Ce qui me laisse tout le loisir de rajuster ma robe et d’observer la journaliste qui me regarde sans afficher la moindre émotion.

— Ramène à boire pour Madame Harrys, au passage. De l’eau ? Du soda ? Un jus de fruits ?

— Un coca, oui, s’il vous plaît. Mais servez donc d’abord Madame Lovehart, je ne voudrais pas qu’elle s’impatiente trop à cause de moi.

— Elle a deux mains et un cerveau plutôt efficace, quand elle l’utilise. Bien, et si nous commencions ? La journée a été longue.

— Oui, bien sûr. Vous vous doutez bien que ma première question va porter sur l’accueil un peu mitigé de votre dernier film. Comment réagissez-vous en lisant le magazine Nearer qui indique que si vous n’aviez pas été là, le film aurait été plus que décent, mais qu’en raison de votre ennuyeuse prestation, je cite, le film n’est pas regardable ? attaque-t-elle d’entrée.

Je reste de marbre. Devant elle, tout du moins. Quand Quinn m’a envoyé l’article, ce n’était pas la même. Le vase de fleurs dans ma cuisine a volé à travers la pièce, Silla est partie avec les larmes aux yeux et Tyler… Tyler est resté sur le canapé, la queue entre les pattes, en attendant que je redescende. Je crois que je n’avais jamais autant tapé dans ce foutu punching ball que ce jour-là.

— Eh bien, je prends note de cette critique et tente de m’améliorer. Ce qui risque d’être un peu difficile étant donné que cette fameuse critique n’est pas vraiment étayée par des arguments qui pourraient me permettre de comprendre les choses pour les travailler.

Bien, Rafa. Quinn serait fier de toi, même si je me permets de mettre en cause le journaliste qui a écrit ce torchon dont je n’oserais même pas me servir pour essuyer mon lavabo.

— Et pourtant, votre partenaire à l’écran a tweeté qu’il regrettait que vous n’ayez pas été remplacée après les premières prises de vue qui étaient désastreuses. Il vous reproche de ne pas avoir mis toute votre énergie dans ce film. Qu’avez-vous à lui répondre ?

— Que j’aurais aimé qu’il m’en parle ? Vous savez, c’est facile de se dédouaner et de critiquer une fois tout ça terminé, mais c’est lui le glaçon coincé du cul qui me donnait la réplique. Jouer un rôle, ça ne marche bien que lorsque son partenaire est capable d’autre chose que de bander en vous regardant.

Oups… Là, Quinn ne va pas être ravi. Tant pis, l’autre abruti n’avait qu’à réfléchir avant de me descendre dans son interview la semaine dernière. Je fais mine de rien, mais je n’oublie pas. Jamais.

— Eh bien, si c’est de cette façon dont vous parlez de vos partenaires, vous risquez de ne plus en trouver beaucoup pour vous donner la réplique à l’avenir, rit-elle en prenant un air faussement choqué. D’ailleurs, en parlant de futur projet, la rumeur qui vous envoie tourner un film porno en Russie est-elle fondée ? Des sources à Moscou ont confirmé que vous aviez signé pour un film sur place. Qu’en est-il ?

Un film porno ? C’est quoi cette histoire ? Je sens qu’elle va me pousser à bout, cette connasse, et j’essaie de me calmer en buvant une gorgée de mon eau. Impossible de faire mine de sourire, je ne suis pas Miss Univers. Elle m’agace et je suis sûre qu’elle le sait.

— Eh bien il va falloir penser à changer de sources, Ma Petite. Et j’apprécierais que vous évitiez ce genre de questions ridicules, sinon je peux vous assurer que je ne suis pas prête d’accepter une nouvelle entrevue avec vous ou l’un de vos collègues.

— Oh, je pense que ce n’est pas dans votre intérêt de mettre en colère le groupe qui m’emploie, Madame Lovehart. Vous pouvez me rappeler le montant du contrat de sponsoring qu’ils ont signé avec vous ? demande-t-elle avec un petit air mesquin et sûr de sa victoire. Je peux continuer ?

— Je vois que vous avez du mal avec les ficelles du business, Melinda. C’est dans votre intérêt d’éviter de descendre une actrice que votre journal paie pour de la pub, en fait. C’est du donnant-donnant. Alors, je veux bien être gentille, mais je ne suis pas là pour répondre à des rumeurs à la con qui n’ont pas lieu d’être. Vérifiez vos sources avant de vous permettre ce type de questions. Donc. Une question ? Parce que vous êtes d’un ennui mortel, là.

Version politiquement correcte. En vérité, elle me fait profondément chier et j’ai hâte d’en avoir fini avec cette pimbêche qui n’a aucune idée de ce que c’est que de jouer la comédie.

— Est-ce que vous pouvez me parler de vos prochains projets, alors ? Comment comptez-vous rebondir après ce film qui n’a pas convaincu tout le monde ?

Elle reste professionnelle et son ton est aussi neutre que le mien l’était. Mais son regard de tueuse me fait comprendre qu’elle ne me porte pas dans son cœur et que si elle le pouvait, elle m’enfoncerait encore plus. Réciproque, ma Chérie.

— Eh bien, je n’ai pour le moment pas le droit de parler ouvertement du projet que je viens de signer, mais dans deux mois sort le film Une mère particulière, dont je suis très fière. C’est une belle histoire, forte, et le personnage de Sélenna a vraiment été une belle expérience pour moi. Tout comme de donner la réplique à James, d’ailleurs.

— Ah James… Quelle femme ne rêverait pas de le faire bander, lui, n’est-ce pas ? Cela a dû être un vrai plaisir de tourner avec lui. Une anecdote à partager sur le tournage en sa compagnie ?

— James est un amour, souris-je. Travailler avec lui est vraiment très épanouissant, je crois que l’on peut dire que le duo marche bien. Mais c’est aussi un bourreau de travail, du genre à frapper à la porte de ma chambre à trois heures du matin parce qu’il voulait répéter une scène du lendemain. Épuisant, mais je peux vous assurer que le voir débarquer en boxer et les cheveux tout ébouriffés, c’est plutôt comique.

— Comique… Pas sûre que j’aurais employé ce mot moi-même. Le pire, c’est quand même pour sa pauvre épouse et sa fille qu’il abandonne tous les trois ou quatre mois pour aller tourner et batifoler avec toutes ces actrices en recherche de célébrité, quand même…

— Allez, c’est bon, ça suffit, m’agacé-je en me levant. Vous ne connaissez rien de ce milieu, et vous ne connaissez absolument pas James. De plus, je vous interdis d’oser même penser que je me tape un homme marié, un père de famille, simplement parce que nous jouons ensemble. Putain, mais c’est pas possible, j’en ai vraiment ras-le-cul de toutes ces remarques désobligeantes à longueur de journée ! Silla, on se barre ! Et toi, ma Petite, je peux t’assurer que je vais appeler ton patron et faire en sorte de ne plus jamais croiser ta route. La prochaine fois, tu réfléchiras avant d’ouvrir ta tronche pour des conneries. ¡ Coño ! (putain - merde)

— Eh bien, quel caractère… Bref, on verra bien qui mon patron va réprimander. Je suis sûre que mon article se vendra bien de toute façon.

J’attrape mon sac et lui adresse mon majeur en sortant de la pièce sans plus un regard. Silla traîne derrière et je ne l’attends même pas, je fonce jusqu’à l’ascenseur et appuie sur le bouton avec frénésie. Elle m’a rejointe lorsque je m’y engouffre, et j’ai l’impression qu’elle se cale le plus loin possible de moi tandis que j’appuie sur le bouton du rez-de-chaussée.

— Préviens Ben qu’on part, je n’ai pas envie de l’attendre pendant cinq minutes dans le hall comme une plante verte.

Je suis cruelle, elle a les mains pleines et je ne sais pas comment elle va pouvoir faire pour sortir son téléphone. Et moi, je sors de mon sac mes lunettes de soleil et mon mobile pour envoyer un message bien salé à Quinn et ses idées de merde. Je n’ai jamais apprécié ce magazine et si “ça fait bien” pour ma carrière, ça m’emmerde clairement de bosser avec eux.

Evidemment, mon chauffeur n’est pas devin et il met un moment à arriver. Silla évite mon regard au maximum et s’excuse sans obtenir de réponse lorsque nous montons dans le SUV. D’ailleurs, je ne lui adresse pas un mot du voyage et me plonge dans mon téléphone pour occuper mon esprit. Je déteste ces journées de promotion, ça me donne envie de tout envoyer bouler.

Je grimace en voyant la voiture de Tyler garée devant la maison. Aucune envie de le voir. Tout ce que je souhaite, là, c’est une longue douche bien chaude après une séance de Yoga bien longue. Ou un jacuzzi et quelques verres de vin. Ou… un orgasme ou deux. Il fait bien d’être là, finalement, mon beau blond.

Je monte les marches qui mènent à l’entrée, Silla collée à mes basques, et soupire en posant mes pieds nus sur le marbre frais. Oui, c’est too much aussi, ça, mais ce sont les anciens propriétaires qui ont choisi les sols. J’ai tout fait repeindre en blanc ou crème pour effacer le noir, le rouge vif et l’effect “clown” de cette belle et grande maison moderne qui méritait une décoration épurée et classe. Heureusement que le marbre ne se cantonne qu’à l’entrée et aux salles d’eau, d’ailleurs.

— Qu’est-ce que tu fais là, mon Chou ? demandé-je au canon allongé sur mon canapé immaculé. Tu peux dégager tes chaussures de mon canap’, s’il te plaît ? Ça me donne envie de te virer à coups de pied au cul.

— Ah, enfin te voilà ! Regarde ce qu’on a reçu au courrier tout à l’heure ! Une honte ! Je te jure, une honte !

Je soupire et me retiens de l’envoyer bouler. “Ce qu’on a reçu ?” Il se croit donc à ce point chez lui, ici ? Au moins, il vire ses godasses et se lève pour me tendre deux courriers ouverts.

— Tu ouvres mon courrier, toi ? Ne te gêne surtout pas, soupiré-je en passant celui qui lui est destiné pour lire le mien. C’est mignon et très flatteur, même.

J’ai l’habitude de ce genre de courriers. Les lettres d’amour de mes fans, quand j’ai un coup dans le nez, j’en ris ou je déprime de voir qu’un inconnu peut me donner plus d’amour que ma propre mère ou mon copain du moment. Là, sans un gramme d’alcool dans le sang, ça me fait sourire, mais honnêtement, je m’en fous un peu.

— Non mais, tu te rends compte ? Il dit qu’il va me tuer si je ne te quitte pas ! Il dit qu’il t’aime et que j’ai commis un péché de lui prendre sa place. Il me menace de me planter si je ne lui cède pas le rôle de petit ami ! Cela ne te fait rien, de savoir ça ?

— Oh là là, Tyler, respire ! Si je devais flipper à chaque fois que je reçois ce genre de choses, je passerais ma vie sous ma couette, et certainement pas pour baiser !

— Ah oui ? Je risque de me faire assassiner à cause de toi et c’est tout ce que ça te fait ? Non, mais j’y crois pas, là. Tu n’as pas de cœur, c’est fou, s’emporte-t-il en se levant. Eh bien, tu sais quoi ? Si tu veux un mec dans ton lit ce soir, tu n’auras qu’à contacter ce fou parce que moi, je me casse.

— Mais vas-y, je t’en prie. Je vais même aller t’ouvrir la porte, tiens ! m’agacé-je en me dirigeant d’un pas décidé dans l’entrée. Je garde mon cœur pour les gens qui en valent la peine, et ce n’est clairement pas ton cas. Encore un foutu profiteur ! Tire-toi donc, et ne remets pas les pieds ici. Tu n’auras qu’à publier un joli statut disant que toi et moi, on n’est plus ensemble, comme ça ta petite vie minable sera sauvée !

— Ouais, eh bien quand tu te sentiras seule, je parie que tu viendras quémander que je te baise. Sans cœur et sans pitié… Tu es une femme horrible, me lance-t-il en claquant la porte derrière lui.

Le pire, c’est qu’il a raison, je le rappellerai sans doute. Et il viendra, parce qu’il veut profiter de ma notoriété. Et quoi de mieux que de sortir avec une actrice pour soi-même percer ? Chacun profite de l’autre, bienvenue dans le showbiz. Lui m’offre des cunnis comme jamais je n’en ai eus. En attendant la femme horrible a sa dose pour la journée. Foutu connard de pétochard, si seulement il comprenait un quart de ce que je vis au quotidien !

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