Le Parc de la Tête d'Or

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Hier soir, de son côté, Marie avait refait tout le parcours et n’avait pas retrouvé Lucie. Le temps défilait et elle n’avait toujours pas réussi à la joindre. Son angoisse était grandissante, elle n’avait pas fermé l’oeil de la nuit.

Au petit matin de ce lundi 9 décembre, Marie ouvre la page de son fil d’actualité sur le réseau social sur lequel elle avait eu ses premiers échanges avec Lucie. Son inquiétude augmente lorsqu’elle lit la publication d’Aude Le Doux postée il y a quelques minutes : « Bonjour à tous, cela fait 48 heures que @Rachel Rodfeld et moi n’avons plus de nouvelles de @Lucie Kergoff, partie seule à Lyon pour assister à la Fête des Lumières. Merci de me contacter en MP si quelqu’un avait des informations. »

Marie devient toute blême. Mais elle fait le choix de ne pas commenter, ni de mettre de réaction à la publication d’Aude. Elle regarde pensivement le profil de Lucie déjà inactif depuis deux jours et sur lequel apparait qu’elle est en couple avec Charles Mannec’h. Visiblement le petit ami de Lucie, resté en Bretagne, ne semble pas encore inquiet de ce silence. Aurait-il des nouvelles plus récentes ? Marie remarque en passant que Martine et Robert Kergoff ont, eux aussi, des profils sur ce réseau social bien que peu actifs. « Ils ont forcément des choses à cacher, ce n’est pas possible autrement. » se dit Marie.

Lucie se serait-elle perdue ? A-t-elle fait confiance à un inconnu pour retrouver son chemin ?

Au même moment, en Bretagne, Rachel pousse la porte de la gendarmerie du Guilvinec pour signaler la disparition inquiétante de son amie.

A l’accueil, elle explique l’objet de sa venue à un jeune homme de 25 ans environ.

– Bonjour monsieur, je viens signaler la disparition inquiétante d’une amie proche. Lucie Kergoff a 19 ans, elle ne donne plus aucun signe de vie depuis samedi matin. Elle s’est rendue à Lyon mercredi.

Son interlocuteur l’interrompt.

– Vous venez de me dire qu’elle est en déplacement. Attendez encore quelques jours avant de vous affoler.

– Ce n’est vraiment pas son habitude de couper son téléphone portable et de ne rien publier sur les réseaux sociaux, surtout pour une passionnée de photographie qui se rend à un tel évènement que celui de la Fête des Lumières. Cela fait des années qu’elle souhaitait y assister. Elle préparait son voyage depuis des mois.

– Laissez-moi votre nom et vos coordonnés. Mais vraiment ne vous inquiétez pas. Je suis sûr que votre amie profite de son voyage.

Rachel ravale sa colère montante face à cet interlocuteur qui semble ne pas prendre son inquiétude au sérieux, puis quitte la gendarmerie.

Arrivée au collège Paul Langevin du Guilvinec dont elle est l’une des surveillantes mais aussi une ancienne élève, tout comme l’était Lucie, elle rumine encore. Pourquoi, le gendarme ne l’a-t- elle pas prise au sérieux ? Que pourrait-elle faire de plus pour retrouver la trace de Lucie ? Lancer un avis de recherche ? Non, ce n’est un bon plan car Lucie est bien arrivée à destination.

De son côté, à Lyon, Marie culpabilise, lit et relit le message d’Aude. Les commentaires sont nombreux, mais pas un seul de Martine et Robert Kergoff, qui sont pourtant parmi ses « amis ». Le coeur de Marie se serre au fond de sa poitrine. L’intime conviction que Martine et Robert ont un lien avec la disparition de celle qu’elle considérait déjà comme son désormais inséparable double ne la quittera plus. Lucie lui avait confié ne pas vouloir rentrer en Bretagne.

Ce même jour, il est presque midi lorsque un jogger aperçoit dans le lac du Parc de la Tête d’Or , une tête blonde à la surface de l’eau alors qu’il est formellement interdit de s’y baigner. Et puis qui aurait l’idée de nager dans un lac glacé quand il fait moins de 10°C ?

– Mademoiselle ! C’est interdit de se baigner ! lance le joggeur. Aucune réaction. Alors qu’il s’approche d’un peu plus prêt il réalise qu’il est en présence d’un corps inerte. Choqué, il reprend sa course dans le sens inverse en direction de l’entrée principale du parc. Une fois dans la rue, le joggeur compose le 17.

– Police secours ne quittez pas , nous allons prendre votre appel.

– Bonjour, je m’appelle Benoit Dumont, je faisais mon jogging quotidien dans le parc de la Tête d’or aux abords du lac et j’y ai vu un corps qui m’a semblé inanimé.

– Vous êtes toujours sur place ?

– À l’entrée principale.

– Restez où vous êtes, je vous envoie mes collègues et les pompiers.

En moins de dix minutes, une première voiture de police arrive devant l’entrée principale du parc.

– C’est moi qui vous ai appelés.

Ensemble ils se dirigent vers le lac.

Quand le corps de la jeune fille est tiré hors de l’eau, pompiers et policiers présents sont horrifiés de cette découverte. Une chose à laquelle ils ne s’habituent pas. Arrivée elle aussi rapidement sur place, Laura Labourdelle, la médecin légiste, fait les tous premiers constats : rigidité cadavérique, coloration de la peau, tout cela ne disparaît pas sous la pression des doigts. Cependant, pas encore de début de putréfaction. Pour elle, aucun doute, la défunte n’est dans l’eau que depuis quelques heures. Seule une autopsie permettra de fixer l’heure de la mort et de préciser ses causes : accident ? Suicide ? Meurtre ?

L’un des policiers lance à ses collègues :

– J’appelle la commandante Rossini, c’est une affaire pour elle.

Pas de réponse. Et pour cause Maud Rossini a l’habitude de se rendre en fin de matinée ou dès qu’elle le peut au stand de tir pour s’entraîner.

– Elle ne décroche pas. J’appelle quelqu’un d’autre ?

– Non, laisse lui un message ou, non, passe-moi ton téléphone, je vais le faire.

– Maud ? C’est Paul, tu dois être au stand de tir. On a été appelés à la suite de la découverte par un jogger d’un corps immergé dans le lac du parc de la Tête d’Or. Cela fait plusieurs heures qu’il s’y trouvait, selon Laura. Rappelle-moi sur mon portable dès que tu as ce message.

Paul est l’adjoint de Maud Rossini. Il avait été son stagiaire à la sortie de l’école de police. Depuis ils travaillent toujours en binôme et sont très complémentaires.

– Bon, qu’avons-nous pour le moment ? Cette jeune femme doit avoir plus ou moins 20 ans, elle n’a pas de téléphone, pas de papiers sur elle. On n’a pas retrouvé d’objet à proximité.

– On va devoir lancer un appel à témoins, mais on attend quand même de voir avec Maud lorsqu’elle me rappellera.

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