THE DARK LORD FROM BULGARIA

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Un jour de forte pluie.

— L'âme est dans le sang, c'est ce qu'on dit, je crois ?

— Lévitique 17 : 11. « car l'âme de la chair est dans le sang... »

— Je manque un peu de culture biblique, je l'ai lu il y a longtemps, par curiosité. La religion, c'est pas ma came.

— Ah, oui ? L'opium des peuples n'est pas « ta came » ?

— Humour de camionneur bulgare ?

— Hm.

— Voici mon sang, mon âme, ma vie, mon dernier souffle... c'est du délire ! C'est du cannibalisme, ton truc !

— Je ne peux pas faire autrement. Tu vois, l'eau qui cristallise l'information, cette structure spécifique est la seule énergie qui puisse me garder en vie. L'amour. Mon corps se nécrose.

— Et nous, on vieillit. J'ai toujours cru que les vampires avaient des crocs et se nourrissaient simplement du sang de leur victimes en les infectant ou les vidant complètement. Pas très scientifique comme variante. Un virus qui rendrait immortel... Ah, et l'invisibilité face au miroir. Pas crédible.

— J'adore quand tu réfléchis à voix haute, comme s'il n'y avait personne à cent lieues.

— Je vais refaire du thé. Pourquoi Londres ?

— Je pourrais te retourner la question.

— Mais tu ne le feras pas.

— Pour la culture et le raffinement.

— Tu trouves les anglais raffinés ?

— C'est ton humour qui m'a séduit, je ne peux plus m'en passer. Vous avez ici, une conception du bien et du mal moins tranchée que dans quelqu'autres pays que j'ai visités.

— Tu veux dire qu'on tolère davantage les psychopathes ? Sans doute parce que beaucoup d'entre nous reconnaissent, bien volontiers, leur part d'ombre. Ce petit pays ridicule qui autrefois possédait plus de trois quarts de la planète, on se demande comment ? Des alcooliques dont l'activité favorite est de se mettre sur la gueule à la sortie du pub, après s'être bien mis dans le gosier. C'est que dans les restes du monde les gens sont encore plus débiles ! Ces anglais ne sont même pas foutus de se parler sans avoir bu ! Quel bel Empire ! Et nous autres Écossais, je parie qu'on boit tout autant pour noyer sa honte de s'être fait baisser le froc par des crétins pareils !

— Toute cette rage.

— Tu me parles de culture ! J'avoue Londres est belle et peut-être que j'aime cette ville parce que c'est assurément là que tu trouveras le moins d'anglais aux Royaume Uni. L’Écosse est devenue une foutue maison de retraite pour l'envahisseur ! Je suis flic, je ne devrais pas juger. Enfin j'étais.

— Disons que pour ma part c'est l'Union Européenne que je ne trouve pas à mon goût, concernant mon pays.

— Je devrais éviter de poser certaines questions.

— Toute conversation a son lot d'épines. Il suffit de ne pas se laisser égratigner.

— Quelle poésie, ça c'est du raffinement. T'es plutôt bien conservé pour un vieux singe. Le british est moins duel parce qu'il a appris à se contenter de ce que la vie lui fout dans le gueule, pas grand chose en sommes. Galérer et la fermer. Mais on n'a pas appris à la fermer, on prend ce qu'il y a, on s'exprime, en foutant la merde dans les rues, en montant des music bands, de rock, de punk… on braille dans le micro, on picole, on est content.

— C'est ton côté « psychopathe assumé » qui me laisse libre, alors que ton côté flic devrait m'enfermer sans sommation ?

— Tu ne peux pas échapper à ta condition, si je t'envoie en prison, je te condamne à mort. Tu devras te contenter d'un sang pauvre en amour, mais au moins, tout le monde vivra.

— J'ai failli te tuer.

—Tu sais le nombre de fois qu'on a essayé de me tuer ? J'ai moi même essayé deux fois.

— Heureusement que tu as échoué.

— Rêve.

— Pardon ?

— Rien.

— Tu t'enfonces dans les limbes de ton esprit.

— Qu'est ce que tu dis ?

— Tu sombres dans les méandres de ton esprit.

— Non, non. Un autre mot.

— Tu t'enfonces dans les méandres...

— On s'en fout ça. Tu as dit « limbes ».

— Oui. Tu fais souvent ça. Au bout d'un certain temps de conversation, tu fais l'autiste. Tu t'enfermes dans une sphère impénétrable. Un vrai trou noir de réflexion.

— BlackHole l’avait prédit…

— Quoi ?

— Notre rencontre.

—Intéressant...

— Qui de mieux qu'un psychopathe pour traquer un autre psychopathe... Théo, est-ce que je suis narcissique ?

— Absolument pas.

— Orgueilleuse ?

— Fière.

— Ce n'est pas la même chose. Je ne suis ni sociopathe, ni psychopathe, j'ai même de l'empathie. Un grand sens de l'observation et donc de la déduction. Je connais la nature humaine, j'anticipe parfaitement les faits et gestes de chacun, ça en devient lassant. Si je m'ennuie en compagnie des gens, c'est parce que je les cerne vite. Trop vite. Mais pour BlackHole... Je dois me tromper de profile, depuis le début ! Je ne pourchasse pas un psychopathe, mais une personne comme moi, quelqu'un qui veut non pas jouer, mais me faire passer un message ! BlackHole est un pisteur.

— BlackHole, c'est le tueur en série que tu traques depuis des années ?

— Tueur en série c'est vite dit : généralement pas de cadavre, aucune trace des victimes disparues, à part parfois un peu de sang pour écrire des messages, mais pas assez pour en conclure le décès. Il a à peine dû prélever un litre pour écrire la dernière inscription sur le mur de l'appartement de Siobhan. Et les deux fois qu'il y avait un cadavre sur la « soit disant » scène de crime, le légiste a confirmé : mort naturelle. Chaque.

— Alors c'est moi que tu devrais poursuivre. Je suis de loin plus dangereux.

— Toi je t'ai neutralisé. Tant que tu boiras mon sang, tu ne feras pas de victimes.

— Et tu as confiance ?

— Me cherche pas, Théo.

— Hm. C'est cette force de conviction. Aucuns doutes.

— Si tu me trahis, je le saurai et tu sais que je te tuerai.

— Mais tu vieillis et un jour tu mourras.

— Et bien faudrait peut être que tu commences à y penser, toi aussi ! T'en as pas marre sérieusement ? T'as plus de quatre cents ans ! T'as combien en vrai ?

— Sept cents cinquante et un ans.

— La vache ! Moi ça me raserait mortellement.

— La force de l'habitude.

— Ouais enfin là, ça devient de l'addiction. Crois-moi je sais de quoi je parle et c'est merdique ! Tu devrais consulter, mon cher. J'en connais un bon.

— Suis-je bien en face de Lawrina Mortensen ?

— C'est quoi ce ton ? Il ne va pas du tout avec cette tête ! Je t'arrête tout de suite, tu ne la poseras pas, cette question.

— Bien sûr. Tes déductions sur BlackHole sont de loin plus intéressantes que ma santé mentale.

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