Néfertari

8 minutes de lecture

Néfertari s’était opposée à son époux dès qu’il lui avait annoncé la nouvelle. Elle savait que sa fille n’était pas une fainéante. Et comment avait-il pu croire aux propos néfastes de sa seconde épouse ? Lui, le juste, envers son peuple ! Ne l’était-il pas envers ses enfants.

Furieuse de la décision de son royal époux, elle avait décidé de se rendre au harem Royal, dans le but de soutenir sa fille. Toutes deux étaient reliés par une force inexplicable et Néfertari sentait la détresse de sa fille en elle. Alors, elle laissa en plan son époux et partit. Elle voulait des explications et elle en aurait.

Les suppliques de Ramsès n’avaient eu aucun effet. Néfertari ordonna à sa garde personnelle de préparer sa litière et partit immédiatement. En peu de temps, elle pénétra dans l’enceinte du Palais bleu. Elle était hors d’elle. Furieuse de sentir la chair de sa chair en difficulté. Mérytamon était son petit prodige, même si c’était une mère formidable, pour ses cinq enfants. Elle les aimait tant, qu’elle était prête à donner sa vie pour les protéger.

On la déposa aux portes du Palais. La nourrice royale, Abina, la voyant arriver, se précipita vers elle. Néfertari s’approcha d’elle

—Où est la princesse Mérytamon ? Demanda-t-elle sévèrement à la nourrice.

—Dans les appartements de la reine Isis- Nofret, répond-elle d’une voix douce.

—Accompagne- moi !

Une fois devant la porte, la Grande Épouse Royale entra.

Immédiatement, les deux femmes s’échangèrent un regard : surpris pour Isis Nofret et accusateur pour Néfertari. Par respect, Isis Nofret baissa le sien. Sa rivale était la Grande Épouse Royale. Néfertari regarda ensuite sa fille qui avait baissé son regard, elle aussi.

Oubliant le protocole, la reine se jeta dans les bras de sa fille. Elle la cajola comme elle le faisait au palais royal. Mérytamon se sentit alors revivre.

Cette odeur de rose, cette chaleur lui manquaient tant. Sa mère, c’était son pilier, celle qui savait l’écouter.

—Comment vas-tu, Méry ? lui demanda-t-elle d’une voix douce et rassurante

—Tout va bien, mère… Mentit la jeune fille.

Néfertari se contint. Elle savait que sa fille venait de lui mentir. Si elle allait bien, comme elle l’affirmait, pourquoi pleurait-elle. La reine reprit contenance en soupirant et en essuyant doucement les larmes qui coulaient le long des joues de sa fille. Tout en la lâchant pas des yeux, Néfertari lui déposa une bise sur le front :

« Elle n’a pas le droit de te faire souffrir, Mérytamon. » Pensa-t-elle

Elle se redressa, abandonnant sa fille pour s’adresser à la supérieure du Harem :

—Bonjour Isis-Nofret. J’aimerai savoir ce qui se passe avec ma fille ?

—Il n’y a aucun problème, Majesté, je ne comprends pas…reprit la supérieure du Harem, confuse et gênée

—Cesse de me mentir, Isis-Nofret. J’ai discuté avec le Pharaon et il m’a raconté tes dires. Se fâcha Néfertari

Mérytamon assistait à la conversation, contrainte et forcée. Elle voyait sa mère comme elle aimait la voir. Elle défendait ses enfants coûte que coûte. Sa belle-mère flancha face aux remarques de la reine et le couperet tomba. La mère avait décidé :

—Nous assisterons, le Pharaon et moi-même au spectacle dédié à Hathor. Nous voulions faire une surprise à nos enfants, mais tu as tout gâché. Et Méry y assistera à nos côtés. Et la prochaine fois, que tu as quelque chose à redire sur ma fille, tu me tiendras au courant… Et un conseil Isis, ne la méprise pas… Plus jamais.

Isis-Nofret se morfondit en excuses. Néfertari prit sa fille par la main

—Mérytamon est une jeune femme intelligente, animée par d’autres envies. Elle a plus de valeur que vous, elle ne se complait pas dans la perfidie ! Ajouta Néfertari furieuse.

Les deux femmes sortirent, laissant la seconde épouse confuse. La porte claqua. La reine se tourna vers sa fille

—cette femme n’a aucun droit sur toi, Mérytamon. Tu dois me tenir au courant de ses faits et gestes contre toi.

—maman, je suis désolée, mais j’avais dit à Ahmosê que ces écrits, je les terminerai ce soir, je…

—Mérytamon, je sais que ton travail sera terminé, je n’ai aucun doute mais tu n’ignores pas la position d’Isis- Nofret envers toi et surtout envers moi. Elle m’en veut et elle m’en voudra toujours d’avoir pris sa place. Et comme elle ne peut me toucher, elle fait de toi son souffre-douleur.

Néfertari releva le visage de sa fille et lui dit les yeux dans les yeux :

—Elle n’en a pas le droit. Tu dois te défendre. Tu es une princesse royale, tu es supérieure à elle, par ta naissance. Ne te laisse pas faire…

—Oui, maman, répondit Mérytamon, pas convaincue par les paroles de sa mère.

Néfertari ajouta en reprenant la marche :

—Et pour ton père, je m’en occupe. Alors ne t’inquiète pas pour ce qu’il pense…

Mérytamon s’autorisa un petit sourire et suivit sa mère qui termina par cette annonce :

—Ton père nous attend dans les jardins. Il a quelque chose à t’annoncer.

Cette annonce la refroidit. Qu’allait-il lui annoncer ? Son mariage probablement. Elle n’était pas prête, elle le devinait, mais devait-elle suivre le conseil de Khâ ? Parler à ses parents, leur avouer son désir d’aller créer pour les Dieux dans le village de la place des vérités ? Une princesse royale pouvait devenir une servante pour les Dieux ?

Très vite, elles arrivèrent au jardin. Le Pharaon était assis face au bassin, avec une bière à la main. Il s’était abrité à l’ombre d’un sycomore. Mérytamon le trouvait majestueux, même de dos.

***

Dès qu’elles arrivèrent près de lui, il se redressa. Son mètre quatre-vingt- dix surplomba les deux femmes. Le Pharaon avait une carrure exceptionnelle, peu d’hommes étaient aussi grands que lui. Il ressemblait tout simplement aux Dieux. Sa chevelure orange flamboyait avec les rayons du soleil. Il était heureux de revoir sa fille, sa « petite princesse » comme il la nommait. Il portait un simple pagne qui enroulait sa taille, un collier pectoral qui cachait la moitié de son torse et évidemment sa couronne : le Psencht, symbole de son pouvoir.

Ramsès était bien le fils des Dieux, le fils du soleil. Amon-ré était bel et bien en lui.

—Ma petite fille…

Il la prit tout contre lui et la souleva de terre. Elle ressemblait à une poupée de chiffon dans ses bras musclés et puissants.

—Comment vas-tu ? lui demanda-t-il en la reposant au sol.

Pour toute réponse, Mérytamon lui sourit. Son père l’invita à s’asseoir à ses côtés et commença à lui parler. Elle avait peur de l’annonce et se sentait incapable de lui avouer ce qui la tourmentait. Elle l’écouta en regardant devant elle, cette nature qu’elle chérissait.

—J’ai une grande nouvelle pour toi, ma petite princesse.

Elle ne montra aucune émotion, même si à l’intérieur d’elle-même elle aurait voulu hurler sa détresse. Le Pharaon continua, toujours aussi calmement :

—Mais d’abord, sache que je ne suis pas satisfait de tes études ici…

Elle l’avait donc déçue. Et décevoir ses parents, ce n’était pas ce qu’elle voulait. Avec tout ce qu’ils avaient fait pour elle, elle n’en avait pas le droit. Tout espoir s’envola, elle ne pouvait leur avouer son simple désir. Mais la Grande Épouse Royale, toujours révoltée par cette injustice envers sa fille, prit sa défense en interrompant son mari.

—Non, Ramsès, c’est Isis-Nofret. Elle aime rabaisser notre fille, je ne sais pour quelle raison. Mais sache que c’est à cause de huit hiéroglyphes qu’elle n’avait pas fini de tracer qu’elle a été punie. Mais regarde un peu ce dessin, Ramsès et dis-moi ce que tu en penses.

Néfertari lui donna le dessin de la déesse Maât que Mérytamon avait mis du temps à reproduire. La jeune princesse ferma les yeux.

Mérytamon se sentit soudain mal à l’aise, elle craignait le jugement de son père, et elle n’avait aucune confiance en ses productions. Elle cachait cette passion à son père car le dessin était si futile aux yeux de la famille royale.

Elle attendit le verdict avec une certaine appréhension, le visage fermé. Puis, il reprit en gardant précieusement le papyrus, tout contre lui :

—C’est divinement dessiné, mais elle a tes dons, ma douce… Je n’ignore pas que Mérytamon n’est pas faite pour les études, c’est une artiste, comme toi…

Il gratifia d’un sourire son épouse puis, s’adressa à sa fille. Il la connaissait si bien. Une petite princesse rebelle pensa-t-il, si bien qu’il eut un sourire. Il savait très bien qu’il ne n’en ferait pas une petite princesse protocolaire, oisive et entretenant au mieux sa maison et ses domestiques. Non, Mérytamon était une artiste, une jeune femme exceptionnelle en devenir, mais les conditions de sa naissance lui donneraient un tout autre destin. Il n’avait pas le choix, même s’il savait que ce que lui préparait allait à l’encontre de ses envies.

—C’est pour cela, ma petite princesse que tu quitteras bientôt ces lieux qui ne t’apportent rien. Lui dit-il en affichant un joli sourire.

Il savait qu’il lui ferait plaisir.

Mérytamon se retourna vers cet homme qu’elle admirait tant. Son père avec qui elle avait passé son enfance, l’homme qui la lançait dans les airs, qui l’emmenait se promener sur son char, qui lui a donné le goût de la nature. Mais là, elle avait en face d’elle, le monarque, le maître des deux terres. Elle tourna son regard vers lui, elle avait un peu peur de ce qu’il allait lui annoncer. Mais elle vit ce sourire, celui qui la rassurait :

—Demain, nous partons en famille pour la place des Vérités, lui annonça-t-il avec joie.

La place des Vérités, le village des artisans, un lieu de rêve pour Mérytamon. Le rêve depuis son enfance.

Ce village où cohabitaient tous ces corps de métiers qui la faisaient rêver. Les meilleurs artisans de la terre des Dieux, des hommes et des femmes qui sacrifiaient leur vie pour construire des demeures d’éternité aux Pharaons. Dessiner, décorer, créer, sculpter pour gagner l’immortalité. Le rêve de chacun, le rêve de tous, du peuple et d’eux : les élus…

Un sourire égaya alors son visage et elle se tourna vers son père :

—Merci, Père… Merci beaucoup, vous ne saurez me faire plus plaisir.

—Je m’en doute bien, ma princesse.

Il se pencha vers une petite table installée près de son fauteuil et prit un verre de bière fraîche, il continua, mais son ton changea :

—Ce sera l’occasion pour toi de rencontrer des hommes. Il est temps que je te choisisse un époux, un homme qui te rendra heureuse, ma princesse !

Sa joie fut de courte durée. La marier, le Pharaon n’avait pas abandonné l’idée. Mais pourquoi l’aurait-il abandonnée, puis que c’était la destinée de toutes les princesses Royales ?

Se marier, entretenir un foyer, ne pas déroger à la règle et maintenir la lignée en enfantant des êtres purs…

Dans le but de prolonger l’équilibre et de gagner l’immortalité, la vie éternelle, celle qui permettrait d’accéder à la vie idéale, dans l’autre monde.

Mérytamon ne devait pas être celle qui déshonorerait la famille et mettrait l’équilibre en péril

Elle décida donc de se taire. Garder son secret, sa passion, bien en elle.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Kleo ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0