Chapitre IV. L'ange déchu

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La rentrée est arrivée, les derniers jours, j’ai senti la pression de ma mère qui dès qu’elle en avait l’occasion me rappelait la sacro-sainte importance de mon année de terminale, que dans la vie je ne serai rien sans le Bac, que mon frère et ma sœur ont eu la mention très bien. Bref, que de plaisir. Mon père me dépose devant le Lycée à 9h, le jour de la rentrée les cours commencent plus tard. On s’est tous donné rendez-vous devant la grille histoire d’aller voir nos classes ensemble, alors que je rejoins les autres, je remarque l’absence d’Henri, je les questionne, ce à quoi ils me répondent qu’ils ne l’ont pas vu et qu’ils n’en savent rien. Je sors alors mon téléphone, j’aperçois que j’ai reçu un message de celui-ci il y a cinq minutes me disant qu’il a suivi son GPS et qu’il est perdu. Je lui demande de me décrire ce qu’il voit, après une brève description, je visualise où il se trouve et lui dis que j’arrive. Je préviens les autres de déjà aller voir leur classe. Je me mets à marcher dans sa direction et après quatre cinq minutes de marche, j’arrive vers lui. Il a les yeux plongés sur son téléphone. Je l’appel, il lève la tête et un sourire se dessine sur son visage. Il vient vers moi et me dit en riant :

— Je suis désolé, j’ai suivi mon GPS, mais je crois qu'à un moment, j’ai tourné trop tôt ou je ne sais pas, du coup, je me suis retrouvé dans des petites ruelles, c’est un coup à me faire agresser moi et ma gueule d’ange !

— Oui enfin gueule d’ange, c’est vite dit, lui répondis-je en rigolant.

— Ouais, je sais, j’ai quelques problèmes d’ego, haha.

Nous rigolons un bon coup avant de nous mettre en route. Une fois devant le lycée, nous rejoignons les autres devant les listes qui nous confirment les classes qui avaient été annoncées, mais avec Henri en plus dans la mienne, je me retrouve donc avec Élisa et lui. Les trois autres zouaves sont ensembles. Une erreur que les professeurs vont regretter rapidement me dit mon moi intérieur.

La journée en elle-même se déroule bien, les professeurs nous font la même homélie que ma mère, mais de façon moins dramatique, il faut l’avouer. Henri s’est plutôt bien intégré, le fait qu’il soit avec nous dès le départ a dû aider, je pense. Je crois même que certaines filles de la classe ont mis leurs grappins sur lui. Malgré tout, il faut dire qu’il m’a paru différent que quand nous étions à deux ou avec les autres. Il fait preuve d’une capacité d’adaptation dingue, sa confiance en lui et sa répartie ont fait bonne impression auprès de tous au point que tout le monde ou presque veut être ami avec lui. En bref, si on faisait une échelle de popularité, je crois bien qu’en une journée il m’a dépassé de loin, et Dieu sait que je suis plutôt bien classé.

Les Jours passent et ma proximité avec Henri se fait de plus en plus faible. En l’espace de quelques jours, on est passé d’une relation où on passait nos journées ensemble au lycée et où on parlait le soir par message, à : on se croise en classe et on échange quelques mots le soir. Le reste du temps, il est trop occupé à être avec sa ribambelle de faux-amis juste là parce qu’il est populaire. Cette situation fait que je me suis mis à ruminer sans cesse dans ma tête l’idée que, je suis venu vers lui, je l’ai intégré à mon groupe d’amis et c’est un peu grâce à ça qu’il s’est intégré facilement, et voilà qu’aujourd’hui, c’est à peine s'il a le temps de me parler. Tout cela m’a tellement travaillé que pendant le cours de philosophie Élisa s’est penchée vers moi et m’a dit :

— Il se passe quoi ?

— Hum ? Comment ça ?

— Je sais pas, ça fait deux trois jours que je te vois pas "tracasser", mais un truc du genre, et je commence à m'inquiéter pour tes ongles là.

Je prends un instant pour regarder ceux-ci, et je me rends compte qu’en effet, ils sont plutôt bien entamés. Je reprends alors :

— Pas-grand-chose, je suis juste “dégoûté” qu’Henri nous ait lâché comme ça du jour au lendemain.

Elle pousse un léger soupir, et continue :

— Que veux-tu, c’est comme ça ? Il s’est fait de nouveaux amis et c’est tout, toi t’as fait ta BA en l’intégrant et tout, ce n'est pas une valeur chrétienne de donner sans attendre en retour ? dit-elle avec un petit sourire.

— Si, dis-je en soupirant, mais il me paraissait sympathique, gentil et tout, et je dois le dire au début, il m’intriguait, mais depuis quelques jours avec son attitude, c’est comme si j’éprouvais maintenant un désintérêt total.

Elle sourit et me dit :

— Tu vois, t’aurais pas été hétéro, j’aurais presque cru que t’avais eu un petit crush sur lui, haha.

— T’as pas d’autre connerie à raconter, dis-je légèrement vexé qu’elle m’attaque comme ça.

Le soir venu, j’ai pris le temps avant de me coucher de penser à ce qu’avait dit Élisa, et c’est clair et net, à aucun moment, je n’ai éprouvé de sentiments autres qu’amical envers Henri. Par contre, il est peut-être vrai que je fais preuve d’une petite jalousie envers les autres qui passent du temps avec lui tous les jours à mon détriment.

À la fin de la troisième semaine, nous sommes avec notre professeur d’anglais qui est aussi notre professeur principale. Elle finit son cours en nous disant que c’est aujourd’hui que nous élisons nos délégués. En réalité c’est plus une nomination car dans la classe il y a moi qui est élu chaque année depuis le collège, et Marie Mansky, qui est l’archétype de la fille ultra sérieuse, qui elle aussi est toujours élue. Elle demande alors qui est candidat, nous levons tous les deux la main, mais des chuchotements et des regards derrière moi attire mon attention. Je me retourne alors, et je vois qu'Henri est assis juste derrière moi à la main levée également.

— Euh… Tu fais quoi là ? lui dis-je d’un ton surpris.

— Bah, ça parait logique, je me présente pour être délégué.

— Oui, nan, mais ça oui. Mais pourquoi ?

— Je sais pas, ça peut être fun.

Je le regarde alors avec une tête des plus confuse ce à quoi il me répond par un grand sourire

— Nan, mais je sais pas moi si c’est juste pour le fun, tu veux pas genre être mon suppléant, je suis sûr que ça ne dérangera pas Élisa.

— Absolument pas, dit-elle.

— Je ne sais pas, reprit-il, je fais juste ça pour le faire, j’ai jamais été élu, pourquoi je le serai aujourd’hui, rigola-t-il.

Nous sommes interrompus par la professeur qui circule dans les rangs avec sa corbeille à vote. Sans surprise, Marie est élue au premier tour à la majorité absolue. Commence alors un second tour, où sur une classe de 37 élèves il me faut donc 19 votes. Le dépouillement se fait, et mon nom n'arrête pas de sortir. Au dixième “Marius”, Henri me tape sur l’épaule en me félicitant, c’est alors qu’un premier “Henri” d'une longue liste sort. En effet quand je dis longue liste, je pourrais plutôt dire du reste car au final il a gagné avec 27 voix contre 10. Dès que j’ai compris qu’il avait gagné, j’ai vu se fermer devant moi, en plus du poste de délégué, celui de délégué des délégués, et représentant des élèves au Conseil d’Administration du lycée qui est de façon quasi automatique l’un des délégués des délégués. J’ai senti comme une colère monter progressivement en moi. Sonnerie retentit alors dans la classe et tout le monde s’empresse de ranger ses affaires pour rentrer chez soi. Je reste assis sur ma chaise, ayant du mal à digérer ma récente défaite. Henri apparaît alors devant moi la main tendue en me félicitant de ma participation, et se réjouissant d’avoir été élu pour la première fois de sa vie. La colère qui était entrain de s’emmagasiner en moi surgit, je me lève et lui dit :

— A quoi tu joues bordel ?! T’es là, je t’aides à t'intégrer, je te fais rencontrer mes amis, je te fais t'intégrer au lycée, et toi tu me lache du jour au lendemain pour trainer avec des gens qui en ont rien a foutre de toi, tu viens tu me prend mon poste de délégué et de facto les deux autres, parce que je cite “c’est fun trololo”, peut être que pour toi c’est juste des médailles en chocolat, mais moi c’est l’une des seules choses qui faisait que ma mère était pour une fois fière de moi !

Henri et Élisa à côté de moi me regardaient tous les deux avec des yeux de merlans frits, et après un silence d’une bonne dizaine de secondes, Henri prend la parole :

— Marius… Je… Je savais pas que…

Il est interrompu par Mme.Maurice :

— Il y a un problème les enfants ? Parce que je dois fermer la salle

— Non, aucun problème, répondis-je en partant.

Je n’ai même pas cherché à écouter Henri qui a tenté de me rattraper dans le couloir, ni même Élisa qui m’a demandée de l’attendre, j’ai vissé mes écouteurs sur mes oreilles et j’ai tracé ma route le plus vite possible jusque chez moi.

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