Préface

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PRÉFACE

 
    J’ai rencontré l’auteur de ce livre il y a sept ans au Burkina. Il participait à une activité humanitaire. Nous avons sympathisé malgré notre grande différence d’âge. Je continue à m’occuper d’enfants au Burkina, lui a choisi un autre chemin car sa jeunesse lui ouvrait toutes les routes.
Il y a quatre ans, il a décidé de découvrir ce qu’était la Zad de Notre-Dame-des-Landes et il y est resté.
Ce que j’ai toujours admiré chez Camille c’est son éthique de vie. Même dans les situations difficiles (et il en a rencontré plus que nécessaire), son comportement reste en accord avec son éthique.
Dans cet ouvrage, Camille raconte sa vie à la Zad (mais aussi, un peu, ailleurs). C’est un document exceptionnel en ce sens qu’il n’y en a pas d’autres du même genre. On sait beaucoup de choses sur la vie des Papous ou de certaines tribus de Mélanésie mais on reste très peu documenté sur la vie quotidienne à la Zad de Notre-Dame-des-Landes. Moi, comme les autres, je connaissais les problèmes liés à cette occupation en opposition au projet d’aéroport mais j’ignorais à peu près tout du mode de fonctionnement de la Zad. Ce mode qui s’inspire des meilleures propositions écologistes, du désir de s’opposer à une certaine forme de capitalisme, de la volonté d’accueillir les « paumés » de la terre est une réponse (sans doute utopiste mais ne rien essayer n’est pas non plus la meilleure formule) au mal-être qui domine aujourd’hui dans la jeunesse.
Sans prosélytisme mais avec une conviction non dissimulée, Camille, dans une langue claire, nous raconte son arrivée à la Zad et l’action des différentes collectivités qui la composent. On y trouvera donc tout aussi bien des informations sur la protection de la nature que des descriptions des techniques agricoles ou des éléments d’architecture des cabanes. Sans oublier, bien sûr, l’avis de Shenzi, la chienne qui accompagne ce zadiste partout dans le monde.
Pour faire de l’ethnologie et de la sociologie il ne faut pas se rendre au bout du monde comme l’a admirablement montré Leroy Ladurie dans Montaillou, village occitan… En nous dressant un tableau vivant des communautés (ou collectifs) de la Zad, Camille nous démontre également qu’autour de nous d’autres vies existent et méritent d’être connues.
 
Pour éviter d’avoir pour seule information la vision de Camille, j’ai lu d’autres ouvrages consacrés à la Zad et j’ai découvert, entre autres, celui de Françoise Verchère, maire de Bouguenais (la commune où se trouve implanté l’actuel aéroport de Nantes-Antlantique) et enseignante. Ce n’est pas le lieu pour dire ici tout le bien que je pense de cet ouvrage et de sa rigueur mais je n’y résiste pas car j’aimerais citer l’auteur ou, plus exactement une lettre qu’elle adresse à Najat Vallaud-Belkacem, à l’époque, ministre de l’Éducation nationale.
 
Après lui avoir fait savoir qu’en tant qu’enseignante des lettres classiques elle a inévitablement parlé des révoltes et des révoltés (Anouilh, Bauchau, Zola, Hugo, Villon, Voltaire, Vian, de la Boétie et bien d’autres qui sont enseignés en tant que trésors de la France), elle se demande, aujourd’hui, au vu des circonstances, si elle n’aurait pas « dû plutôt choisir, hors programme, des ouvrages qui apprennent l’appât du gain, l’art du mensonge, le refus du doute, le goût du pouvoir, la supériorité de l’oligarchie sur la démocratie ? » Et de poursuivre : « Aurais-je dû leur dire que la justice, la vérité, le respect du vivant étaient des utopies inutiles, des valeurs ringardes et en total décalage avec le monde réel ? Peut-être après tout. Le choc serait moins rude et l’école serait enfin en phase avec la société… » (Notre-Dame-des-Landes, page 124).
 
On peut fort bien se questionner sur certaines informations contenues dans l’ouvrage de Camille ou se dire que les projets sont utopiques et ne peuvent fonctionner que justement parce qu’ils ne concernent qu’une minorité qui bénéficie, malgré tout d’un environnement déjà mature. Il n’en reste que bien des réalisations de la Zad décrites dans cet ouvrage participent à ce qu’il y a de meilleur dans l’homme (le partage, la compréhension, l’absence de jugement). Et si le zadiste réclamait, comme John le Sauvage dans Le meilleur des mondes (faut-il préciser qu’il a été écrit par Aldous Huxley), non du confort mais :
« Je veux de la poésie, je veux du danger véritable, je veux de la liberté, je veux de la bonté, je veux du péché » (page 265, éditions Pocket).
Et si à la liste des malheurs qui lui arriveraient en dehors du meilleur des mondes, il répondait comme John Le Sauvage : « Je les réclame tous ». Nous devrions, à l’instar de Mustapha Menier, l’Administrateur mondial du Meilleur des mondes, répondre : « On vous les offre de grand cœur ». Mais « le monde » est-il encore capable de partage, ce qui sous-entend empathie, générosité, délicatesse mais aussi des choix politiques hors des paradigmes socio-économiques actuels ?
En lisant ce livre, rappelez-vous que nous sommes au 21e siècle mais que l’aventure reste possible, même en Europe. Sans faire école, ce récit peut aussi nous apprendre beaucoup de choses sur nous-mêmes, sur notre tolérance, notre empathie, nos choix pour un monde meilleur.
 

Quentin Ludwig, médecin, lexicologue, spécialiste des religions.



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