Journée tranquille

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 Il est tôt, le soleil se lève à peine et Bassem relève déjà la grille en fer de son café.

Pas de grabuge cette nuit, des trous dans les murs laissent paraître quelques timides rayons à l'intérieur de la pièce. Comment est-ce que je le sais ? Je me suis endormi là, la nuit derrière, comme toutes celles depuis plus de deux ans maintenant, après que mon immeuble ait été pulverisé par une bombe estampillée Russie.

Ainsi commence notre petit rituel, je prends un torchon et j'essuie les trois tables avant de m'attaquer au bar.

Une fois la tâche terminée, je m'assieds à la table du fond et j'attends Bassem en installant l'échiquier.

Nous jouons pendant deux heures et le plus souvent il gagne. Evidemment, cela ne se fait pas sans quelques remontrances et preuves de mauvaise foi flagrantes de ma part, mais Bassem ne semble pas y prêter attention, comme s'il était hors du monde.

Les premiers clients pointent le bout de leur nez vers les huit heures. Ils viennent trouver ici le réconfort dont ils manquent cruellement. Seul Bassem arrive à leur donner le sourire, il trouve toujours un moyen. On installe une autre table vers 11h pour l'heure du thé pendant que l'on joue aux échecs ou aux dames. C'est à ce moment que je me rends compte qu'être mauvais joueur est une caractéristique plutôt commune dans les alentours.

 On peut entendre Nordine brailler à des centaines de mètres à la ronde et s'énerver. La plupart du temps, les gens rient quand cela arrive et tout le monde le taquine comme un petit frère.

Vient alors l'heure de la soupe, la cohue se stabilise et les gens vont aider Bassem à mettre les couverts puis ils s'installent et parle de sport et de ragots mais jamais de guerre, on ne veut pas de ça chez Bassem.

On mange tous ensemble en alignant les tables, comme une grande famille dégustant les plats de Bassem, le Maklouba ou le riz aux lentilles. On pourrait croire qu'il est difficile de se nourrir et c'est vrai, mais ça l'est de moins en moins chaque nuit.

 Personne ne pleure ici, chacun trouve son petit bonheur. Bassem, lui, l'a perdu il y a deux ans. Il s'appelait Bilal et il avait les yeux bleus comme l'azur, il est parti avec sa mère et leur maison.

Pendant le repas, Mohammed chante une petite composition de son cru accompagné de son oud et de Issem aux grelots.

Les gens écoutent paisiblement les trémolos de sa voix pendant qu'ils savourent les restes de leur repas bien trop maigre malgré l'effort.

Et puis, la routine reprend son cour et les gens vivent, jouent et rient. Et cela tous les jours.

Il est maintenant tard et le soleil nous dit au revoir. les clients partent et je suis le dernier sur les lieux avec Bassem.

On boit du thé et quelque fois, il me parle de son fils et de sa femme, un sourire aux lèvres et un poids sur le coeur. Bassem parle peu, mais il parle juste et toujours d'une jolie façon.

Avec lui le temps semblait s'évaporer et nul ne s'ennuyait.

La nuit vient à présent et avec elle la fatigue de la journée accomplie, je me couche sur la banquette avec une couverture trouée et je souhaite la bonne nuit à l'homme qui me sauve du froid du dehors.

Alors que je sombre dans l'inconscience, il me vient un soupir de soulagement. On se sent tellement bien chez Bassem.


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