Réponse à "Ils étaient trois dans le Métro"

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Ils étaient trois dans le métro aujourd'hui. Trois personnes dont les destins s'étaient croisés aujourd'hui, ici, dans le métro. Bernard, Camelia et Gauthier. Chacun avançant dans sa vie, dans sa journée vers ce moment précis, où tout allait se jouer. La vie est parfois tristement surprenante.

"Bernard"

"Bip bip bip"

Il est 4h30, et Bernard se lève, pour la dernière fois de toute sa carrière. Aujourd'hui, c'est son dernier jour. Quarante-cinq ans de carrière à la RATP, dont vingt-cinq ans de chauffeur de métro.

Pfff, chauffeur ! Avec les avancées technologiques, le chauffeur a de moins en moins de travail, et déjà quelques métros de par le monde n'utilisent plus de conducteur.

Comme tous les matins, Bernard retire son pyjama et rentre dans sa douche. Il fait couler l'eau, froide, puis tiède et enfin, bien chaude. Il en profite et pisse. Son urine se dilue dans l'eau jusqu'à disparaitre. Mireille, sa femme, truve ça dégoutant, pour lui, c'est l'économie d'une chasse d'eau.

Une fois lavé, Bernard se rase, et enfile rapidement ses vêtements. Puis il descend prendre son café. Comme tous les soirs, sa femme a pensé à décongeler des tranches de pain complet.

"C'est le meilleur pour le transit, à notre âge c'est important" lui répétait sa femme.

Un peu de beurre et de confiture, et il mort à pleine dent dans sa tartine, tout en préparant la suivante. Il prenait tous les jours un petit déjeuner copieux, sans cela impossible de tenir jusque midi et sa pause repas. Bon il avait un petit pause de quinze minutes à dix heures, mais cela lui laissait juste le temps de remonter à la surface pour fumer une cigarette.

Après son petit-déjeuner, Bernard sort de chez lui, et monte dans sa voiture. Contrairement à beaucoup de Parisiens, il n'a pas d'autre choix que de prendre sa voiture puisque le premier métro de la journée, ce sera justement lui qui sera derrière les commandes.

Au volant de sa twingo, Bernard part au travail.

" Camelia"

Camelia est une jeune influenceuse de vingt-deux ans. Instagram, Twitter, Facebook, Tik Tok, aucun réseau social ne lui échappe. Elle est partout. Avec ses trente milles followers, elle a put rejoindre la capitale et s'y installer. Ici la vie est comme elle, rapide, sans cesse en mouvements, et toujours excessives.

Aujourd'hui, elle est attendu sur un shooting pour une marque de maquillage, et une marque de vêtement. D'une pierre, deux coups, même si elle préférerait une pierre de cou. Un rendez-vous extrêmement important, un véritable tournant dans sa carrière. Le début d'une possible carrière de mannequinat.

Camelia n'a pas dormi de la nuit, obsédée par cette séance, partagée entre l'excitation et le stress. Enfin jusqu'à ce qu'elle tombe dépuisement et s'endorme deux heures avant que sonne son réveil.

En retard, elle enfile les premières fringues qu'elle trouve. De toute façon, elle sera coiffée, maquillée, et habillée par des professionnels une fois sur place.

Elle attrape sa bouteille de cure minceur, ses repas à la semaine entièrement livrés en poudre, un gain de temps inimaginable pour elle qui va pouvoir déjeuner dans le métro.

Elle attrape son portable, fait un selfie avec filtre bien sûr, et rajoutes: #Shooting #Health #Tropcontente, et bien d'autres encore. Elle prend ses clé, et sort de chez elle, direction la station de métro.

"Gauthier"

Gauthier a trente-deux ans. Cela fait maintenant cinq ans que sa femme l'a quitté. Depuis, tout s'est dégradé. Déprimé, il n'a pas réussi à garder son emploi. Sans revenu, et croulant sous les factures, il n'a pas réussi à garder son appartement. Lui qui était si fier, si arrogant, n'a jamais osé demandé de l'aide à ses parents. De toute façon, il ne leurs parle plus depuis que Julie est partie. Ils ont toujours préféré sa femme à lui.

" - Tu vois, elle a les même diplomes que toi, mais elle ne travail pas chez Starbucks elle."

" - C'est vrai tu pourrais trouver mieux fiston"

Bref, des reproches constants, encore et toujours.

Sans emploi, et maintenant sans logement, il a alors élu domicile une station de métro. Et même si des connards ont créé des bancs sur lesquels il est impossible de s'allonger, Gauthier trouve toujours une solution. Il n'est pas venu sans rien, il a des couvertures, un sac de couchage et même un oreiller.

Aujourd'hui, comme tous les jours, Gathier est réveillé par l'activation de l'éclairage du métro. Les murs blancs reflètent la lumière des néons, la rendant encore plus aggrassives pour ses yeux encore fermés il y a quelques secondes.

Gauthier se redresse sur son banc, le dos brisé, les muscles endoloris. Une nouvelle journée de manche qui commence, il connait son discours par coeur. "Bonjour mesdames et messieurs, désolé de vous importuner.... etc, etc..."

Mais aujourd'hui n'est pas comme tous les jours. Aujourd'hui, c'est l'anniversaire du départ de Julie. Aujourd'hui, cela fait cinq ans jours pour jours qu'elle est partie. Alors Gauthier se dit qu'il doit aller de l'avant, faire quelque chose. Changer. Et après pourquoi pas essayer de la retrouver.

"Bernard"

Il est cinq heures cinquante lorsque Bernard quitte sa station de départ au commande de sa rame. Pile à l'heure. Aujourd'hui, il fera une petite dizaine d'aller retour, sa ligne ne compte que quinze stations. Ensuite, le temps sera venu de raccrocher définitivement les clés.

Avec les années vient l'expérience, et avec elle, Bernard s'était forgé une habilité, une dextérité, et une analyse hors du commun. Il piloté machinalement la rame pendant que ses yeux scrutés la voie éclairée au fur et à mesure des kilomètres avalés.

Un premier virage à droite. Puis un second, et pour finir une courte ligne droite. Bernard arrive à la première station. A cette heure-ci, elle est vide, comme tous les jours. Il s'arrête, ouvre les portes, patiente quelques secondes puis les referme et repart.

La journée s'annonce magnifique. La dernière journée. Ensuite, bonjour les grasses mat, les après midi farniente dans son jardin. Avec Mireille, ils avaient toujours voulu partir passer leurs retraites en Ardèche.

Plus que quelques heures.

"Camelia"

Partie en retard de chez elle, la jeune fille court. Elle traverse la rue, encore peu remplie, et rejoint la station la plus proche. Elle descend les escaliers, et reprend sa course à travers le dédale des couloirs. Elle ralentit, son passe navigo bipe lorsqu’elle passe les portes automatiques qui permettent d’accéder aux rames.

Elle se remet à courir, jusqu’à atteindre le quai.

Essoufflée, elle regarde l’afficheur digital. Cinq minutes avant l’arrivée de sa rame.

Elle est seule sur le quai. Camélia sort les AirPods qu’elle s’est offerte hier, et lance la musique.

Rien de mieux que Beyonce pour motiver une femme un jour aussi important. Finalement, elle sera à l’heure. La séance sera géniale, les photos seront merveilleuses, et sa carrière sera totalement lancée.

La journée s’annonce magnifique.

"Gauthier"

Il a vu la jeune fille arriver en courant sur le quai. Mais elle ne l’a pas vu.

Là où certains repéreraient les courbes sensuelles de la jeune femmes, ses formes généreuses et son décolleté plus qu’outrageux, Gauthier ne voit que ses chaussures, son iPhone, ses AirPods, bref, tous les indices qui peuvent lui permettre d’espérer une pièce ou un billet. Il décide de tenter sa chance.

"Gauthier et Camelia"

« Scusez moi mam’zelle » La jeune fille ne réagit pas.

Entendant la musique fuirait par ses écouteurs, Gauthier agite la main. La jeune fille sursaute.

« Désolé de vous avoir fait peur, vous n’auriez pas une tite pièce ou un pti billet? »

Sans même prendre la peine de regarder le SDF, Camélia lui répond qu’elle n’a rien sur elle.

« Je n’ai pas mangé depuis deux jours soyez généreuse, faites un petit geste »

En disant c’est mot, Gauthier s’avance vers la jeune fille qui affiche une grimace.

L’odeur d’urine et d’alcool empli les narines de Camélia, qui interprétant les propos à sa sauce, répond.

« Ecoute, je te propose un marché. Je te donne un billet de dix euros, mais en échange, on fait une photo ensemble, afin que mes followers voient à quel point je suis justement généreuse, ok? »

Incrédule, Gauthier acquiesce. Pour lui dix euros, c’est trois jours de repas.

La journée s’annonce magnifique.

La jeune fille sort son téléphone, se rapproche du SDF afin de faire tenir leurs deux têtes sur l’écran. D’une main elle tend le billet, affichant au passage la valeur, et de l’autre, elle prend le selfie.

« Merci, merci beaucoup. Vous savez, c’est un jour particulier, ça fait cinq ans que ma femme m’a quitté. Et j’aimerai la retrouver, mais avant, j’aimerai m’en sortir, lui prouver que je suis quelqu’un de bien, qu’elle soit fier de moi. »

Camelia a déjà remis ses écouteurs, et est entrain de retoucher la photo. Il faut qu’elle soit parfaite pour pouvoir être publiée.

Euphorique devant ce geste au final plus égoïste que généreux, Gauthier devient bavard.

« Julie, elle s’appelle Julie. J’ai hâte de la revoir. Mais pas tout de suite, pas comme ça. Il faut que je prenne un douche, que je me coupe les cheveux et me rase, je dois être présentable. »

Camelia, devant se flot incessant de parole, se sent agressée, et attaque le SDF.

« Non mais c’est bon, tu l’as eu ton billet, fous la paix maintenant. Qu’est ce que j’en ai a foutre de ta Julie, tu t’es vu? C’est normal qu’elle soit partie. Qui pourrait avoir envie d’être avec toi, t’es un putain de clodo, tu resteras toujours un putain de clodo, qui pue la pisse et la vinasse. Fous moi la paix et va t’acheter ta villageoise. »

"Les Trois"

Bernard amorce le dernier virage avant la grande ligne droite. Ensuite, il pourra commencer la séquence de freinage afin d’arrêter l’avant de la rame pile à l’emplacement prévu.

Comme à son habitude, il jette un coup d’oeil sur le quai. Seuls deux personnes, un homme et une femme, se tiennent là, attendant ce métro.

Gauthier reçoit toute la violence de la jeune fille en pleine face. Comment peut-elle être si charmante, et en même temps si méchante, si agressive. Pourtant, elle a raison. Il vient de le comprendre, là, à l’instant. Elle a raison. Il avait été trop orgueilleux pour demander de l’aide. Trop arrogant pour retourner chez ses parents. Et c’était maintenant trop tard. Elle avait raison. Il ne serait jamais rien d’autre qu’un clochard qui pue la pisse et la vinasse comme elle l’a dit. Parce qu’elle a raison.

Gauthier comprend, il sait ce qu’il doit faire.

« Vous savez, Julie ne m’a pas quitté parce que j’étais un pauvre type, je suis un pauvre type parce que Julie m’a quitté, c’est la différence. Et si Julie m’a quitté, c’est uniquement parce qu’elle n’a pas réussi à vaincre son foutu cancer.

Camélia n’écoute pas ce que racontes le SDF, penchée sur son smartphone, elle valide la publication de la photo sur ses réseaux.

Bernard fixe le quai. Vingts mètres avant l’arrêt, quinze mètres. Dix mètres.

Gauthier, voyant la rame avancée, prononce une dernière phrase.

« A tout de suite Julie »

Une larme roule sur sa joue, et dans un élan, il saute.

Bernard n’a pas le temps de réagir, le corps du jeune s’engouffre sous la rame, broyé, déchiqueté.

Camélia lâche son téléphone, un cri strident s’échappe de sa bouche. Son visage, sa robe, ses chaussures sont couverts de sang.

Bernard, face à ce spectacle bien trop habituel pour conducteur de la RATP n’arrive à retenir son coeur qui s’emballe. Seul dans sa cabine, incapable de reprendre son souffle, la main accrochée à sa poitrine, Bernard meurt d’une crise cardiaque.

Cette journée devait être magnifique.

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Table des matières

En réponse au défi

Ils étaient trois dans le Métro

Lancé par Sphinx Céleste

Bonjour, ici le Sphinx.

Ils sont trois dans le Métro. Sont-ils des inconnus? Leurs destins sont-ils étroitement liés? Qui sont-ils? Que pensent-ils? Que leur arrive-t-il? Une seule chose est sûre, leur rencontre n'est pas un hasard.

Rédigez le récit découlant de la première phrase suivante: "Ils étaient trois dans le Métro".

Le concept est simple, qu'il s'agisse d'une nouvelle, d'une scène, d'un court roman, une seule contrainte est de mise: trois personnages et un Métro.

Je me tiens à votre disposition pour toutes les questions éventuelles.

A vos plumes!

Bien à vous, le Sphinx.

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